Extrait de la seconde partie de l'entretien donné par Philippe de Villiers au Figarovox :
"Le Traité de Troyes vaut bien le traité de Maastricht. En 1420, que pensent les élites? Autour d'Isabeau de Bavière, plissée de gras sous le hennin, cette «truie couronnée» comme on l'appelle à l'époque dans les pays de France, les élites pensent que la souveraineté est une charge trop encombrante. Donc il faut s'en débarrasser. On cède et on transfère la souveraineté à l'étranger, à l'Angleterre. On pense y gagner en prospérités. On console le peuple en lui disant que la France sera plus grande quand elle sera anglaise. […] C'est la trahison des élites: la trahison des élites politiques, celles qui se déchargent de la souveraineté, trop lourde à porter, et qui considèrent que la France a fait son temps ; la trahison des élites économiques aussi, qui, pour l'essor de leurs commerces, au nom des laines anglaises, des tissus flamands et des vins de Bourgogne, demandent au roi de France, avant d'entrer dans la ville de Troyes, de les rassurer: «dites-nous que les affaires continuent à prospérer comme avant» ; et bien sûr la trahison des clercs enfin, qui refusent que Jehanne aille voir le Pape, ce qui est son droit le plus strict et qui lui reprochent un excès de patriotisme. […]
La Révolution a abattu la monarchie, elle l'a remplacé par une démocratie qui est devenue aujourd'hui une oligarchie. L'oligarchie médiatique, l'oligarchie des banquiers de Francfort, l'oligarchie du CAC 40, l'oligarchie des commissaires de Bruxelles, pour ne pas parler de l'oligarchie américaine de l'OTAN. Un jour, une génération se lèvera qui balaiera les oligarques du multiculturalisme et du consumérisme.
Justement, quel est votre regard sur la génération Manif pour Tous?
C'est la petite sœur Espérance de Péguy. Aujourd'hui, si Jehanne d'Arc revenait, elle aurait à affronter à une nouvelle idéologie. L'oppresseur n'est plus l'Angleterre, mais le mondialisme, qui sépare l'homme de ses attachements vitaux : on est en train de fabriquer pour la France de demain, un petit homme consommateur à l'américaine qui sera asexué et apatride. Il n'aura plus ni racine, ni filiation. Il ne pourra plus se retourner sur son passé et n'aura donc plus d'horizon. Il deviendra fou, fou de plaisir, fou de l'instant, le fou de Chesterton qui a tout perdu sauf la raison. L'ensemble des autorités temporelles et spirituelles a tendance à considérer aujourd'hui que le seul enjeu est, comme on dit à l'école aux enfants, de «sauver la planète». On ne cherche plus à sauver la France mais à sauver la planète. On ne veut plus sauver une civilisation, on veut sauver les phoques et les ragondins appelés à devenir des sujets de droit et on chosifie l'embryon humain. Dès lors, la nation est montrée du doigt, elle est regardée comme un obstacle à la fraternité cosmique. Les déclinaisons de cette idéologie sont l'immigrationisme, l'hédonisme, le consumérisme, avec un objectif inavoué: la création d'un seul marché mondial qui permettrait aux entreprises américaines d'inonder le monde et de faire de l'individu un atome, un consommateur sans attaches affectives. L'Amérique ne veut plus de frontières, d'États, de lois nationales. Elle veut le libre échange planétaire. Elle veut des consommateurs plutôt que des citoyens, imprégnés de soft power, coca-colonisés et qui se passent, de bouche en bouche, le même chewing-gum.
La première urgence est de retrouver l'idée de France: une nation n'existe pas sans contours, ni conteurs. Si elle cesse de rêver et de se définir, si elle perd ses frontières, elle s'abîme. Mais il faut aussi savoir lire les signes d'espoir comme l'immense succès de la «Manif pour Tous». C'est la première fois dans l'histoire de France que des gens ont quitté leurs domiciles, leurs soucis familiaux et personnels, leurs inquiétudes économiques afin de venir manifester pour des idées et non pour des intérêts. C'est la protestation la plus gratuite de notre histoire. Cela laisse penser que la France ne veut pas mourir. Quand il y a un million de personnes dans la rue qui refusent qu'elle meurt, elle ne mourra pas. Lénine disait, «il me faut mille hommes …». On peut penser aujourd'hui, comme lui, qu'un jour il suffira de mille hommes: par leur sacrifice et l'élévation de leur âme, ils changeront la donne de cette société éreintée. Mon livre n'est qu'un petit caillou blanc que je dépose sur le chemin de ces petits hommes-là qui tiennent leurs lucioles allumées au milieu de la poussière d'atomes. […]
L'Europe aujourd'hui est en train de mourir. Elle meurt culturellement et démographiquement. Elle meurt d'un chassé-croisé entre l'avortement de masse et l'immigration de masse. Parce qu'elle ne croit plus en la Vie. […]
Même si je ne regrette rien de ce que je faisais avant, ce que je fais aujourd'hui me paraît plus utile. Ce sont les idées qui mènent le monde et l'œuvre du Puy du Fou, qui est une œuvre de civilisation et de rayonnement, fait découvrir à beaucoup de jeunes Français, la France et l'histoire de France. […]"