La notion de gloire, essentielle à la révélation biblique plus encore qu’à la raison païenne, a été souvent négligée au profit d’une humilité qui semble mieux convenir aux pusillanimes. Dans cet ouvrage intitulé A Moi la gloire, compilation de conférences prononcées durant le Carême, Fabrice Hadjadj essaie de la repenser, allant gaiement de la gloire de Dieu à celle du caillou, du paon ou de la coquette – en passant par sa propre gloire à lui, sans vergogne.
Dans la liturgie du Carême, le Gloria subsiste, mais comme serti dans le Sanctus. Au sein de la consécration eucharistique, l’assemblée chante : Pleni sunt coeli et terra gloria tua – “Les cieux et la terre sont remplis de ta gloire”. Ce chant associe deux versets : l’un de l’Evangile selon saint Luc et l’autre du livre d’Isaïe ; l’un rapportant les acclamations des disciples lors de l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem (Lc 19, 38), l’autre les ovations des anges au-dessus du trône du Seigneur l’année de la mort d’Ozias (Is 6, 3).
Cette précision de date, chez Isaïe, est elle-même prophétique. Elle annonce qu’un autre roi des Juifs va mourir. Et c’est la première question : comment se fait-il que les bénisseurs de celui qui vient au nom du Seigneur vont bientôt le maudire et réclamer sa mort ? Comment une glorification sincère peut-elle dégénérer en assassinat ? Cela nous intéresse, surtout si vous appréciez mon discours et que vous êtes tentés de m’acclamer chaleureusement. Je voudrais pouvoir profiter de vos louanges, mais j’aimerais aussi partir juste avant qu’elles ne se transforment, conformément à l’esprit évangélique, en une furieuse envie de me lapider. […]
D’après le Sanctus, la gloire de Dieu n’est pas qu’au ciel, mais aussi sur la terre, et cette gloire ne s’y trouve pas que rarement, ou partiellement, puisque la terre en est pleine, y compris aux endroits où elle est pleine de cailloux.
