Postface de Rémi Fontaine au livre Passion de la Vendée du Père Jean-Paul Argouarc’h :
« Habitants de cette terre, n’entendez-vous pas
La rumeur d’une prière monter sous vos pas ?
Tous les échos de vos rues sont pleins de sanglots,
Laboureurs, sous vos charrues dorment des héros… »
C’est par la complainte des Lucs que j’ai d’abord connu Riaumont en pensée, avant le contact physique en chair et en os ! Mon frère ainé François revenait, comme assistant, d’un camp scout au Parc Soubise avec les garçons du fameux Village. Entièrement conquis par l’esprit de Riaumont, il transmettait à notre famille ce qu’il avait reçu de ce camp et appris de la geste vendéenne, avec cette complainte que nous chantions, qui revenait sans cesse comme un leitmotiv dans un monde déjà passablement désorienté.
De cette première flamme emblématique devait naître par la suite, toujours par le scoutisme, une inaltérable amitié entre Louis Fontaine et le P. Albert Revet puis avec le P. Jean-Paul Argouarc’h. Amitié dont j’ai timidement mais naturellement pris la relève, tant la foi catholique et l’idéal scout de ce prêtre héritier, habité d’une présence singulière, correspondent à ce que j’ai reçu précisément de mon père et à ce que je crois profondément. Cette petite histoire de transmission familiale est justement à l’image de la foi de la grande Vendée militaire : un fait d’héritage non pas à dédaigner mais à assumer dignement, comme l’exprime magnifiquement cet ouvrage de mémoire et de piété filiale. Fût-on, selon la formule, « des nains juchés sur les épaules de ces géants » du peuple vendéen !
Le don surnaturel et le choix de conscience personnel de la foi passe inexorablement par ce fait temporel d’héritage. N’en déplaise aux néo-modernistes, nonobstant les baptêmes d’adultes, qui auront toujours lieu par conversion grâce à Dieu, on devient chrétien dans l’Église militante le plus souvent par la volonté libre et responsable de ses parents, le catéchisme et les sacrements qu’ils permettent, la messe qu’ils fréquentent. C’est par le statut historique, social et culturel d’un peuple et la transmission qui en découle qu’il appartient ainsi aux nations chrétiennes de demeurer ou non fidèles à leur « baptême national », comme l’enseignait inlassablement saint Jean-Paul II. C’est la leçon de la Vendée chrétienne, fidèle jusqu’au martyre. Ce livre d’hommage vient aujourd’hui réveiller notre torpeur de chrétiens habitués, individualistes, englués dans le sécularisme et son funeste laïcisme qui étouffe nos âmes personnelles mais aussi communautaires. On ne se sauve pas seul.
Merci de tout cœur au P. Argouarc’h de nous évoquer cette Passion de la Vendée, dans son style inimitable, par cette fresque touchante à la fois globale et intime, faite pour édifier. « L’histoire du christianisme est liée à celle de la persécution des chrétiens. Pour avoir la Résurrection, il nous faut passer par la Croix. Il ne faut surtout pas chercher le martyre, mais s’y attendre et s’y préparer oui », rappelait il y a peu Monseigneur Nicolas Sawaf, archevêque grec-melkite catholique de Lattaquié, en Syrie.
Si le martyre est une grâce de la Providence qu’il ne faut pas chercher (cf. l’inoubliable Dialogue des carmélites), qui peut toucher même des enfants innocents par leur massacre impitoyable, cela ne veut pas dire qu’il faut se résigner au sort fait par exemple de nos jours à certains chrétiens d’Orient ou d’Occident, ni ne pas leur apporter notre soutien fraternel, outre la prière, par l’action, l’aumône, la charité personnelle et la charité politique. Laquelle charité peut et doit parfois devenir aussi militaire, à l’instar des croisades et des cristeros de tous les temps, même avec les fourches et les faux des soldats en sabots de Vendée…
Cette haine obsédée et cette violence acharnée du « monde » (laïciste ou islamique…) à l’endroit des chrétiens, contre laquelle il faut lutter en opposant à la fois la force et la douceur de l’Amour évangélique, est d’une certaine manière bon signe et ne doit pas nous inquiéter, car elle révèle l’alliance de nos vies avec le Cœur de Jésus qui nous a choisi et donc retiré du monde pour le Royaume : « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous », « Heureux les persécutés à cause de la justice, parce que le Royaume des Cieux est à eux », « Heureux serez-vous lorsqu’on vous insultera, qu’on vous persécutera et qu’on dira mensongèrement contre vous toute sorte de mal à cause de moi »…
Face au reniement possible, seul un amour surnaturel peut offrir la grâce du martyre avec l’aide de la communion des saints et de la Reine des martyrs, debout au pied de la Croix. L’amour plus fort que la mort : vous n’aurez pas notre haine ! À l’imitation du Christ, par leur horrible calvaire, les martyrs de Vendée, comme tous les « agneaux immolés » d’hier et d’aujourd’hui qui achèvent dans leur chair ce qui manque à sa Passion (Col I, 24), portent aussi à leur manière nos péchés, nos omissions, nos aveuglements, nos trahisons… Ils maintiennent sublimement cette permanence du témoignage suprême de la foi dans l’histoire et la vie de l’Église, en se conformant le plus héroïquement qui soit à Notre Seigneur venu dans ce monde pour rendre témoignage à la Vérité de l’Amour : « La cohorte des martyrs vous loue, ô Dieu. » Leur exemple et leur mort sont à l’origine de grandes grâces pour eux mais aussi pour nous et notre humanité, source de gloire éternelle. Ils demeurent toujours et partout une semence de chrétiens et de saints.
«… Ainsi moururent nos pères, au jour de jadis,
Afin que leur fils espèrent dans le Paradis… »
« Nous sommes tous spirituellement des fils de la Vendée martyre ! » (cardinal Robert Sarah)