L'Etat a été contraint d'indemniser l'islamiste Farouk Ben Abbes « pour préjudice moral » en contrepartie d'une détention provisoire de trois mois. Cet homme de 31 ans, de nationalité belge et tunisienne, est actuellement assigné à résidence à Toulouse, contraint à un pointage régulier au commissariat central de la ville, compte tenu de sa dangerosité.
Ben Abbes, figure de l'islam radical, est un ami intime de Fabien Clain, l'homme qui a revendiqué les attentats du 13 novembre dans un message audio. Il est soupçonné d'avoir frayé avec une filiale d'Al-Qaïda entre Gaza et l'Egypte. Son nom est par ailleurs cité dans l'enquête sur l'attentat qui a coûté la vie à une adolescente française, Cécile Vannier, le 22 février 2009 au Caire, même s'il n'est pas poursuivi. Lui dément toute implication.
Son indemnisation est l'aboutissement d'un recours pour une détention injustifiée de « deux mois et vingt-cinq jours » entre 2010 et 2011. A cette époque, Farouk Ben Abbes est mis en examen dans le cadre d'un premier projet d'attentat contre le Bataclan, notamment sur la foi d'informations venues des services égyptiens. Faute de preuves, le dossier débouche finalement trois ans plus tard sur un non-lieu, ouvrant la voie à un dédommagement financier. C'est ainsi que, le 3 mars 2014, la cour d'appel de Paris lui octroie près de 20 000 € pour préjudices moral et matériel. Le ministère de la Justice dépose un recours. La Commission nationale de réparation des détentions donne partiellement raison à Farouk Ben Abbes, ne retenant que le « préjudice moral », soit une facture de quelque 6 000 € pour l'Etat auxquels s'ajoutent des frais de justice. L'ardoise a été alourdie de 2 600 € de pénalités, l'administration ayant tardé à payer.
Mais l'organisme de paiement du ministère de la Justice omet cette dernière décision et prend inexplicablement en considération la précédente, nettement plus avantageuse pour Farouk Ben Abbes. Résultat : ce dernier, aujourd'hui assigné à résidence à Toulouse, a été gratifié d'une indemnisation totale de 18 960 euros. On aimerait que l'administration fiscale commette la même erreur avec les contribuables français…
Cette offensive judiciaire contre l'Etat français pourrait montrer la voie à d'autres islamistes dans un contexte où les procédures antiterroristes se multiplient. Près de 300 personnes sont actuellement mises en examen dans le cadre des procédures dites « irako-syriennes ». Les poursuites relèvent souvent de faits criminels susceptibles d'engendrer de longues années de détention provisoire avant la tenue d'un éventuel procès.