Le prêtre et historien espagnol, Alberto Royo Mejía, tord le coup à la légende noire sur les Borgia, colportée notamment par Victor Hugo et Alexandre Dumas père, et qui ressort actuellement sur Canal+ (à grand renfort de publicité) :
"Les plus récentes investigations publiées démontrent que Lucrèce Borgia non seulement ne fut pas une épouse infidèle mais que jamais elle n’utilisa ni ne commanda d’utiliser un poignard, une épée, ni une arme quelconque. Elle n’utilisa pas non plus le mythique poison des Borgia (la cantarella). Mais plutôt, selon les termes de l’immortel historien anglais William Thomas Walsh, « Lucrèce […] de par l’histoire, les documents et les mémoires dignes de foi, était à son époque une des femmes les plus vertueuses et dignes de louange » (cf. Isabel La Cruzada, Espasa Calpe Argentina, 1945).
L’amour de la vérité exige d'être rigoureux et ouvert à toutes les possibilités que les faits et les raisonnements sains présentent à nos yeux. Pour cela nous allons réviser brièvement la vérité historique qui entoure Lucrèce et Alexandre VI. […] Préfet de Rome, sous Sixte IV, il fut nommé légat du Pape, il réconcilia Henri IV de Castille avec sa soeur Isabelle (1472). Il réussit à chasser le Roi de France Charles VIII des États Pontificaux, et il s’allia ensuite avec Louis XII. En 1493 il promulgua une bulle fixant la « ligne alexandrine » qui détermina la division du Nouveau Monde entre la Castille et le Portugal. Il favorisa ses enfants (qu’il avait eus, violant la règle religieuse, avec Vanozza Catanei) et plus particulièrement César et Lucrèce.
On a tellement dit de choses sur Alexandre VI, et on a tellement calomnié sa mémoire, et celle de sa fille. Les calomnies commencèrent à toucher le grand public quand le radical et exalté Savonarole prêcha sa réforme morale que certains ont considérée comme précurseur du puritanisme protestant, et qu’il commença à crier par les rues que tous ceux qui suivaient le Pape était des ennemis du Christ, prophétisant à tous vents. « Je vous assure, in Verbo Domine, qu'Alexandre n’est absolument pas le Pape, et qu'il ne doit pas être traité comme tel », soutenait-il. Il alla jusqu'à prétendre qu’il avait acheté sa charge et qu’il ne croyait même pas en Dieu. Les gens simples se scandalisaient, mais la vérité est que malgré ses péchés personnels, la doctrine qu’Alexandre VI enseigna fut très fidèle à la Tradition et à la Révélation et même il manifestait une grande et tendre dévotion pour la Très Sainte Vierge. Il faut rappeler que nous sommes déjà à la Renaissance et que les luttes de pouvoirs se livraient non pas pour des motifs religieux mais pour de vils motifs matériels et humains. Les « familles », ou Maisons, assassinaient, calomniaient, corrompaient ou exilaient selon leurs besoins pour assurer ou augmenter leur pouvoir. C'est pourquoi les ennemis politiques de la Maison des Borgia […] excitaient le peuple avec des histoires de simonie, d’immoralité et de corruption. Vices crédibles d’autant qu’ils étaient plus que fréquents à cette époque. Mais ce qui a été à l’origine des très graves et infamantes calomnies dirigés contre ses enfants César et Lucrèce, ce fut le fait d’avoir initié le plan de centralisation et d’unification de l’Italie, une action d’ailleurs en conformité avec l’Europe du moment. Cela signifiait, entre autre, en finir avec les noblesses et les pouvoirs corrompus qui opprimaient durement le peuple. C’est ainsi qu’agirent Louis XI en France, Henri VII en Angleterre, Isabelle et Ferdinand en Espagne. Pour avoir mis de l’ordre dans l'anarchie de la Renaissance, les nobles et les roitelets dépouillés n’ont rien trouvé de trop vil à dire contre le Pape et sa famille." (Source)