Eric de Rus, professeur agrégé de philosophie dans l’enseignement catholique, a écrit un texte reproduit sur le site de l'archevêché de Paris, à propos de la pièce de Rodrigo Garcia, Golgota Picnic. Extraits :
"Ni une conception purement subjectiviste de l’art, ni l’histoire personnelle de l’artiste ne dégagent ce dernier de sa responsabilité à l’égard d’objets culturels dont le sens n’est pas entièrement à sa disposition. Car même en admettant que ce sens n’est jamais clos ni figé, ce qui suscite l’interprétation, cette dernière n’est pas pour autant un acte sauvage. Comme l’a montré Gadamer le sens compris n’en reste pas moins le sens de l’œuvre qui en constitue le point d’ancrage, le fond indisponible et non l’alibi.
Ici, au contraire, l’iconographie chrétienne de la crucifixion est purement et simplement identifiée à une exaltation morbide de la souffrance, au mépris de son sens théologique intrinsèque : le Christ qui aime jusqu’au bout et assume toute l’épaisseur de la condition humaine. Plus encore, tirant quelques paroles du Christ hors de leur contexte, Rodrigo Garcia interprète arbitrairement, unilatéralement, et donc malhonnêtement, son message d’amour comme un appel à « la guerre contre tous ». […]
En vérité, à aucun moment le propos de Rodrigo Garcia ne nous hisse jusqu’au Golgotha. Cette pièce fait le choix de ramper dans l’univers clos et glauque où elle se meut, où chacun ausculte sa propre agonie avec délectation, où nul n’en finit plus de mourir et de se repaître de laideur. Elle est bien là la grande douleur : que nous manquions ce Golgotha pourtant nommé, mais manifestement méconnu et trahi. Lieu où pourrait s’élever en chacun la question cruciale énoncée par le poète anglais John Done au XVIIè siècle : « Pourquoi ne meurt-on plus d’amour ? ». Pourquoi en est-il ainsi ? La pièce en est la pénible confirmation : faute d’un sens à donner à la vie, en l’absence duquel donner sa vie n’a plus de sens. […]"