Voici la tribune de Ludovine de La Rochère, présidente de La Manif pour Tous, aprue hier dans Le Figaro :
"Avec la publication des « bonnes feuilles » de La France pour la vie, Nicolas Sarkozy comptait faire son entrée en campagne. Il pensait aussi, au détour d’un paragraphe, enterrer la question du mariage et de la filiation. Mais le sujet, marqueur politique incontournable, a été et demeure le principal fait de l’ouvrage… et le lancement n’a pas été celui qu’il prévoyait ! Vu le fossé qui s’est creusé entre les Français et les politiques, l’inconstance est devenue un sport à haut risque. Or la France entière est témoin de la contradiction d’un homme qui exprime le regret d’avoir « trop cédé à la pensée unique » tout en affirmant aujourd’hui n’avoir « jamais contesté la légitimité » du mariage entre personnes de même sexe alors même qu’il se prononçait publiquement en faveur de l’abrogation de la loi Taubira il y a 14 mois.
A cela s’ajoute un manque d’implication sur le fond, car réduire le mariage à sa dimension sentimentale, c’est passer à côté d’une institution qui fonde notre société. D’autant que dans notre droit, le mariage entraine la filiation. Après un quinquennat marqué par l’émergence durable d’un mouvement social d’ampleur historique, quel candidat crédible à la présidence de la République peut encore feindre d’ignorer que la loi dite du « mariage pour tous » est en réalité celle du « mariage et de l’adoption pour tous » ? C’est là le cœur du débat, lequel est plus que jamais d’actualité en raison de ses conséquences inéluctables, la PMA et la GPA, auxquelles la France est confrontée depuis le jour même du vote de la loi.
Si des millions de Français ont manifesté et pétitionné, c’est que l’altérité sexuelle dans le mariage est une condition sine qua non parce que la famille est fondée par et sur le couple. Si des juristes, des adoptés, des associations familiales, des professionnels de l'enfance, des philosophes, des sociologues, des psychiatres, des corps intermédiaires, des organisations syndicales… se sont mobilisés avec une telle intensité, une telle détermination et une telle dignité, c’est parce qu’aucun enfant ne peut être fait délibérément orphelin de père ou de mère, ce qui est bien l’une des funestes conséquences de la loi du 17 mai 2013. C’est pour cette raison que tant d’élus de la nation, et parmi eux de très nombreux parlementaires de la droite et du centre, se sont levés aux côtés de leurs concitoyens : il s’agissait de mettre un terme au « bouleversement de civilisation » voulu par la garde des Sceaux. La famille est un bien commun trop précieux pour être sacrifié sur l’autel d’une idéologie libertaire.
Nicolas Sarkozy n’aborde pas non plus la PMA « sans père » et la GPA alors que ces pratiques générant trafic d’enfants et exploitation de femmes. Pour y mettre fin, il faudra tôt ou tard revenir sur la loi Taubira. Et l’ex Président de la République le sait bien : ne pas toucher à cette loi, c’est considérer l’être humain comme une chose dont on peut disposer par contrat, qui peut être instrumentalisée, louée, vendue ou donnée.
Certes, s’engager à revenir sur cette loi, c’est être aussitôt taxé d’homophobie, mais dans une acception dévoyée du terme, qui doit être dénoncée. Car l’homophobie, qu’a toujours condamné La Manif Pour Tous, c’est le fait de manquer de respect à l’égard d’une personne au motif de son orientation sexuelle. Mais accuser d’homophobie tout opposant à telle ou telle revendication du lobby LGBT, c’est de l’amalgame, d’autant plus grave qu’il verrouille tout débat.
Nicolas Sarkozy évoque également le piège du « démariage ». Difficile, pourtant, d’imaginer qu’il ignore que l’abrogation d’une loi est valable pour l’avenir et non pour le passé. Autrement dit, abroger ne conduirait ni à « démarier » ni à « désadopter ». Quant aux modalités juridiques de retour au mariage homme-femme, j’invite Nicolas Sarkozy à lire l’ouvrage publié la semaine dernière par les meilleurs juristes que comptent la France.
Enfin, l’ex Président de la République craint de cliver à nouveau la société française. Mais les Français ne sont pas idiots : ils sont conscients qu’il est souhaitable et urgent de refermer le droit à l’enfant implicitement instauré par la loi Taubira.
Au-delà de cette loi, le virage de Nicolas Sarkozy est grave parce qu’il discrédite la parole politique. Et d’autant plus que ce revirement est éminemment représentatif du manque de cohérence et de l’absence de courage de nos politiques sur les sujets majeurs et urgents – des flux migratoires à l’Europe, en passant par les 35 heures et les retraites.
Représentatif aussi, de leur réflexe systématique : ne jamais sortir du politiquement correct, éviter toute « polémique »… et notamment sur les sujets de société – à commencer par celui de la famille, pourtant plébiscitée par les Français et lieu irremplaçable d’éducation, de dignité, de solidarité, d’avenir.
Ce faisant, Nicolas Sarkozy envoie ses électeurs potentiels à l’abstention ou vers d’autres partis. Il se prépare sans doute même un 21 avril à l’envers, avec la réélection de Français Hollande à la clé."