Extrait d'un entretien de Guillaume Bernard dans le Rouge & et Le Noir :
"Dans quelle mesure la Manif pour tous est elle une illustration du mouvement dextrogyre ?
Merci de faire allusion à ce concept de « mouvement dextrogyre » que j’ai proposé (notamment dans Valeurs actuelles)
pour expliquer, entre autre, la montée de ce qu’il est convenu
d’appeler le populisme. Effectivement, le mouvement de « La manif pour
tous » entre, pour l’essentiel, dans ce cadre. Le « dextrogysme », cela
signifie que (grosso modo depuis la chute du mur de Berlin et les
attentats du 11-Septembre) les nouvelles tendances politiques
apparaissent par la droite de l’échiquier politique. Les hommes
politiques, de gauche bien entendu, mais aussi de droite (quand nombre
d’entre eux déclarent ne pas avoir l’intention de revenir sur les
dispositions récemment votées) ne comprennent pas la réalité du
mouvement de fond actuel dont « La manif pour tous » est l’un des
symptômes : ils interprètent l’opposition au mariage homo comme une
émotion réactionnaire (quelque peu épidermique) qui s’émoussera avec le
temps.Dans le fonds, ils sont soit prisonniers soit persuadés de la
légitimité du « sinistrisme ». Ils analysent donc ce mouvement populaire
comme une simple droitisation, une radicalisation d’une partie de la
droite sous la pression encore conquérante des idées de gauche. Or,
quand les militants anti-mariage homo disent « On ne lâche rien ! »,
cela signifie qu’ils ne sont pas seulement en opposition ou sur la
défensive, mais qu’ils opposent un modèle de société à un autre, qu’ils
entendent reconquérir le terrain perdu. Le mouvement de « La manif pour
tous » (au sens large) relève du populisme (même si le mot peut heurter
certains) dans ses trois caractéristiques couramment admises : le peuple
réel contre les élites déracinées, la démocratie directe contre la
démocratie représentative, l’identité commune du corps social contre la
juxtaposition d’identités parcellaires."