Selon Gérard Leclerc :
"La Marche pour la Vie qui partira dimanche à Paris de la place Denfert-Rochereau à 13 h 30 constitue, à y bien réfléchir, une sorte de déclaration ou de manifestation de dissidence. C’est à dessein que j’emploie ce mot qui définissait l’attitude de refus des opposants au régime soviétique dans les années soixante-dix quatre-vingt. On m’objectera que ce rapprochement est incongru, voire scandaleux. Comment peut-on comparer un régime totalitaire avec un régime de liberté garanti par un État de droit ? J’assume pourtant le scandale, sans pour autant opérer une assimilation pure et simple entre deux systèmes d’évidence dissemblables. À propos de scandale, il y a d’ailleurs des précédents, notamment celui de Soljenitsyne interpellant l’Occident depuis Harvard en 1978, pour lui reprocher son manque de courage : « Notre tâche doit être l’accomplissement d’un dur et permanent devoir, de sorte que tout le chemin de notre vie devienne l’expérience d’une élévation avant tout spirituelle, pour que nous quittions cette vie en étant de meilleures personnes que lorsque nous y sommes entrés. »
Peut-être qu’un régime de liberté se caractérise aujourd’hui par la possibilité d’encaisser une mise en demeure aussi directe, aussi radicale ? Mais il faut constater en même temps que ce régime est en train de se fissurer, lorsque notre Parlement adopte une loi soviétoïde pour sanctionner ce qu’on appelle un délit d’entrave à l’IVG. Par ailleurs, une information du Canada est venue renforcer ma perplexité. Nous apprenons que Marie Wagner, une femme de 42 ans, qui totalise déjà quatre ans et demi de prison, vient d’y retourner pour avoir plaidé avec infiniment de délicatesse en faveur de l’enfant à naître auprès de femmes engagées dans un processus abortif. La justice canadienne s’est montrée implacable. Aucune contestation n’est possible, même au tribunal, pour marquer son opposition à la perspective de faire disparaître l’enfant, jusqu’à la veille de sa naissance. Oui, Marie Wagner est une dissidente, une dissidente héroïque. Je crains, à la façon dont se développe chez nous le fanatisme abortif et ses conséquences législatives que nous soyons condamnés à devenir des dissidents, par simple fidélité à notre conscience."