Le général (2S) Frédéric Blachon, ancien commandant de l’opération Barkhane, est interrogé dans Le JDD. Extrait :
Y a-t-il un risque de victoire des djihadistes au Sahel ?
Longtemps minoré, ce risque est aujourd’hui avéré. On peut même parler d’une poussée spectaculaire, qui renoue avec l’histoire des djihads au Sahel, aux XVIIIe et XIXe siècles. Cette situation est la résultante de deux événements : la guerre civile algérienne de 1992 à 2002 et le chaos libyen depuis 2011. Après dix ans d’affrontement avec le pouvoir du FLN, les djihadistes algériens trouvent en effet refuge au début des années 2000 dans le nord du Mali. C’est alors que le groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) fait allégeance à Al-Qaïda et donne naissance en 2007 à AQMI (Al-Qaïda au Maghreb islamique). En 2011, le renversement du colonel Kadhafi entraîne non seulement le pillage des arsenaux mais aussi le retour au Mali des Touaregs qui s’étaient mis au service du dirigeant libyen. En 2012, la collusion éphémère d’AQMI et des Touaregs du Mouvement national de libération de l’Azawad permet aux djihadistes de s’emparer des principales villes du nord du Mali, Kidal, Gao et Tombouctou. À la demande des autorités maliennes et avec le soutien de l’ONU, l’armée française vient mettre en janvier 2013 un coup d’arrêt à cette expansion des groupes djihadistes. À partir d’août 2014, la force Barkhane a pour objectif de lutter contre la diffusion de ces mouvements dans l’ensemble des pays du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina-Faso et Tchad). Rapidement, les esprits les plus lucides comprennent qu’il ne peut s’agir tout au plus que de contenir cette poussée. Car toutes les conditions sont réunies pour que la tâche apparaisse démesurée : États faillis, extrême pauvreté, corruption endémique, explosion démographique, trafics de drogue, réseaux criminels, conflits intercommunautaires. Dans ce contexte, les djihadistes n’ont aucun mal à se substituer aux États et aux autorités traditionnelles pour apporter un semblant de justice, au travers de la charia, et offrir un cadre d’organisation politique représentant un moindre mal pour une bonne partie de la jeunesse désœuvrée. […]
Y a-t-il un risque d’expansion du djihadisme à tout l’Ouest africain ?
Alors que des zones entières au Sahel sont d’ores et déjà sous le contrôle des djihadistes, notamment au Mali, dans la zone dite des trois frontières et au Burkina-Faso, dans tout le nord du pays, des attaques djihadistes ont déjà eu lieu dans les États côtiers comme en Côte d’Ivoire, au Bénin et au Togo. Au Ghana et au Sénégal, des cellules dormantes peuvent à tout moment passer à l’action. On peut néanmoins espérer que les États du golfe de Guinée se montreront plus solides que les États sahéliens pour lutter contre toute tentative d’insurrection et sauront surtout associer leurs populations dans cette lutte cruciale pour l’avenir de l’Afrique de l’Ouest.
philippe paternot
que les sahéliens se battent pour leurs pays, leurs moeurs, leur civilisation