Le Père Brice de Malherbe est chapelain à Notre-Dame de Paris, Professeur ordinaire à la Faculté Notre-Dame, enseignant à l’École Cathédrale, et co-directeur du département de recherche en éthique biomédicale du Collège des Bernardins. Il est l'auteur de la méditation de cette semaine pour La Neuvaine.
Une prière qui nous engage
Lorsque le portail central de Notre-Dame de Paris est ouvert, l’œil est tout de suite attiré par la croix lumineuse que le Cardinal Lustiger a fait dresser au fond du chœur. Au pied de cette Croix une Pietà – Marie porte sur ses genoux son Fils Jésus, livré et mort pour nos péchés. De part et d’autres Louis XIII, offrant son sceptre et sa couronne à la Mère et au Fils, et Louis XIV, qui a fait réaliser la statue promise par son père dans le vœu de 1638, où celui-ci consacrait « à la grandeur de Dieu, par son Fils rabaissé jusqu’à nous, et à ce Fils par sa Mère élevée jusqu’à Lui (…), nostre personne, nostre Estat, nostre couronne et tous nos subjects ».
La Croix, « où nous révérons l’accomplissement des mystères de nostre Rédemption par la vie et la mort du Fils de Dieu en nostre chair », rappelle le texte du vœu. La Pietà, signe de l’amour donné jusqu'au bout par Jésus, le Fils de Dieu, pour le salut de tout homme ; signe de l’amour donné jusqu’au bout par lequel Marie, la Mère de Dieu, s’associe à l’offrande de son Fils. La confiance de Louis XIII était en la bonté de Dieu. L’offrande du Christ sur la Croix est la manifestation la plus poignante et la plus éclatante de cette bonté infinie de Dieu. C’est à elle aussi que nous nous confions, ainsi que notre pays, en demandant de recevoir du Cœur du Christ « les grâces de sa divine miséricorde ». Nous le faisons, comme jadis le roi de France, par les mains de Marie « médiatrice des bienfaits » de Dieu.
Notre prière se fait sans doute plus intense en ce mois de Mai. Une prière qui nous engage. De fait, de même que, lorsque nous demandons à Dieu Notre Père que sa volonté soit faite, cela nous engage en premier lieu à agir selon sa volonté, de même, en nous tournant avec confiance vers la « bienveillance » de la Vierge Marie, cela nous engage en premier lieu à être bienveillants. A vouloir le bien des autres. A être vigilants dans le bien. A nous orienter vers le Bien, disons-nous encore, en demandant que le Seigneur lui-même nous y oriente, car sans sa grâce nous ne pouvons rien faire. Mais une fois sa grâce demandée, il s’agit d’engager jusqu’au bout notre liberté par laquelle nous avons adressé notre prière à Notre-Dame de France.
En d’autres termes, nous qui sollicitons pour notre pays l’amour de Dieu et la bienveillance de la Vierge Marie, il nous faut nous engager toujours plus résolument dans le chemin de l’amour. Vers la fin de la guerre, en 1944, méditant sur le drame de l’humanisme athée, le Père de Lubac affirmait vigoureusement qu’il ne pouvait y avoir d’existence réelle du christianisme en dehors de la force de la charité. Celle-ci peut s’exercer de biens des manières et dans tous les domaines de notre vie, pas seulement « dans des actions d’éclat » nous avertit le Concile Vatican II « mais, et avant tout, dans le quotidien de la vie » (Gaudium et Spes, 38).
Un bon modèle pour cela est sans aucun doute Saint Joseph, que nous fêtons en ce 1er Mai comme travailleur. Saint Joseph, apparu dans notre pays, à Cotignac, non loin de la chapelle Notre-Dame de grâces, où Marie a été intensément priée pour la naissance du futur Louis XIV. Saint Joseph a qui nous pouvons demander de nous aider, chacun à notre mesure, à faire fructifier les ressources de notre pays avec cette force de la charité qui, seule, peut nous aider à tendre vers une fraternité universelle selon le cœur de Dieu.
Que le Seigneur continue à nous guérir de nos fautes et à répandre en nos cœurs son amour par l’Esprit-Saint qui nous a été donné. Qu’il fasse de nous, pour notre pays, des artisans de paix, les ouvriers d’une civilisation de l’amour. Amen. Alléluia.