Dom Hilarion Duclaux est né en 1727 à Valréas, dans le Vaucluse. Issu d’une famille profondément chrétienne, il ressent très tôt l’appel à la vie consacrée et entre à la Chartreuse de Bonpas, où il fait profession le 6 août 1748. Les douloureux événements de la tourmente révolutionnaire n’épargnent pas sa communauté, et les moines sont expulsés le 8 septembre 1792. Doté d’une faible santé, Dom Duclaux ressent profondément cette violence dirigée contre l’Église et contre son couvent, et il meurt dans sa maison natale en 1793, à l’âge de 66 ans.
Confidences d'un chartreux regroupe les lettres, récemment découvertes, de Dom Hilarion Duclaux à sa famille (notamment son frère prêtre et son père), depuis janvier 1748, année de sa profession, jusqu’à avril 1788, donc à la veille de la Révolution française. On découvre dans cette correspondance un cœur profondément humain et délicat autant qu’une âme fervente toute centrée sur Dieu, à la sérénité communicative. Ces écrits cartusiens nous mettent véritablement en lien avec la Parole essentielle, celle de Dieu et de son Fils, le Verbe éternel. Ils renvoient l’image de l’Évangile, contemplé, vécu et transmis par un moine saisi d’amour pour le Christ Jésus. Au long des pages, outre les conseils donnés à chacun de ses interlocuteurs, nous découvrons la personnalité de leur auteur, âme toute donnée ne vivant que pour Dieu et qui sut trouver sa joie en Lui pour la communiquer aux autres.
Le texte est précédé d’un préliminaire historique sur les Chartreux et sur Dom Hilarion Duclaux, réalisé par Guillaume d’Alançon. Les considérations spirituelles consignées dans ces lettres d’un chartreux valent pour toutes les époques et tous les états de vie et, si elles ne constituent pas un traité organique, elles peuvent néanmoins constituer un aliment de choix pour la méditation personnelle.
Voici une des lettres :
"A Bonpas, le 1er janvier 1752
À Monsieur Duclaux, notaire et greffier,à Valréas
Mon très cher père,
J’avais promis à mon très cher frère de vous écrire, et c’étaient bien là mes désirs. Mais le temps ne m’a pas permis de les accomplir. Dernièrement, je laissai passer une favorable occasion qui se présenta, mais, comme c’était un jour de spaciement, je n’eus encore aucun moment de loisir. Je profite maintenant avec un grand empressement de celui qui me reste, pour m’acquitter auprès de vous du devoir qu’exige de moi la nouvelle année que nous commençons aujourd’hui : je vous la souhaite heureuse et remplie des bénédictions du Seigneur. Elle doit nous faire penser à cette année éternelle qui nous attend tous, et qui sera, s’il plaît à la miséricorde divine, le terme de notre bonheur, et qui doit faire, dans cette vallée de larmes, le sujet de tous nos soupirs. Les années que nous passons ici-bas sont si peu de chose par rapport à leur peu de durée et aux misères qui les accompagnent, qu’elles ne méritent notre estime qu’en tant qu’elles nous sont données pour amasser des trésors pour l’éternité. D’ailleurs, notre cœur n’est créé que pour Dieu seul, qui est éternel, et rien de ce qui passe n’est digne de Dieu. Heureux ceux qui font ces réflexions, et qui, ne s’attachant à cette vie périssable, en attendent une qui n’aura point de fin, où tous les biens sont compris, parce qu’on y possède Dieu, qui est la félicité des saints. C’est là, mon très cher père, le souhait que je vous fais, et à toute la maison, car le salut de vos âmes m’est aussi cher que le mien. Et tout ce que je désire dans notre solitude, c’est de vous voir un jour, réunis dans cette céleste patrie. Dieu nous en fasse la grâce !
Je ne vous parle point ici, mon très cher père, de la part que vous avez pris à l’honneur que m’a fait la Divine Providence, en m’élevant au sacerdoce. Je crois qu’elle est bien grande. J’aurais eu un grand plaisir de vous voir assister à ma première messe. Cela est bien naturel. Mon très cher frère me fait espérer que j’aurai le bonheur de vous voir avec mon très cher oncle, lorsque le temps et les affaires vous le permettront. J’attends avec empressement cet heureux jour, qui sera peut-être la dernière fois que nous nous verrons en ce lieu d’exil. Et j’espère, avec le secours de Dieu, que nous le passerons dans des entretiens spirituels. Vous me ferez plaisir si vous n’êtes que vous deux.
J’ai reçu, il y a quelque temps, une lettre de mon frère Joseph. Il se porte bien. Je jouis aussi, par la grâce de Dieu, d’une bonne santé et d’un grand contentement. Je vous prie d’offrir mes très humbles respects à mon très cher oncle et à mon très cher frère, à toute la maison, et à toute la parenté. Je vous souhaite à tous la paix du Seigneur et, par-dessus tout, son divin amour, qui doit être l’âme de notre âme. Je finis avec les désirs, et avec les sentiments les plus humbles, et les plus respectueux, avec lesquels je suis,
À Bonpas, ce 1er janvier 1752
mon très cher père, votre très humble et très obéissant serviteur,
Frère Hilarion Duclaux, chartreux."