De Marion Duvauchel, fondatrice de la Pteah barang et Professeur de lettres et de philosophie :
En mai 2018, l’émission de France 3 sur le site de France info relayait une interview (extrait du magazine Avenue de l’Europe du 16 mai 2018) de l’évêque prétendu de Cracovie dénonçant la dérive autoritaire du gouvernement polonais. L’observatoire du journalisme prit soin de faire une mise au point : Mgr Pieronek est un évêque émérite qui a exercé diverses fonctions dans un archevêché qu’il n’a jamais dirigé et où il n’a même pas été évêque auxiliaire. En revanche, il avait été secrétaire général de la Conférence épiscopale polonaise dans les années 1993-98 et il est membre du conseil de la Fondation Stefan Batory fondée et financée par le milliardaire américain George Soros.
L’archevêque de Cracovie, c’est Mgr Marek Jędraszewski. Récemment, il s’est élevé contre la nouvelle religion dont la grande prêtresse s’appelle Greta Thunberg. L’oracle annonce, prévoit et de ce fait, il détermine et conditionne les décisions pour l’avenir. « Tu feras, tu ne feras pas »… Il enjoint. Cette adolescente est donc la nouvelle Pythie. Elle ne vit pas dans une grotte ni ne mâche des feuilles de laurier mais elle n’en prophétise pas moins, et dans une langue dénuée des ambiguïtés de la prophétesse de Delphes: sauvons la planète, le monde court à sa perte, le bilan carbone est désastreux, il faut agir, il est urgent d’agir, politiques du monde entier qu’est-ce que vous foutez ? Sa parole est formidablement relayée par ces hauts parleurs que constituent la presse, les ONG et les organismes institutionnels qui l’invitent à venir prophétiser devant des adultes subjugués.
La président Poutine, qui ne se laisse pas hypnotiser, s’est prononcé avec bon sens sur la question: « personne ne semble avoir expliqué à Greta que le monde moderne est complexe ». La pape François, très inspiré ces derniers temps, l’a chaudement félicitée, ce dont elle est allée se vanter sur facebook. En quoi elle se comporte en adolescente de son âge.
L’évêque de Cracovie, qui, pas plus que Poutine ne s’en laisse conter, signale un danger particulier : c’est que cette nouvelle déesse de la banquise en déroute, des ours blancs et de la couche d’ozone fédère des milliers de jeunes autour d’une nouvelle idolâtrie, dont voici, par ordre décroissant d’universalité, le décalogue :
- La planète tu sauveras
- La déesse Greta tu écouteras et honoreras
- En le réchauffement climatique tu croiras
- En l’universel tu croiras
- Le bon sens tu déshonoreras
- Le bien-être animal tu honoreras
- Les loups tu ne tueras pas et les ours tu pleureras
- La viande tu rationneras
- Les éoliennes tu imposeras
- Les pailles en plastique tu supprimeras
Le mythe de l’universel, là comme ailleurs, fait merveille. Les COP successives, dont les médias ont, en sourdine, signalé l’échec de la récente dernière rencontre, nous préservent surtout de prendre des décisions dans des contextes de rationalité humaines : communes, régions et pays.
Il se trouve que je vis trois mois de l’année dans un bidonville du Cambodge. On y arrive en contemplant sur des centaines de mètres, de chaque côté de la route récemment bétonnée, un interminable dépotoir, où domine la matière plastique. Mais comment se passer de ce plastique dans un pays tropical où une grande partie de la population n’a pas de frigidaire ? Un tiers du pays nourrit les deux autres tiers dans les marchés quotidiens et on met la nourriture dans des petits sachets plastiques… Récemment, j’ai monté un projet pour la réhabilitation des taudis les plus pauvres de ce village où j’ai fondé un centre et où je fais réparer des toits et remblayer les maisons inondées d’eau putride. L’ONG partenaire a accepté un financement pour acheter et distribuer…150 filtres à eau. Il y a de cela un an. J’attends toujours de voir ces généreux fonctionnaires de l’humanitaire venir distribuer ces filtres dans le village. Filtres qui ne sont pas éternels et qu’il faudra changer. Avec quel argent ? Nul besoin d’une COP 28 pour savoir qu’une maison décente, cela signifie la possibilité d’acheter un frigidaire, d’y conserver la nourriture et donc de restreindre largement l’usage du sachet plastique. C’est donc une priorité écologique.
En Croatie, on a construit des routes avec du plastique recyclé. Qu’attend t-on en France et en Europe pour faire de même ?
Comme l’a dit avec bon sens le Président de la Russie, nous vivons dans un monde complexe où les économies ne sont pas au même niveau. Je ne vois donc pas au nom de quoi on imposerait à des pays non européens un rythme de développement décidé par les pays les plus puissants de la planète, oracle de Greta à l’appui : dans le réel, oracle totalement inopérant mais puissamment efficace sur les esprits d’une jeunesse nourrie de propagande officielle.
Qui pourrait ne pas déplorer le sort des ours blancs ? Mais dans la longue histoire de l’humanité, les changements climatiques ont provoqué la disparition d’espèces dont nous gardons la mémoire et les squelettes dans nos musées d’histoire naturelle.
Je ne vois pas au nom de quoi, alors qu’il n’y a pas si longtemps le Qatar organisait des tournois de football mondialisés sous des stades climatisés à ciel ouvert, il faudrait imposer à nos concitoyens de se geler sur les terrasses et compromettre encore un pan de notre économie; je ne vois pas au nom de quoi il nous faudrait admettre que les loups ont le droit d’égorger les brebis et de menacer des habitants de villages provençaux ; et je ne vois pas au nom de quoi nous devrions nous laisser gouverner par le bien-être animal pendant qu’un tiers de la planète continue de mourir de faim ou de vivre dans des conditions indignes qui hypothèquent l’éducation de ses enfants.
Mgr Jędraszewskia parfaitement raison de dénoncer le danger que constitue la religion nouvelle. Il revient à l’homme de gouverner la Création, avec sagesse et avec justice, et non à la Création de gouverner l’humanité.
Dans cette perspective, qui est chrétienne, mais qui est aussi rationnelle et raisonnable, la première priorité est d’abord le bien-être de nos frères humains les plus démunis, pas celui des poulets que l’on va cuire.
