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Pays : Israël

La paix est-elle possible avec Netanyahu ?

La paix est-elle possible avec Netanyahu ?

D’Antoine de Lacoste dans Politique Magazine :

Une fois de plus, Donald Trump a tordu le bras de Benjamin Netanyahu et ce dernier a dû obtempérer. Le même scénario s’était produit au mois de mars, mais il ne s’agissait alors que d’un cessez-le feu. Cela ne dura guère et, sous les prétextes faciles de la destruction du Hamas et de la libération des otages, l’armée israélienne reprit ses bombardements massifs et meurtriers. Trump ne broncha pas.

Cette fois, le président américain ne proposa pas un cessez-le-feu mais un plan de paix. Il comporte 20 points et contient suffisamment d’éléments flous pour être accepté par Israël et un élément précis : la libération des otages. Le Hamas a accepté malgré le déséquilibre des exigences. Le calendrier du retrait israélien de Gaza n’est en effet pas précisé.

La réponse positive du Hamas a surpris. Certes, ses meilleurs éléments ont été tués ainsi que toute sa direction militaire sur place et l’on pouvait le penser épuisé. Toutefois, après des mois de bombardements, de blocus et de famine organisée, le mouvement islamiste n’a aucun mal à recruter de nouveaux combattants, inexpérimentés mais ivres de vengeance.

Alors pourquoi le Hamas a-t-il dit oui à Trump ? Pour une raison très simple : les Palestiniens n’en peuvent plus et, même si cela peut paraître surprenant, le mouvement islamiste doit en tenir compte.

Pendant toutes ses années de gouvernance de la Bande de Gaza, après sa victoire aux élection de 2006 (de justesse), le Hamas n’a pas gouverné que par la terreur. Bien sûr, toute opposition était interdite : quand on est islamiste, on ne se refait pas. Mais pour administrer un territoire aussi petit (365 km2) avec 2,2 millions d’habitants, un minimum de consensus est nécessaire. Une révolte populaire serait en effet totalement incontrôlable. C’est pourquoi, les services sociaux et hospitaliers étaient assurés ainsi que l’aide aux plus démunis. Ceux qui avaient un lopin de terre pouvaient le cultiver tranquillement et la liberté d’entreprise était assurée. Même les chrétiens pouvaient assister à la messe sans problèmes.

L’ACCORD DU HAMAS ET D’ISRAEL

Le Hamas disposait d’argent en bonne quantité. Il venait du Qatar, au nom de la fraternité entre Frères musulmans, puis transitaient par les banques israéliennes. C’est Israël qui assurait ensuite la distribution au Hamas. Ce fait, pas assez connu, confirme que l’Etat hébreu s’accommodait fort bien de la gouvernance de Gaza par le mouvement islamiste.

L’opinion publique palestinienne existe donc, même pour le Hamas. Certes, la détestation d’Israël est telle que la très grande majorité des Gazaouis se sont réjouis du 7 octobre, ignorant volontairement les exactions horribles qui l’ont accompagné. Depuis, le climat a bien changé. Une majorité de la population regrette maintenant amèrement cette pseudo-victoire du 7 Octobre. Car ils ont tout perdu : leur maison, leur travail et des membres de leur famille. Et même si, préoccupés avant tout de savoir ce qu’ils allaient manger et boire le lendemain, ils n’étaient guère en état de se révolter, le Hamas savait que le feu couvait sous la famine.

De l’autre côté, l’histoire ne dit pas encore officiellement comment Trump a convaincu Netanyahou d’accepter son plan de paix alors que toutes les tentatives du pauvre Joe Biden étaient restées lettre morte. Plusieurs hypothèses sont possibles. D’abord les armes. Israël en fabrique certaines, en achète un peu partout, aux Allemands par exemple, mais il reste dépendant de l’Amérique. Peut-être que Trump a agité une menace dans ce domaine. Mais ce n’est pas l’hypothèse la plus vraisemblable car vis-à-vis de son électorat évangélique, messianiquement pro-israélien, il ne peut prendre le risque d’affaiblir l’Etat hébreu.

LE BOMBARDEMENT DU QATAR

La vraie raison est ailleurs : le bombardement du Qatar. Aveuglé par sa croisade vengeresse, Israël a oublié qu’il y avait tout de même un minimum de règles en ce bas monde, même pour lui. Voilà de nombreuses années que la direction politique du Hamas est hébergée par le Qatar. Tout le monde le sait, tout le monde l’a admis, tout le monde connait les noms des dirigeants concernés. Aussi, lorsque le 9 septembre dernier une réunion a, comme souvent, été organisée entre les dirigeants en question et les autorités du Qatar pour discuter du plan de paix en préparation aux Etats-Unis, le bombardement de cette réunion par Israël a provoqué la stupéfaction. L’objectif était, bien sûr, de tuer les dirigeants du Hamas. Raté, ils n’ont même pas été blessés. Trois gardes du corps, un cadre administratif et le fils d’un des dirigeants du Hamas plus un soldat qatari ont en revanche été tués.

Au-delà de ces morts, c’est surtout la violation de la souveraineté du Qatar qui a scandalisé le monde arabe. Une réunion a été organisée le 15 septembre réunissant tous les pays du Golfe qui ont émis une protestation solennelle. Israël a assumé et en a rajouté en affirmant que tout pays qui abritait des membres du Hamas courait le même type de risque. Cette stratégie très agressive est bien imprudente alors qu’Israël devrait se réjouir que les pays arabes n’aient pas davantage réagi à la destruction de Gaza accompagnée de 70 000 morts.

C’est peu dire que Donald Trump fut bien embarrassé. La Maison-Blanche a indiqué qu’elle avait été prévenue de l’attaque, mais tardivement. Trump a aussitôt appelé l’émir du Qatar pour l’avertir mais les frappes étaient déjà en cours. L’émir n’a guère apprécié et a fait savoir par des voies détournées qu’il pourrait revoir son alliance indéfectible avec l’Amérique si son pays n’était pas mieux protégé.

Cette agression contre un des plus fidèles alliés des Etats-Unis est un grave précédent qui tombe en outre au plus mauvais moment, alors que le plan de paix a été accepté par les principaux acteurs, y compris le Qatar.

L’HUMILIATION DE NETANYAHU DANS LE BUREAU OVALE

Pour Trump, il n’est pas question qu’une chose pareille se renouvelle. Il a donc décidé de punir sévèrement l’impudent. Cela tombait bien : une visite de Netanyahu à Washington était prévue de longue date. Le président américain, en le recevant dans le bureau ovale, a décroché son téléphone, appelé l’émir du Qatar et lui a passé Netanyahu en le sommant de s’excuser. Le coupable n’eut d’autre choix que de s’exécuter et demanda pardon à l’émir. La scène est cocasse et il faut bien dire qu’il n’y a que Trump pour faire des choses pareilles. « Il y a un sheriff dans la ville » aurait pu dire J.D. Vance à nouveau.

Cela n’a pas empêché Trump de couvrir d’éloges« Bibi » (le surnom de Netanyahu) lors de son intervention à la Knesset. Ce discours restera dans les annales comme un symbole fort de l’alliance inébranlable entre l’Amérique et Israël.

Pour autant, rien n’est réglé. L’épisode montre que personne ne peut raisonner Netanyahu à part Trump, pour peu qu’il l’ait décidé. Or, lors de la réunion de Charm el-Cheikh où l’Egypte devait accueillir 17 pays plus quelques organisations ou mouvements dont l’Autorité palestinienne (mais pas le Hamas bien sûr), Israël n’était pas représenté. On ne sait pas bien pourquoi. Une fête juive a été évoquée mais personne n’y croit.

Cette absence n’augure rien de bon. Depuis, Israël a rompu la trêve pendant une journée, accusant le Hamas d’avoir violé le cessez-le-feu, chose impossible à vérifier. Gaza a subi 153 tonnes de bombes ce jour-là, chiffre obligeamment fourni par Netanyahu lui-même.

Tout cela est donc d’une grande fragilité et l’après n’est pas réglé, à commencer par l’administration de Gaza : qui et avec quels moyens ?

Et puis, incertitude suprême : une paix durable est-elle possible avec un homme comme Netanyahu, grisé par ses succès et sans aucune retenue désormais. D’autant plus que sa majorité parlementaire très étroite le rend dépendant de ses ministres suprémacistes très hostiles au moindre accord de paix.

Donald Trump a déclaré que « la Terre sainte connaîtrait, si Dieu le veut, une paix éternelle. » C’est un joli propos mais est-ce vraiment le souhait de tout le monde ?

Antoine de Lacoste

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5 commentaires

  1. Rima Hassan a-t-elle lu ce billet ? Cela la mettra de bonne humeur tant son tropisme pro-Hamas est scandaleux et entaché de multiples erreurs. Tout d’abord, il oublie de dire que le Hamas a violé la 1e trève de 2023, a refourgué un autre cadavre que celui de Mme Bibas, ce qui a pesé lourd dans le non-enclenchement de la phase 2 de la trève du début d’année et, il a bien violé le cessez-le-feu actuel, c’est suffisamment documenté, comment dire que ce n’est pas vérifiable ? Les massacres actuels de toute opposition soit-disant complice des sionistes ne seraient pas vérifiables, tant qu’on y est ? Et le Hamas doit tenir compte de son opinion publique ? Après 66 000 morts en 2 ans par sa faute, il serait temps. Par contre, comment l’auteur de l’article peut dire que “rien n’est réglé” ? Tout n’est pas réglé mais les otages vivants sont libres et, désolé, on ne peut reprocher aux Israéliens que ce soit le plus important pour eux.
    Dire que c’est le bombardement au Qatar qui a convaincu Trump de tordre le bras à Netanayou est peut être vrai. Mais parler du Qatar comme allié indéfectible de l’Amérique, quand il finance des djihadistes de tout poil qui commettent des attentats un peu partout, y compris aux Etats-Unis, c’est une vraie myopie stratégique (d’autant plus que les relations du Qatar avec des alliés des US bien plus anciens comme les Emirats ou l’Arabie Saoudite sont, le moins qu’on puisse dire, fluctuantes, en termes de “je t’aime moi non plus”). Mettre le dos du soutien des Etats-Unis à Israël sur le seul messianisme évangélique, c’est faire fi de considérations stratégiques autres, qui remontent aux alliances de l’URSS avec les voisins arabes hostiles à Israël, puis son rôle de rempart occidental contre un monde musulman toujours tenté par l’islamisme hostile (même si, malheureusement, Israël n’a pas compris qu’il avait intérêt à défendre les chrétiens).
    Mais, à propos des chrétiens, dire que tout va bien pour eux et qu’ils “peuvent aller à la messe sans problème”, c’est une occultation complice du Hamas des persécutions qu’ils subissent: ils n’étaient plus que 1000 le 7 octobre alors qu’ils étaient 10% de la population à l’arrivée du Hamas. Cf. par exemple : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-7-2011-006179_FR.html ou https://tribunechretienne.com/gaza-une-persecution-silencieuse-pousse-les-derniers-chretiens-a-lexil/. Même le SB se fait l’écho de l’antichristianisme forcené du Hamas : https://lesalonbeige.fr/un-responsable-du-hamas-appelle-a-combattre-le-christianisme-perfide/. Mais, ce n’est pas la 1e fois que je constate que Lacoste nie, camoufle ou minimise les persécutions antichrétiennes dans ses analyses géostratégiques. Le SB devrait au minimum contextualiser ses propos, surtout quand on voit ensuite le déchainement antisémite de certains de vos commentateurs.

  2. ça me gène un peu ce long texte d’A. Lacoste car ne sont aucunement mentionnés les projets qui sont derrière les ronds de jambes joués par ces deux artistes : le Grand Israël ou encore, la venue du Messie vue par les rabbins. En tant que catholiques, nous savons que nous approchons une période eschatologique…..à moins de faire taire Notre Dame en ignorant ses apparitions, ses supplications, ses pleurs, ses messages et ses recommandations…

  3. Quand tous les goyim seront asservis et les autochtones chassés de l’espace vital sioniste alors peut-être que la Pax Judaïca régnera.

  4. Merci de confirmer : “déchainement antisémite de certains de vos commentateurs.”

    • Merci de confirmer votre allégeance à Netanyahou et au sionisme.

      Catéchisme de l’Eglise catholique, articles 675 et 676 :

      ”[…] L’imposture religieuse suprême est celle de l’Anti-Christ, c’est-à-dire celle d’un pseudo-messianisme où l’homme se glorifie lui-même à la place de Dieu et de son Messie venu dans la chair (cf. 2 Th 2, 4-12 ; 1 Th 5, 2-3 ; 2 Jn 7 ; 1 Jn 2, 18. 22).

      Cette imposture antichristique se dessine déjà dans le monde chaque fois que l’on prétend accomplir dans l’histoire l’espérance messianique qui ne peut s’achever qu’au-delà d’elle à travers le jugement eschatologique : même sous sa forme mitigée, l’Église a rejeté cette falsification du Royaume à venir sous le nom de millénarisme (cf. DS 3839), surtout sous la forme politique d’un messianisme sécularisé, ” intrinsèquement perverse ” (cf. Pie XI, enc. ” Divini Redemptoris ” condamnant le ” faux mysticisme ” de cette ” contrefaçon de la rédemption des humbles ” ; GS 20-21).”

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