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"Alors que la question des divorcés remariés est au cœur des préoccupations des médias et d’une bonne part des participants au Synode sur la famille qui se tient à Rome du 5 au 19 octobre, le cardinal Luis Antonio Tagle, archevêque de Manille, rapporte qu’aux Philippines, c’est la pauvreté qui, à ses yeux, est principalement à l'origine de la séparation des couples.
Dans un entretien à Catholic News Service (CNS), le 6 octobre dernier, l’archevêque philippin, qui est l’un des trois présidents nommé par le pape François pour diriger l’assemblée synodale, explique espérer qu’au-delà des débats sur les couples divorcés remariés, l’assemblée du synode se penchera également sur l’impact de la pauvreté et de l’émigration sur les familles, aussi bien aux Philippines que dans la plupart des pays en développement.
« Il y a bien sûr beaucoup de défis concernant la famille aux Philippines, mais pour moi, il s’agit tout d’abord de la pauvreté, l’extrême pauvreté ; elle a un impact très réel sur la famille », a t-il également déclaré dans une vidéo enregistrée depuis le Vatican le 4 octobre dernier.
« Il ne faut pas considérer cette pauvreté comme un élément extérieur, à replacer dans un autre contexte : non, pour beaucoup de personnes aux Philippines, elle agit au cœur même de la famille et affecte toutes les relations entre ses membres », ajoute-t-il.
Parmi les conséquences de la pauvreté, l’une des plus dramatiques est bien souvent l’obligation pour l’un des deux parents d’émigrer à l’étranger afin de trouver du travail et de subvenir ainsi aux besoins de sa famille, explique le cardinal Tagle. « Les couples ne se séparent pas parce qu’ils veulent divorcer, ne s’entendent plus ou sont en conflit. Non, ils se quittent et se séparent de leurs enfants parce qu'ils s'aiment, et que la meilleure façon pour eux de s’occuper de leur famille et lde es faire vivre, est d’aller travailler à l’étranger ».
L’émigration philippine représente une part importante de l’économie du pays. Plus de 11 % de la population vit et travaille à l’étranger, principalement aux Etats-Unis, en Arabie Saoudite, au Canada, aux Emirats Arabes Unis et en Australie. Mais des migrants économiques philippins se trouvent dans quasiment tous les pays de la planète.
La séparation des familles « crée indéniablement une blessure ouverte, qui ne se referme pas », poursuit le cardinal Tagle. « Les enfants souffrent de l’absence de leurs parents, et les parents souffrent de ne pas être présents dans la vie de leurs enfants, tout en devant rester fidèles à un conjoint qu’ils ne pourront pas revoir pendant des années. »
« Pour tout vous dire, l’aéroport est devenu un endroit traumatisant pour moi », avoue l’archevêque de Manille sur la vidéo de CNS. « Pas à cause des voyages ou d’éventuels dangers, mais parce que j’y vois, et j’y entends les parents, – les mères surtout -, parler à leurs enfants, leur dire au-revoir, et que l’on voit qu’elles ont le cœur brisé. » Après un silence, il ajoute : « Vous vous demandez alors de quelle force ils auraient besoin [pour vivre cela], et vous ne pouvez que prier : ‘Seigneur, donne-leur Ta force’. »
Espérant que « ces réalités seront portées au synode », Mgr Tagle rappelle encore que si « l’émigration est un grave sujet de préoccupation pour de nombreux pays pauvres, elle est aussi un défi pour la pastorale ». Il faut que l’Eglise propose « une assistance, un accueil et un soutien pour toutes ces familles, en leur permettant notamment de maintenir leurs liens affectifs », conclut-il.