D’Antoine de Lacoste sur Boulevard Voltaire :
Dimanche 9 août, en fin de matinée, six jeunes Français, leur guide et leur chauffeur nigériens ont été assassinés au Niger. Le meurtre a eu lieu dans une réserve appelée Kouré, à l’extrémité sud-ouest du pays, non loin des frontières du Mali et du Burkina Faso.
Salariés de l’organisation humanitaire ACTED, les quatre jeunes filles et les deux jeunes gens étaient partis observer des girafes. Sur la route du retour, quatre hommes montés sur deux motos ont fait feu sur le véhicule presque à bout portant. Selon une source locale citée par l’AFP, le chauffeur aurait été abattu le premier, suivi par le reste du groupe. Plusieurs corps avaient une balle dans la tête, comme pour s’assurer de leur mort sans aucun doute possible. Toujours selon la même source, une des jeunes filles a tenté de s’enfuir mais elle été rattrapée puis égorgée (« frappée à la gorge », dit pudiquement Le Figaro, qui a souvent peur d’appeler les choses par leur nom).
Le mode opératoire ne laisse à peu près aucun doute sur l’origine islamiste de la tuerie : la moto, engin de transport favori des terroristes (et, d’ailleurs, interdit dans la région pour cette raison), l’embuscade bien organisée et la volonté de ne laisser aucun survivant.
En l’absence de revendication, il est, par contre, bien difficile de savoir à quelle obédience islamiste appartiennent les tueurs : Al-Qaïda (ou AQMI) ou l’EIGS (État islamique dans le Grand Sahara). Les deux mouvements se font une concurrence féroce, souvent meurtrière comme nous l’avons expliqué ici. De plus, Al-Qaïda a une structure assez mouvante, plusieurs dirigeants et de nombreuses ramifications. Il serait logique qu’une revendication intervienne afin de « mettre en valeur » cette action et favoriser le recrutement…
La plupart des médias insistent sur le fait que la zone n’était pas considérée comme dangereuse. Certes, cette réserve est située hors du vaste périmètre de l’opération Barkhane, mais elle se situe tout de même dans son voisinage immédiat. Cette zone dite des « trois frontières », expression utilisée par tous les spécialistes de l’islamisme et qui figure, d’ailleurs, sur le site d’ACTED, peut à tout moment servir de repli ou de passage de bandes terroristes.
De plus, la pression mise par l’armée française sur les islamistes les contraint à une très grande mobilité et, petit à petit, à élargir leur zone d’action ou de repli. Enfin, puisque nous sommes à l’est de la zone des « trois frontières », nous ne sommes plus très loin du Nigeria, dont le nord subit les multiples exactions de Boko Haram, autre groupe terroriste islamiste.
Dans ce contexte, il est tout de même singulier que des risques aussi importants puissent être pris : défaut d’informations, inconscience ? ACTED se défend et rappelle que cette zone est largement visitée par de nombreux expatriés et que le ministère des Affaires étrangères français ne l’a inscrite qu’en « vigilance renforcée ». Soit, mais compte tenu de la tactique extrêmement mobile des groupes islamistes, on ne pouvait exclure qu’un jour ou l’autre, une attaque pouvait s’y dérouler.