Jeanne Smits revient sur une affaire impliquant des policiers :
"Sous la pression très médiatisée de SOS Racisme, le parquet d’Amiens a annoncé sa décision de faire appel de la condamnation, mardi, d’un brigadier-chef à 1 000 euros pour «incitation à la discrimination et à la haine raciales», et de la relaxe de ses quatre compagnons, pour des propos tenus lors d’une soirée arrosée dans un bar de la ville en février 2008. Les cinq hommes, trois policiers de la brigade anti-criminalité (BAC) et deux bouchers de leur connaissance, fêtaient la naissance du fils d’un des policiers […] des témoins rapportent que les cinq hommes tendent le bras et trinquent aux cris de «Sieg Heil», non sans ajouter quelques injures «violemment racistes».
A l’époque, Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, avait condamné «avec la plus grande fermeté ces actes et propos intolérables». Trois ans plus tard, la quadruple relaxe et l’amende modeste font que judiciairement, l’affaire a fait «pschitt». Regrettable, l’attitude des policiers de la BAC un soir de «dégagement» émaillé de provocations stupides ? Evidemment. Mais on peut dire qu’ils ont «payé». Immédiatement suspendus de leurs fonctions, ils sont toujours, depuis lors, dans la même situation, avec un demi-salaire. […]
L’avocat du brigadier-chef, Me Jérôme Triomphe, nous a dit d’emblée le contexte de cette soirée du 1er février 2008. Les brigadiers sortaient d’une semaine d’émeutes ethniques dans les quartiers dits « sensibles » d’Amiens. Ils avaient été harcelés, insultés, traités comme des « keufs » par les voyous ethniques des zones de non-droit. Suit une instruction «totalement à charge», non sans des gardes à vue où arriveront des «aveux» – désavoués à l’audience en mars dernier – à la suite de pressions du genre : «Tes enfants seront placés à la DASS, tu ne les verras jamais plus.»
Au fil des mois, les cinq hommes seront accusés de tout. D’avoir rompu les conditions de leur contrôle judiciaire pour avoir pris contact les uns avec les autres, alors qu’il ne leur était nullement interdit de le faire. Jérôme Triomphe raconte que les policiers seront accusés d’avoir participé à un trafic de drogue – tout simplement parce qu’ils étaient sur les lieux d’un trafic, mais dans le cadre d’une enquête à laquelle ils participaient. On les accuse encore d’un vol de 90 litres de gasoil. Sur la foi du témoignage d’un couple de dealers, Monsieur et Mademoiselle, 35 condamnations à leur actif…
Les témoignages sont le point faible de l’affaire. Aucun de ceux apportés à l’origine ne concorde avec l’autre, rappelle Me Triomphe ; les témoins à charge ont été convaincus d’avoir menti. Mais qu’à cela ne tienne : on tentera de faire tomber les cinq prévenus pour «subornation de témoin» – parce qu’ils ont cherché des témoins de moralité. Et pour le coup, il y en a. Les trois policiers, la quarantaine déjà, sont appréciés, pas une fausse note n’obère leurs états de service, le brigadier-chef a été blessé vingt fois en service et vient d’être médaillé pour acte de courage et de dévouement. On est d’autant plus loin du portrait de la brute nazie que, raconte Me Triomphe, des dizaines de jeunes de banlieue sont prêts à dire qu’avec lui, tout était toujours «réglo»."