D’Hilaire de Crémiers dans Politique Magazine :
Les 49-3 vont se succéder à vive allure au cours du mois de novembre comme ce fut le cas fin octobre. Il paraît que c’est un événement. Des démocrates sourcilleux font mine de s’indigner. La posture de l’indignation est le ressort de la vie démocratique : le discours vertueux fait exister le politicien. Animée d’un même souffle, Élisabeth Borne escaladera la tribune de l’Assemblée nationale d’une jambe alerte pour jouer la petite dame de fer, ce qui lui va comme un gant. Le ton sera toujours à la hauteur de la situation pour dénoncer l’obstruction et la collusion des extrêmes ! Chacun est dans son rôle. C’est le sublime de la rhétorique qui règne dans les enceintes sacrées de la République : quels échanges et pour quel débat !
Les motions de censure de la Nupes et du RN n’ont pas abouti, ce qui était prévu, même si le RN par la voix de Marine Le Pen a décidé d’apporter ses voix à la motion de la Nupes. Les éditorialistes n’en revenaient pas ! Mais il aurait fallu que LR s’y joignît pour emporter la majorité et renverser le gouvernement ; ce qu’elle s’est bien gardée de faire, Sarkozy œuvrant publiquement, depuis déjà longtemps, pour le rapprochement avec Macron, ce qui n’a rien d’étonnant tant il est facile d’en supputer les raisons, et les députés redoutant une dissolution qui risquerait de leur être fatale. Ces combinaisons témoignent d’un système qui ne travaille plus que pour lui-même. Le zèle démocratique a des raisons que la raison ne connaît pas.
l n’empêche qu’il faut bien que soient adoptées définitivement pour 2023, aussi bien sur les dépenses que sur les recettes, la loi de finances de l’État et la loi de financement de la sécurité sociale. Il faudrait plutôt s’indigner qu’il s’agisse encore de deux monstres. D’année en année – et depuis des décennies – de plus en plus monstrueux, malgré les annonces lénifiantes et rassurantes du ministre en exercice, en l’occurrence cette année encore d’un Bruno Le Maire, toujours content de lui-même et qui brigue en secret le FMI pour s’exfiltrer du bateau ivre. Sa suffisance, comme à chaque fois, se perd dans ses chiffres, assénés pourtant avec autorité, et se trompe dans ses calculs, imaginant des recettes inexistantes sur des points de croissance qui s’effondrent, et prédisant des améliorations de déficits et de niveau d’endettement qui vont au rebours des décisions prises par le gouvernement et donc par lui-même. De l’utilité d’un ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ! La vigie de la France.
Quelle souveraineté au juste quand Paris s’aligne sur Bruxelles pour toutes les décisions les plus stratégiques, et quand la dette frise les 3000 milliards ? Que signifie une croissance estimée à 1 %, une inflation à 4,3 %, un déficit à 135 milliards, qu’on prétend donc ramener à 5,5 % du PIB, avant de le réduire – promis, juré – dans les années suivantes à 3 %… selon les sacro-saints critères européens qui servent de mantras. […]