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France : Société / L'Eglise : L'Eglise en France

La pression des catholiques militants devrait viser au moins autant que les détenteurs du pouvoir politique, les pasteurs de l’Église

La pression des catholiques militants devrait viser au moins autant que les détenteurs du pouvoir politique, les pasteurs de l’Église

Faisant suite au débat lancé par L’Homme nouveau, à propos de l’utilité des manifestations, pro-vie comme pro-famille, l’abbé Barthe en appelle aux évêques :

[…] d’une manière générale, la pression des catholiques militants devrait viser au moins autant que les détenteurs du pouvoir politique et auteurs des lois oppressives ou criminelles, les pasteurs de l’Église, bien trop dociles vis-à-vis de ces gouvernants. Comme les Vendéens exigeant de leurs seigneurs qu’ils prennent leur tête, les militants catholiques de la royauté du Christ devraient avoir pour objectif premier de faire que leurs pasteurs prennent la tête de leurs revendications contre une société laïque, au nom de la liberté de l’Église. D’autant que la pression de ces catholiques contre le meurtre des innocents n’est pas prête d’atteindre le niveau de pression des Cristeros mexicains contre les lois de persécution religieuse…

Il est d’ailleurs évident que la passivité de ces évêques ou, sauf notables exceptions, la faiblesse de leurs interventions, est une des causes, et non la moindre, de l’impuissance catholique. Car les pasteurs de l’Église ont généralement abandonné toute visée de reconstitution d’une société institutionnellement chrétienne. Quoi qu’il en soit de l’interprétation que l’on peut donner au texte de Vatican II sur la liberté religieuse, le fait est là, massif : la doctrine du Christ-Roi est purement et simplement remisée par les responsables ecclésiastiques.

Appeler les évêques à redevenir défenseurs de la Cité

Or justement, on évoque souvent le rôle de « défenseurs de la Cité » qu’ont pu avoir des évêques lorsque l’empire romain s’effondrait sous les coups des invasions barbares. Les pasteurs de l’Église ont en effet vocation à assumer un rôle de soutien à ce qui peut être relevé de la Cité en un moment où ses cadres naturels s’évanouissent. Un fait est certain : l’Église et l’Église seule est aujourd’hui en mesure de faire briller la vérité, aux yeux des hommes de bonne volonté « comme une lampe dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à poindre » (2 P 1, 19).

Et en toute hypothèse, les évêques sont les prédicateurs-nés de la morale. Or, la prédication morale est de soi politique puisqu’elle vise à l’amendement de l’homme, être par nature social. En outre, la prédication morale est aujourd’hui devenue par la force des choses une prédication politique antimoderne.

Il faut ajouter qu’on a trop facilement tendance à réduire la loi naturelle à sa régence de la morale familiale, notamment pour dire que, somme toute, c’est sur la morale naturelle ainsi entendue que peuvent se retrouver tous les hommes de bonne volonté et c’est cette morale naturelle que devrait respecter la démocratie.

C’était le fil directeur de la Note doctrinale sur certaines questions sur l’engagement et le comportement des catholiques dans la vie politique de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi du 24 novembre 2002 qui, d’une part, présentait la laïcité et la non-confessionnalité de l’État comme des évidences : « La promotion en conscience du bien commun de la société politique n’a rien à voir avec le « confessionnalisme » ou l’intolérance religieuse » (n. 6), mais qui, d’autre part, affirmait que l’État laïque est « autonome par rapport à la sphère religieuse et ecclésiastique – mais pas par rapport à la sphère morale. »

Sur quoi la Note évoquait les « principes non négociables » que doivent défendre les chrétiens engagés en politique (défense de la famille fondée sur le mariage homme-femme ; liberté d’éducation ; protection des mineurs ; libération des formes modernes d’esclavage ; droit à la liberté religieuse ; économie au service de la personne et du bien commun ; la paix).

Mais ce discours présentait deux faiblesses :

  • Il postulait que la démocratie moderne doit se soumettre à la loi naturelle, ce qui est hors de propos pour elle, car elle est fondée sur le principe de la transcendance de la volonté générale. Si elle s’y soumet, ce n’est qu’accidentellement, en fonction de l’état de l’opinion à un moment donné.
  • Et il passait sous silence que l’obligation pour la société des hommes de rendre un culte à Dieu fait partie de cette loi naturelle. Ainsi, Léon XIII, dans Immortale Dei (1er novembre 1885) :

« Quelle que soit la forme de gouvernement, tous les chefs d’État doivent absolument avoir le regard fixé sur Dieu, souverain Modérateur du monde, et, dans l’accomplissement de leur mandat, le prendre pour modèle et règle. […] La société politique étant fondée sur ces principes, il est évident qu’elle doit sans faillir accomplir par un culte public les nombreux et importants devoirs qui l’unissent à Dieu. Si la nature et la raison imposent à chacun l’obligation d’honorer Dieu d’un culte saint et sacré, parce que nous dépendons de sa puissance et que, issus de lui, nous devons retourner à lui, elles astreignent à la même loi la société civile. […] Comme donc la société civile a été établie pour l’utilité de tous, elle doit, en favorisant la prospérité publique, pourvoir au bien des citoyens de façon non seulement à ne mettre aucun obstacle, mais à assurer toutes les facilités possibles à la poursuite et à l’acquisition de ce bien suprême et immuable auquel ils aspirent eux-mêmes. [… Et cela dans] la seule vraie religion [qui] est celle que Jésus-Christ a instituée lui-même et qu’il a donné mission à son Église de garder et de propager ».

Et Pie XI dans Quas primas (11 décembre 1925) :

« Les gouvernants et les magistrats ont l’obligation, aussi bien que les particuliers, de rendre au Christ un culte public et d’obéir à ses lois. »

***

Aussi utopique que puisse apparaître aujourd’hui une telle revendication, elle n’en est pas moins une sorte de colonne vertébrale de toutes revendications en faveur de l’application de la morale naturelle (respect de la vie innocente, indissolubilité du mariage, etc.) dans la loi des hommes. En fait, si on veut parler de « principes non négociables », LE « principe non négociable » par excellence, qui doit commander, habiter, spécifier, toute action des catholiques dans la Cité, même si sa réalisation concrète ne sera sans doute que lointaine est celui-ci : la Cité des hommes doit être soumise à Dieu et l’honorer publiquement, et lorsque que cette Cité a connu le « baptême » chrétien elle a vocation de le faire chrétiennement.

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