Pierre Barthe, Professeur agrégé, analyse dans la lettre de la Fondation pour l'école, la dernière initiative de Luc Chatel :
"Luc Chatel vient de sortir un nouveau lapin de son chapeau d’illusionniste : les chefs d’établissement, à l’instar des recteurs, pourront bénéficier d’une prime au mérite en fonction des performances de leur établissement et de l’application des orientations politiques.
Récompenser les meilleurs? L’idée semble saine. Pourtant, cette réforme procède davantage d’un réflexe centralisateur à la française que d’une véritable «culture du résultat». Quel humoriste représentera la foule des chefs d’établissement attendant anxieusement dans la cour du ministère que Luc Chatel distribue aux heureux élus leurs bons points libellés en euros ? La réforme envisagée vise une fois de plus à faire descendre vers un corps d’exécutants dociles des avantages établis au sommet de l’administration à partir d’indicateurs statistiques. La tendance à la mise sous tutelle informatique des éducateurs n’en sera que renforcée. Ce n’est pas cette prime «à la servilité ou au conformisme» qu’on nous destine qui redressera l’école.
Comme le rappellent Philippe Meyer et bien d’autres, la recette de la performance éducative est désormais bien connue de tous: c’est l’autonomie des établissements scolaires. Cela consiste à rendre à ceux qui sont en contact direct avec les enfants dans les écoles et avec leurs parents la latitude de liberté et de responsabilité qui, en France, leur est constamment dérobée. Être en situation de responsabilité réelle est une motivation bien plus puissante que compter sur des gratifications octroyées par une hiérarchie bureaucratique. C’est bien au directeur d’école que revient la tâche d’être l’instigateur et le garant d’une «charte scolaire» à laquelle parents, élèves et professeurs doivent adhérer pleinement. C’est bien le directeur, assisté du conseil d’école, qui recrute son équipe éducative, établit le règlement intérieur, fixe les priorités budgétaires et représente à tout moment, à l’intérieur comme à l’extérieur, l’autorité responsable. L’avantage ultime de ce type d’organisation est de générer un véritable «esprit d’école» apprécié, défendu et entretenu par tous les acteurs et les utilisateurs de l’établissement. Et c’est dans ce type de « performance» que le directeur puise d’abord le sentiment de sa réussite, qui mérite effectivement d’être rétribuée à sa juste valeur."
ODE
inversement, il est impossible de virer des chefs d’établissements notoirement nuisibles. Ils sont intouchables, notamment quand ils sont soutenus par des gens bien placés. Certains sapent tout l’esprit d’établissements centenaires. Leur laisser une autonomie, oui, mais permettre à ceux qui doivent travailler sous leur autorité d’avoir sur celle-ci un pouvoir d’appréciation.