Jean Sévillia, rédacteur en chef adjoint du Figaro magazine et écrivain, évoque les vérités du 14 juillet. Extraits :
"[…] La loi promulguée le 6 juillet 1880 annonce que «la République adopte le 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle». Le choix de cette date, en réalité, ratifie une pratique antérieure du parti républicain, mais en jouant sur la double signification du 14 juillet: les radicaux commémorent la prise de la Bastille (14 juillet 1789), tandis que les modérés, à qui la violence révolutionnaire fait peur, préfèrent se souvenir de la Fête de la Fédération (14 juillet 1790). […]
Le 12 juillet 1789, Camille Desmoulins appelle les Parisiens à prendre les armes. Le 14 juillet au matin, quelques milliers d'émeutiers envahissent les Invalides, et prennent armes et canons. A l'autre bout de Paris, la Bastille, prison d'Etat dénoncée par les libellistes comme un symbole de l'arbitraire royal, est assaillie non par la population spontanément mobilisée, mais par une bande d'agitateurs qui ont préparé l'opération. De l'édifice sont extraits, en fait de victimes de l'absolutisme, sept prisonniers, dont quatre faussaires, deux fous et un débauché. Le gouverneur Launey, qui a capitulé devant l'émeute et qui a été conduit à l'Hôtel de Ville, est assassiné avec Flesselles, le prévôt des marchands, leurs corps étant dépecés et leurs têtes placées au bout d'une pique. 83 assaillants ont péri dans l'assaut. Le premier sang de la Révolution a coulé. L'opération a été orchestrée, mais elle a revêtu tout de suite un sens politique et une dimension symbolique. […]"
Addendum. Un lecteur me communique un extrait du Journal de Palloy, entrepreneur, 13 juillet 1789 à dix heures du soir :
"Ce matin à 11 heures j’ai assisté à la grande réunion des frères dans l’église Saint-Antoine. C’est Dufour officier du Grand Orient qui présida avec un député de la loge Modération de l’Orient de Paris. Nous y avons décidé qu’une insurrection populaire commencera dans le faubourg Saint-Antoine. Ils espèrent en faire une révolution… on verra.
Le frère marquis de la Salle me promet de me mettre au courant. Il prétend que je dois me tenir prêt avec mes ouvriers pour aller démolir la Bastille. Depuis si longtemps que je l’attends ce sacré chantier.
D’après Guy Breton, Les Beaux Mensonges de l’Histoire, Paris, Le Pré aux Clercs, 1999, 245 p., p. 121.