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France : Société

La religion des Lumières : le panthéisme moderne

Les Lumières selon Henri Hude, extrait :

L "On ne comprendra jamais les Lumières, si l'on ne pénètre pas jusqu'à leur noyau mystique, qui est bien plus important que des doctrines plus extérieures, en grec exotériques, et d'apparence très laïque (positivisme, scepticisme, agnosticisme, etc.). Malgré sa polémique antichrétienne, l’intention de la grande philosophie des Lumières est en effet religieuse, au sens large ; ou, si par pudeur on préfère un autre terme, disons qu'elle est mystique. Il s’agissait de substituer, en Europe, une religion qu'elle voulait plus vraie, plus naturelle ou plus philosophique, à la religion du Dieu de la Bible. Ou bien, quand ils se pensent comme chrétiens, les penseurs éclairés voudraient dégager de la religion chrétienne populaire une essence philosophique du christianisme.

A côté de tendances occultistes, alchimistes, etc. les grandes Lumières comportent d’abord une métaphysique humaniste. Dieu, c’est l’Homme. C'est une sécularisation de la religion du Christ, Dieu fait homme. Il faut bien le comprendre, parce que, pour diverses raisons, cela est peu enseigné, et presque jamais clairement dit, dans les lycées, ou même dans les Universités.

Cet humanisme est une métaphysique excluant une transcendance de type théiste, mais cette vie dans l'immanence absolue est encore une vie dans l'Absolu. Au fond, c'est le panthéisme moderne. On fait place à des thèmes comme l'individu, la liberté, la conscience, l'esprit, etc. Mais fondamentalement, le Tout fait Un. L’Histoire est le Procès absolu, la Vie de Dieu. Et Dieu, Fond et Unité du Tout, est la Raison impersonnelle, le Soi inconscient. Cette Substance unique est censée évoluer et tout ce qui existe est censé être le fruit de cette évolution de l'Absolu.

La Substance ou le Sujet (le Dieu inconscient) évolue donc en Idées, en Nature et en Psychismes. Le Tout est comme un grand vivant qui prend progressivement conscience de lui-même. L’Homme est ainsi l’ultime résultat de l’évolution de Dieu. Et quand l’Homme pense Dieu, c’est Dieu qui enfin se pense. Et il ne pense qu’en l’Homme. Par conséquent, tout homme qui pense vrai est un « dieu vivant ». Pour cette philosophie, il y a des individus (on dit aussi : des « monades ») au sein de l’Absolu, qui est l’Un et Tout ; ce dernier « s’explicite » en ces modalités singulières. Bien sûr, on ne sait pas trop comment l'Absolu peut être un et tout, et, comment, en même temps, il y a de vrais individus. C'est comme si l'Absolu panthéiste renfermait un panthéon polythéiste. C'est plus mystérieux que le mystère de la Trinité, car la Trinité est un mystère, alors que les lumières sont censées être de l'ordre de la raison et même de l'évidence. En tout cas, on comprend pourquoi, dans cette mystique, l’homme raisonnable est un dieu pour l’homme – c’est le sens du « respect de la Personne », selon ces doctrines. De là aussi une interprétation particulière des « Droits de l’Homme » et de leur caractère sacré. L’humanisme, au sens des Lumières, c’est cette mystique, cette métaphysique, voire cette religion, au sens large."

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