Du père Danziec dans Valeurs Actuelles :
Le Grand Fossé n’est pas seulement le 25ème album des aventures d’Astérix et Obélix, il est aussi l’abîme d’incompréhension qui sépare l’enseignement catholique d’avec la vision caricaturale que s’en font nombre d’acteurs du paysage politique et médiatique français. Sans aucun doute, le grand effondrement du catholicisme hexagonal de ces soixante dernières années, savamment analysé par le sociologue Guillaume Cuchet, n’est pas pour rien dans cette difficulté grandissante à se comprendre. A force de manquer de clarté évangélique, le rétablissement d’une proclamation authentique de la foi au sein des écoles privées fait grincer des dents, en interne, et pousser des cris d’orfraie, en externe.
Raccourcis idéologiques et vérité brutalisée
Il n’empêche, alors même que les progressistes chantent les bienfaits de l’ouverture, le bonheur de l’acceptation des différences, ce sont les mêmes bien-pensants qui s’érigent, sans gêne aucune, en censeurs à tout crin. Les apôtres du vivre-ensemble n’ont pas le dialogue pour tous chevillé à l’âme. Quand le dialogue et la confrontation d’idées favorisent le sens de la nuance, le pointage réflexe du doigt témoigne d’un déficit intellectuel, sinon d’une peur panique. On jette l’anathème ou l’on voue aux gémonies pour mieux s’affranchir de débattre. Lorsque l’outrance a valeur de carburant et que l’exagération tient lieu de boussole, l’excès se pratiquant au mépris du sens des mots, c’est toujours la vérité qui se trouve brutalisée.
S’il était nécessaire, une simple promenade sur les réseaux ou une revue de presse non exhaustive permettrait de s’en convaincre. A propos de la question scolaire, voici un petit florilège. L’universitaire Mathilde Larrère – par ailleurs membre du parlement de la Nupes et collaboratrice au site web Arrêt sur images – décrit sur X l’actuel gouvernement comme une « sortie de messe de Saint-Nicolas-du-Chardonnet ». L’Humanité titre en Une : « Ecole privée : Sous contrat mais hors de contrôle ». Sur France 3, à l’occasion d’un journal télévisé régional est évoquée une école hors-contrat catholique dans laquelle le journaliste affirme que « les enfants sont élevés à la dure », sans autre forme de procès. L’émission du service public Complément d’enquête diffusait jeudi dernier sur France 2 un reportage à charge – dans le sillage de celui réalisé sur le Puy du Fou – “sobrement” intitulé : « Stanislas : les dérives d’une école d’excellence ». Autoritarisme, sexisme, homophobie : tout y est passé…
La réussite des méthodes traditionnelles d’enseignement
« Les plus petits esprits ont les plus gros préjugés » estimait Victor Hugo. Lorsque l’on assiste, sinon consternés, le plus souvent impuissants, à la détérioration des conditions de transmission du savoir dans l’enseignement public – sans même parler du contenu –, on s’attendrait à davantage d’humilité et de retenue chez les détracteurs de l’enseignement privé. Mais derrière ces critiques, il est difficile ne pas y voir de la jalousie. « Leur comportement nous est un reproche vivant, leur seule présence nous pèse. » lit-on dans le livre de la Sagesse (Sg 2, 14). Comme le soulignait la journaliste du Figaro, Eugénie Bastié, un Complément d’enquête sur les dérives de Sciences-Po aurait été, sans aucun doute, bien plus pertinent.
La réussite en effet des méthodes traditionnelles d’enseignement où se mêlent ordre, discipline, vouvoiement, estrades (supposées dans l’école catholique, et qui prévalent spécialement dans l’écosystème “hors contrat”) est à mettre en balance avec l’adversité ordinaire à laquelle est confrontée une grande partie des enseignants du public. Ce contraste interroge nécessairement et la ligne éducative et le projet pédagogique de ces deux univers scolaires. Sardou pourrait-il encore chanter : « J’ai fait les deux écoles et ça n’a rien changé. » ?
Jules l’imposteur (Dominique Martin Morin), petit ouvrage rédigé par François Brigneau dans lequel, avec une plume vive et documentée, le cofondateur du quotidien Présent épingle l’anticléricalisme de Jules Ferry. En parcourant l’histoire de la Troisième République, il en rappelle l’ambition à peine cachée : celle d’extorquer de l’âme des enfants les vérités de l’Eglise catholique. Des “hussards noirs” de Ferry aux propos de Vincent Peillon vantant l’école républicaine comme l’instrument privilégié d’émancipation « de tous les déterminismes », il n’y a qu’une suite logique. Déjà en 1866, le fondateur de la ligue de l’enseignement, Jean Macé, déclarait : « Nous avons à faire, non de la pédagogie, mais de la propagande républicaine ».
Catholique donc signe de contradiction
Des catholiques, de plus en plus nombreux, constatent avec effroi que l’Etat ne cesse d’évider sa législation des dernières normes morales d’origine chrétienne. Année après année, le ministère de l’Education Nationale donne le sentiment d’être davantage préoccupé par le transformisme social de ses élèves que par leur instruction.
Sur l’autre flanc, celui interne à la vie des écoles catholiques, la politique du plus petit dénominateur commun prévaut depuis longtemps. Aux Assises de l’enseignement catholique de l’an 2000, son secrétaire général dénonça la nostalgie d’une « école citadelle » et se prononça pour une « école carrefour ». Cette posture débouchera sur deux désastres : l’analphabétisme religieux généralisé et la disparition d’une culture chrétienne élémentaire.
Dans ce contexte, certains chefs d’établissements catholiques sous-contrat et l’univers catholique hors contrat dans son ensemble souhaitent absolument sortir de la tiédeur d’un catéchisme affadi. Comment peut-on se satisfaire d’un humanitarisme bon teint duquel le Christ n’apparaît plus que comme un instrument de décor parmi d’autres ? Désormais, même le secrétaire général de l’enseignement catholique, Philippe Delorme, plaide pour l’instruction obligatoire de cours de culture chrétienne dans les établissements privés catholique.
Depuis Antigone et le Christ lui-même, c’est rendre hommage à la raison humaine que de défendre ses convictions. C’est participer à l’élévation du débat que d’apporter la contradiction. Vivre en chrétien, c’est d’ailleurs accepter d’en devenir un signe. Et vivre en Français, c’est se réjouir d’en voir se lever.