Lu ici :
"Le refus de l'impôt est la pire menace qui puisse atteindre un
gouvernement. Elle le frappe d'illégitimité et à cela, il ne peut
répondre que par la répression ou la démission.Pendant la guerre de Cent Ans, une taxe de trop provoque à Paris la révolte des Maillotins. Un peu plus tard, la révolte des Cabochiens
conduit le roi Charles VI à coiffer le capuchon des insurgés avant
qu'il ne se retourne contre eux et leur protecteur, le duc de Bourgogne.Au XVIIe siècle, après les guerres de religion, tandis que Richelieu
et Mazarin renforcent l'autorité du roi, les révoltes fiscales se
multiplient sur fond de misère sociale et d'inégalités croissantes : Croquants du Périgord ou encore Nu-pieds de Normandie.Ainsi que l'indique le nom donné à ces révoltés, leur mouvement est
considéré avec le plus grand mépris par les nantis, bourgeois et
aristocrates. Le pouvoir monarchique, assuré de sa force et de sa
légitimité, réprime sans pitié excessive ces révoltes fiscales. L'ultime
révolte fiscale du siècle est la révolte des Bonnets rouges
à laquelle font référence les actuels rebelles de Carhaix et Quimper.
Elle est tout aussi durement réprimée que les précédentes.Beaucoup plus tard, sous le règne de Louis XVI, il en va bien
autrement. La monarchie est faible, tiraillée entre les factions de la
Cour. Elle s'est aussi placée sous la dépendance des grands financiers
qui gèrent eux-mêmes la collecte de l'impôt à travers ce qu'on appelle
la Ferme générale.La fermeté n'est plus de mise. Quand le contrôleur général des finances Turgot
se résout à faire exécuter deux jeunes meneurs lors de la guerre des
farines, il est disqualifié aux yeux de l'opinion libérale et du roi
lui-même et doit remiser ses réformes.Après la Révolution, c'en est fini des révoltes fiscales. La
principale raison en est que le gouvernement français, tant sous la
République que sous la monarchie ou l'Empire, bénéficie d'une légitimité
au moins partielle, issue des élections et des plébiscites.Notons tout de même un appel à la grève de l'impôt
sous la IVe République, à l'appel d'un papetier de Saint-Céré (Lot),
Pierre Poujade. Il s'agit d'une révolte contre le zèle excessif des
contrôleurs du fisc qui, par commodité, concentrent leurs actions contre
les petits commerçants. Ce mouvement va déboucher sur la formation d'un
nouveau groupe parlementaire à l'Assemblée nationale et déstabiliser un
peu plus les institutions de la IVe République.Le retour de la Ferme générale
Le mouvement breton de 2013 contre les portiques d'écotaxe
s'apparente bien plus aux révoltes d'Ancien Régime qu'au poujadisme. Il
traduit l'exaspération populaire face à des gouvernements qui, tels ceux
de Charles VI ou de Louis XVI, ne savent plus comment résoudre
l'équation budgétaire. […]"