Jacques Garello, professeur émérite à l'Université d'Aix Marseille, administrateur de l'ALEPS et de l'IREF, écrit dans Le Figarovox :
"«Orientation libérale», «sociale-libérale», un ministre de l'économie «libéral»: le succès spectaculaire du mot est surprenant. Voilà de quoi faire réagir Messieurs Besancenot et Philippot, qui dénoncent l'«ultralibéralisme» ambiant.
Mais si l'on dit le mot, va-t-on faire la chose?
Certes dire le mot est une nouveauté: la conspiration du silence l'a masqué depuis 2002, date où le dernier parti libéral a quitté la scène politique. Le libéralisme n'a été évoqué que pour lui attribuer généreusement la paternité de la crise, pour condamner la mondialisation ou, indifféremment, le dirigisme bruxellois (un comble!) Il est d'ailleurs de bon ton de parler d'ultra-libéralisme pour condamner ses ultra-méfaits, ses ultra-injustices.
Voilà donc une révolution du vocabulaire inattendue. Elle pourrait réchauffer le cœur de tous ceux qui depuis des années sont victimes d'ostracisme. Le fait que le «libéral» soit désormais vendeur dans le marketing politique peut leur suggérer que leurs idées ont remporté une victoire. Serions-nous revenus aux années 1974, au début de l'ère giscardienne, quand Georges Marchais déclarait «Je suis un libéral». Quarante ans plus tard, va-t-on oser se dire libéral?
Hélas, cette victoire est à la Pyrrhus, et si le mot est à la mode, la chose n'est que virtuelle, voire mensongère. Sans doute y a-t-il quelque réalité derrière le choix du mot: c'est une remise en cause du socialisme, c'est le constat que personne ne sait vers quoi ni vers qui se tourner. Le mot traduit le désarroi de la classe politique mais aussi de l'opinion publique, voilà pourquoi il est bienvenu. Mais quel sens peut-il avoir dans le contexte actuel et quel écho concret peut-il avoir?
Pour beaucoup de personnes il signifie que l'on essaye d'infléchir la politique française vers la sociale-démocratie, les plus optimistes diront même vers le «modèle allemand» tant décrié jusqu'à présent. Mais d'une part la sociale-démocratie n'est pas libérale, puisqu'elle fait une large place au dirigisme et à la redistribution, ce qui n'est pas dans la doctrine libérale. De façon plus générale, la «troisième voie» qui veut mêler des principes et des éléments d'une économie de marché avec ceux d'une économie de plan, a toujours débouché à long terme sur un échec ; elle ne constitue en rien un tiers système, elle est un compromis politique qui tôt ou tard s'effondre. D'autre part le libéralisme ne se ramène pas à la liberté économique, il a une dimension politique et éthique qui lui donne sa vertu. Il est limitation du pouvoir politique et garantie des droits individuels, dont le droit de propriété, il est conforme à la nature de l'être humain, à sa capacité créatrice, et à sa volonté de vivre en harmonie avec les autres.
C'est la raison pour laquelle la chose libérale en reste pour l'instant au niveau du discours. L'ambiguïté demeure, et le cap du gouvernement est toujours incertain. Va-t-on supprimer la durée légale du travail? On envisage à peine un «aménagement» des 35 heures, ce qui n'a aucun sens pour un libéral? En quoi vont consister les baisses d'impôts? En un relèvement de la TVA? Le libéral dit plus clairement: on ne peut réduire les impôts sans réduire les dépenses, et on ne peut réduire les dépenses sans réduire la taille de l'Etat, sans le renvoyer «dans ses cordes»: qu'il assume ses missions régaliennes, celles qui impliquent le recours à la coercition, comme la défense, la police et la justice. Toute réforme qui s'écarte de cette ligne ne peut être tenue pour «libérale».
D'ailleurs, en se référant aux valeurs éthiques qui donnent sens à la liberté, le libéral ne peut accepter que la sphère publique déborde sur la vie privée, et il y a pour lui tout à craindre d'un gouvernement qui comprend des égéries qui veulent détruire la famille, le droit pénal et diffuser une «éducation» idéologique de nature à perturber durablement les enfants.
Ainsi la chose libérale ne peut-elle être que «globale», la libération du pays ne saurait être seulement économique, c'est dans tous les domaines que les Français doivent retrouver leurs libertés, ce qui exige aussi le respect d'un état de droit, c'est-à-dire d'une situation où les règles sociales émergeant de l'expérience et du droit naturel sont respectées par tous, et où le pouvoir politique a précisément pour raison d'être et pour mission de faire respecter cet état de droit – et de le respecter lui-même évidemment.
On a souligné à l'envi les applaudissements des entrepreneurs au discours du Premier Ministre. Il est vrai que ceux qui sont harassés d'impôts, de réglementations, victimes d'une idéologie de lutte des classes et de condamnation du profit, désignés à la vindicte populaire comme fauteurs de chômage et de pauvreté, peuvent apprécier qu'un langage nouveau soit enfin entendu, leur rendant hommage pour l'œuvre créatrice qu'ils accomplissent au service de la communauté. Mais, à supposer que les promesses suivent les discours, ce que le Premier Ministre a souhaité, ce n'est pas la révolution libérale, c'est la collaboration entre l'Etat et les entreprises. Le discours n'est pas libéral, il est colbertiste. C'est mieux que le marxisme, mais c'est encore du mercantilisme: l'Etat garant de la richesse nationale en partenariat avec les patrons. Colbert voulait aussi aider les marchands à développer leurs affaires: «Que puis-je faire pour vous?» demande-t-il à la délégation de marchands qu'il avait conviée. Legendre répond: «Laissez-nous faire». Cette anecdote bien connue traduit l'esprit du libéral: les entreprises, comme tous les Français, ont besoin qu'on les laisse créer, épargner, investir, consommer, ils ont besoin aussi qu'on les laisse gérer leur vie privée, leur patrimoine, leur famille et leurs communautés comme ils l'entendent. Tant que cette certitude ne sera pas acquise, il n'y aura pas de retour à la confiance ni à la croissance ni à l'harmonie. C'est du moins l'opinion habituelle du libéral. C'est un vrai défi dans le pays de Colbert et du despotisme."
n
Les mots ont parfois des sens différents.
Le libéralisme, le libéralisme catholique, le matérialisme communiste ont été condamnés par Pie IX dans l’Encyclique « Qui pluribus » du 9 novembre 1846, « Nostis et Nobiscum » du 8 décembre 1849, dans des allocutions « Quibus quantisque » du 20 avril 1849 et « Quanto conficiamur moerore » du 10 août 1863
Le libéralisme économique et politique a été condamné par Léon XIII( « le libéralisme est une des causes du socialisme »), mais surtout par Pie XI dans son encyclique « Quadragesimo anno » qui voit dans le libéralisme « de faux dogmes » et des « postulats trompeurs . Il rejette le noyau philosophique et moral du libéralisme, inacceptable pour le christianisme. La condamnation du libéralisme, du socialisme, du communisme procède de la même vision éthique et religieuse comme « réducteur de la plénitude de l’homme » « le socialisme éducateur a pour père le libéralisme et pour héritier le bolchevisme »
Pour en savoir plus : cf AFS : aide-mémoire sur le libéralisme
http://afs.viabloga.com/cgi-bin/display_index.pl
garcimore
Le poids des mots et le choc des photos selon un certain hebdomadaire.
Dans social démocratie, il n’y a rien de social et rien de démocratique, un mensonge de plus.
En fait, il s’agit d’une oligarchie corrompue et incompétente à tendance totalitaire, c’est prouvé tous les jours par les lois, projets de lois, déclarations des tristes représentants de tous ces guignols.
trophyme
Quel rapport ce lien posté par “n” ???? Corriger rapidement SVP
Jean Theis
Les patrons qui ont applaudi ne sont pas ceux qui sont écrasés d’impôts mais les directeurs du CAC 40 lesquels sont de hauts fonctionnaires et ne prennent pas de risques.
Emmanuelle
Excellent texte, qui montre au passage l’aberration du discours de Lamassoure (cf l’interview rapporté ce jour par le salon beige), selon lequel le problème de Nicolas Sarkozy va être de trouver le moyen de se démarquer de Valls!!!! Le texte de Garello montre au contraire toutes les raisons qu’il va avoir de porter contre Hollande et Valls une critique radicale, en réalité, au fond des choses, morale, car il y a dans le pouvoir en place un irrespect de la nature et donc de la liberté de l’homme. Quoi de plus grave à la tête de l’Etat? L’UMP, pour l’instant, n’a pas eu le courage ou la profondeur de vue suffisantes pour le dire avec la force et la clarté voulues. Le renouveau de l’UMP, avec Sarkozy, sera de savoir et de vouloir enfin le dire radicalement.
Bernard Mitjavile
Très bon texte qui définit bien le libéralisme avec sa dimension éthique. Le seul problème, c’est que ce mot a été utilisé dans les milieux anglo-saxons dans un autre sens associé à un scepticisme vis à vis de l’idée de loi divine ou d’autres valeurs chrétiennes ce qui crée des confusions. Ainsi les “liberals” aux USA sont plutôt à gauche, souvent des “Democrats” qui ne défendent pas les valeurs chrétiennes ou familiales. Aussi, quand on parle de libéralisme en France, il est bon de dire que l’on se réfère à toute une tradition partant de Montesquieu et Tocqueville qui va de pair avec le respect de la cellule familiale, de la liberté de conscience et donc religieuse, de la propriété et de sérieux garde fous concernant le rôle de l’Etat dans l’économie, l’éducation ou la culture.
Rex
Très bon texte qui ridiculise les adorateurs de ce livre inepte que trop de catholiques prennent pour un dogme, écrit par un ignorant espagnol et intitulé ”Le libéralisme est un péché”.
Je suis en train de le relire et quand je vois la liberté d’association (celle supprimée précisément par la Révolution Française -Lois Le Chapelier et d’Allarde) être rangée par ce religieux dans les méfaits du libéralisme, je mesure quel degré d’arriération et de paresse intellectuelle régit encore la pensée politique de tant de catholiques de droite, ou tradis ou conservateurs, qui sont finalement en ce sens plus proches de la gauche catholique progressiste (elle aussi anti libérale, elle aussi étatiste et redistributrice) qu’ils ne le pensent. La troisième voie entre socialisme et libéralisme c’est en effet la social démocratie ou la technocratie gaullienne : rien de libéral, mais surtout rien de la DSE, et tout à gauche.
Ce texte est à rapprocher du dernier éditorial de M. l’Abbé de Tanouarn dans son Métablog -citation :
“Par ailleurs je suis vraiment d’accord avec Vatican II, insistant sur la notion d’autonomie du politique. C’était d’ailleurs autrefois (dans les années 20 et 30) la position de Charles Maurras, qui lui avait été reprochée et par le pape Pie XI (pape autoritaire s’il en fut sorte de Boniface VIII des temps modernes, mais tellement intelligent…) et par Jacques Maritain dans les volumes anonymes publiés à l’époque (Clairvoyance de Rome et un autre qui devait s’appeler – de mémoire – Sous le joug de l’obéissance [à Rome bien sûr]).
Qu’est-ce que l’autonomie du politique ? C’est l’idée qu’il existe un bien spécifiquement politique, non pas contraire à la morale mais cependant qui n’est pas de nature morale… Saint Thomas, dans la IaIIae, définissait le bien commun politique comme pacificus status civitatis. L’Etat tranquille de la Cité. En quoi il se révélait très proche de la gouvernance médiévale en général et capétienne en particulier : le roi rend la justice, il est là pour apaiser les conflits entre les petits et les grands, mais pas pour imposer l’enseignement de l’Eglise par le glaive du temporel. Les règles de la paix sociale dépendent chaque fois d’un contexte différent et d’une connaissance de la chose politique que l’homme d’Eglise n’a pas.
La politique est donc bien un domaine au sein duquel le Pouvoir spirituel qui est l’Eglise ne peut pas s’immiscer. Pourtant il appartient au Pasteur – et ce n’est pas facultatif pour lui – de connaître le terrain dans lequel il mène paître ses ouailles.”
Voilà qui réduit à néant le sinistre et imbécile ”Libéralisme est un péché” que l’on nous serine sans l’avoir lu. Il ya des livres dont le titre devient un slogan ronflant et creux, sans que personne ne réfléchisse jamais plus au contenu.
Rappel : quand on dit ”Le libéralisme est un péché”, il faut hocher la tête d’un air convenu, avec un geste définitif de la main et du menton. Cela dispense de justifier cette affirmation grotesque et d’en vérifier la pertinence : mais quand on l’a dite ainsi, on se donne un air moral et doctrinal du plus bel effet. Cela impressionne et chacun acquiesce : ”un péché, si, si, un péché” Le ci-devant libéralisme est ainsi condamné sur une apparence de culpabilité.
A quand un débat entre catholiques de la DSE et libéraux autrichiens ou issus de Tocqueville et Bastiat. Voire de HOPPE, libéral monarchiste……..
DUPORT
La libération ne passe par aucun parti ni aucun mouvement.
Elle ne viendra qu’avec la libération de la vérité et la pénalisation forte du mensonge.
Toute cette société étouffe sous une chape de mensonges et de menteurs.
La vérité n’est défendue nulle part et le mensonge prolifère en toute impunité.
SEULE LA VÉRITÉ NOUS RENDRA LIBRE !!!!!!!!!!!!!!
On est catholique ou on ne l’est pas…
Emmanuel
Remarquable et passionante intervention du professeur Jacques Garello.
@ Rex. Merci de votre très intéressant commentaire. J’étais sur le point de répliquer au premier commentaire déposé par “n” et vous avez dit ce qu’il fallait. Bien que beaucoup d’autres choses pourraient être dites encore. Ce qui renvoit à votre dernier paragraphe. Justement, les catholiques “de la DSE” peuvent parfaitement être tout autant des catholiques libéraux autrichiens, ou classiques.
Grand sujet et honneur au SB de ne pas esquiver un sujet d’une telle importance.
MagikBus
Aider les petites et moyennes entreprises par l’Etat est une excellente idée à condition que ce ne soit pas une ènième mascarade pour en réalité octroyer des privilèges indus principalement aux multinationales milliardissimes !
Or le pacte de stabilité est une cynique imposture gochiste ultra-libérale qui ne profite qu’aux riches multinationales sans frontières qui ne paient déjà pas leur part équitable d’impots ….
La sociale démocratie semble l’ultime hypocrisie au service des milliardaires tout en prétendant qu’on fait tout ca pour une quelconque justice envers le petit patronat qui lui est saigné par les taxes et impots sans paradis fiscaux .
Le rentier rothschildien multi-millionnaire Macron ne paie pas d’impot mais fait sa moraline sur les francais “trop” payés pour leur vrai travail ! C’est cela la goche caviar !