Professeur de science politique à l’Université de Bordeaux et spécialiste de la sociologie du catholicisme, Yann Raison du Cleuziou analyse dans Ouest France la tendance des jeunes catholiques à se tourner vers le traditionalisme. Extrait :
« L’enquête de La Croix sur les jeunes qui ont participé aux JMJ de 2023 montre que la pratique de la messe en latin s’est banalisée dans cette génération : 38 % trouvent cette expérience positive pour leur vie de foi, même si seulement 8 % estiment que c’est leur liturgie préférée. Les jeunes sont en recherche d’expériences religieuses intenses et une messe paroissiale classique peut leur sembler superficielle ».
Les jeunes traditionalistes sont-ils plus visibles qu’ils ne l’étaient ?
« Cette tendance est renforcée par un effet de perpétuation : les catholiques pratiquants qui ont une sensibilité religieuse conservatrice, voire traditionaliste, ont plus de succès dans la transmission de la foi à leurs enfants que les autres sensibilités du catholicisme. Ces courants gagnent donc en visibilité parmi les jeunes catholiques restants ».
Ceux qui s’engagent vers la prêtrise sont-ils plus facilement tentés par le port de la soutane que la génération précédente ?
« En raison même de l’effet de transmission, le profil des jeunes qui veulent devenir prêtre est souvent lié à des familles plus conservatrices. L’enquête de La Croix (décembre 2023) sur les séminaristes montre que 48 % portent la soutane habituellement et 25 % occasionnellement. C’est une pratique banale et ce serait une erreur d’interprétation d’y voir un retour du passé ».
La soutane serait donc un signe du présent plus que du passé ?
« C’est une expression caractéristique de la culture contemporaine : les jeunes juifs portent plus souvent la kippa que leurs parents, les jeunes musulmanes plus souvent le voile que leur mère. Ce sont des manifestations d’un refus de l’effacement du religieux dans une société toujours plus sécularisée. Le recul du religieux est la tendance dominante, ne l’oublions pas ».
La pratique religieuse a-t-elle tendance à se décomplexer et à s’afficher plus facilement dans la rue, lors de processions comme celles d’autrefois ?
« Oui, souvent les jeunes prêtres et catholiques aiment restaurer la dimension publique du culte en processionnant dans la rue ou en restaurant des calvaires. Cela correspond à l’idée qu’il faut assumer publiquement sa foi, mais aussi rappeler aux Français leur passé catholique, voire réveiller leur curiosité pour cette dimension négligée de leur culture collective ».
Les jeunes catholiques qui seraient plus attachés à la tradition couplent-ils parfois cette pratique religieuse avec un engagement politique à l’extrême droite ?
« Marine Le Pen est arrivée au second tour des deux dernières élections présidentielles. L’attirance pour l’extrême-droite traverse donc tous les électorats de droite, les catholiques compris. Mais à la dernière présidentielle, ce qui distingue certains jeunes catholiques de droite, souvent proches du traditionalisme, c’est qu’ils ont choisi Éric Zemmour plutôt que Marine Le Pen. En effet, celui-ci accorde une grande importance au catholicisme pour définir l’identité française, alors que Marine Le Pen insiste plus sur la laïcité. Dans l’enquête de La Croix sur les inscrits aux JMJ, 38% se disent de droite et seulement 15% d’extrême-droite. Il ne faut donc pas confondre la partie avec le tout ».
Trophyme
Très bon article : questions pertinentes, réponses claires et concises.
philippe paternot
les imams sont en kamis, les popes en habit noir et chapeau, les bouddhistes en toge orangée, seuls les chrétiens refusent un uniforme qui les distingueraient dans la rue, quelle idiotie