D’Aurelio Porfiri, éditeur et écrivain catholique italien, pour le Salon beige:
L’Église catholique a toujours accordé une grande importance aux rites liturgiques autres que le rite romain. En effet, lorsque ces rites sont célébrés avec le respect et la dignité qui leur sont dus, nous pouvons véritablement reconnaître la splendeur propre à la liturgie, lorsqu’elle n’est pas réduite à un fonctionnalisme pur et insensé. Le pape François lui-même a déclaré :
« Dans les Églises orthodoxes, ils ont conservé cette liturgie originelle, si belle. Nous avons un peu perdu le sens de l’adoration. Eux, ils le préservent, ils louent Dieu, ils adorent Dieu, ils chantent, le temps ne compte pas. Le centre, c’est Dieu, et c’est une richesse que je veux souligner à cette occasion » (1).
Cette observation devrait certainement être lue par de nombreux curés qui, s’inspirant du même Pontife, réduisent la liturgie à un contenant pour leurs propres lubies. On pourrait aussi se demander pourquoi aucune action n’est entreprise lorsque cette grande perte est reconnue par le côté catholique, mais ici il semble qu’il n’y ait pas de réponses faciles. Mais nous parlions des rites orientaux. Pie XII s’adressait ainsi aux frères de rite oriental en pensant aux épreuves qu’ils subissaient et au réconfort de la liturgie :
« En particulier, nous souhaitons que tous les prêtres, qui peuvent offrir chaque jour le Sacrifice Eucharistique, se souviennent de ces évêques et prêtres qui, loin de leurs églises et de leurs fidèles, n’ont pas la possibilité de s’approcher de l’autel pour célébrer le divin Sacrifice et se nourrir eux-mêmes ainsi que leurs fidèles de cette nourriture divine, dont nos âmes tirent une douceur qui dépasse tout désir, et reçoivent cette force qui conduit à la victoire. Unis fraternellement entre eux, les fidèles qui participent à la même table et au même sacrifice devraient faire de même, afin que dans toutes les parties de la terre et dans tous les rites, qui constituent l’ornement de l’Église, les voix de ceux qui prient pour implorer la miséricorde divine en faveur de ces communautés chrétiennes affligées s’élèvent unanimement vers Dieu et Sa Mère céleste » (2).
Il est certainement édifiant d’observer comment les papes récents ont toujours respecté les rites orientaux. Mais cette sollicitude a également été démontrée par l’Église dans son passé, avec des savants distingués de ces rites.
L’un de ces savants était Jacques Goar, un dominicain français qui, au XVIIe siècle, s’est consacré à l’étude de ces vénérables liturgies, les a traduites en latin, et a été considéré dès lors comme une autorité en la matière. Parisien, il entra dans l’ordre dominicain en 1619 et fit sa profession en 1620. Il fut autorisé à aller étudier en Grèce, où il entra en contact avec des érudits orthodoxes et put observer et étudier les divers rites, ramenant plusieurs manuscrits. Voici comment son travail est décrit :
« Le travail le plus important de Goar est son ‘Euchologion sive Rituale Graecorum complectens ritus et ordines divinae liturgiae’ (Paris, 1667), une œuvre classique pour l’étude de la liturgie grecque ; il est important pour ses textes originaux et pour ses savants commentaires ; dans la deuxième édition (Venise, 1730), un certain nombre d’erreurs ont été corrigées. Il a également édité ‘Georgii Cedreni, compendium historiarum’ (Paris, 1647) ; ‘Georgius Codinus curopalata, De officiis magnae Ecclesiae et aulae Constantinopolitanae (Paris, 1648) ; ‘Georgii Monachi et S.P.N. Tarasii Chronographia ab Adamo usque ad Diocletianum’ ; ‘Nicephori patriarchae Breviarium chronologicum’ (Paris, 1652) ; ‘Theophanis Chronographia et Leonis grammatici Vitae’ (Paris, 1655). Cette édition de Théophane a été achevée par F. Combefis. Goar a également laissé inachevé (en manuscrit) un ouvrage du canoniste grec Blastares : ‘Collectio elementaris materiarum omnium sacris et divinis canonibus contentarum a Matthaeo Blastare elucubrata simul et compacta’, et un ouvrage de Silvestre Syropoulos. Enfin, nous devons à Goar l”Historia universalis Joannis Zonarae ad manuscripts codices recognita’ (Paris, 1687) ; elle a été poursuivie et complétée par Du Cange » (3).
Ainsi, nous devons à ce grand érudit une partie de ces études qui, au XVIIe siècle et plus tard, nous ont permis d’apprécier le trésor de ces vénérables trésors liturgiques. Cela nous enseigne le grand respect que l’Église a toujours eu pour tous les rites liturgiques légitimement admis et comment ils forment un trésor dont nous pouvons toujours nous enorgueillir. Nous ne pouvons certainement pas éviter de nous interroger, à notre époque, sur la fascination que certaines liturgies orientales exercent sur de nombreux déçus du catholicisme et de sa liturgie renouvelée. Tout en comprenant cette déception, elle ne peut néanmoins justifier la décision de manquer à nos devoirs d’enfants de l’Église, devoirs qui nous donnent également le droit de faire entendre notre voix pour dénoncer la dérive liturgique et doctrinale grave à laquelle nous assistons.
- PAPE FRANÇOIS, Conférence de presse dans l’avion au retour du voyage au Brésil (28 juillet 2013).
- (2) PAPE PIE XII, Encyclique Orientales Ecclesias (15 décembre 1952).
- (3) LECLERCQ, Henri (1909). Jacques Goar. In The Catholic Encyclopedia. New York: Robert Appleton Company. Retrieved October 25, 2021 from New Advent: http://www.newadvent.org/
cathen/06606c.htm
C.B.
“ils ont conservé cette liturgie originelle, si belle. Nous avons un peu perdu le sens de l’adoration. Eux, ils le préservent, ils louent Dieu, ils adorent Dieu, ils chantent, le temps ne compte pas. Le centre, c’est Dieu, et c’est une richesse”
Mais, très Saint Père, ce que vous dites là s’applique parfaitement à la liturgie tridentine!