"Hier, dans un débat avec Daniel Cohn-Bendit, Alain Finkielkraut faisait remarquer que ça avait été « un coup de génie » de Giscard d’Estaing que d’avoir été chercher Simone Veil comme ministre de la Santé pour faire passer la loi (signée Giscard d’Estaing, Chirac, Veil) de légalisation de l’avortement. Finkielkraut ajoutait qu’avec Françoise Giroud, à laquelle on avait pensé aussi, la loi n’aurait eu aucune chance de passer. En effet, une bonne partie de la droite qui vota la loi, avec le renfort de la gauche, était tétanisée à la perspective de s’opposer à une femme qui était en quelque sorte devenue intouchable et irréfutable, héroïcisée par l’immense tragédie dans l’enfer nazi d’Auschwitz où ses parents avaient été parmi tant d’autres assassinés et à laquelle elle avait survécu.
Simone Veil elle-même raconta dans ses souvenirs que si l’épiscopat français s’était unanimement dressé contre la loi qu’elle avait pour mission de rapporter devant la chambre, jamais celle-ci ne serait passée.
De la même manière mais inversement on peut penser que, bien que rescapée de l’abomination nazie, c’est parce qu’elle a été la grande actrice de la loi sur l’avortement que Simone Veil est entrée hier au Panthéon et son mari Antoine Veil avec elle. D’autres rescapés héroïques des camps de la mort ne rentreront pas en effet dans ce Panthéon. La vérité, la triste vérité, c’est que la tragédie et l’héroïsme de Simone Veil dans sa lutte victorieuse pour la vie dans un camp de la mort furent politiciennement instrumentalisés pour la première de nos grandes lois de la culture de mort. Et ajoutons que nos grands décideurs, Giscard et Chirac, et leurs instigateurs, au premier chef le concepteur de la loi, le docteur Simon, ne pouvaient ignorer alors que les quelques « garde-fous » que Simone Veil avait voulu placer dans le texte qu’elle défendait, ne tiendraient pas très longtemps devant une praxis bien vite plus mortifère encore. […]"