Dans une tribune publiée par Le Figaro, François-Xavier Bellamy dénonce le passe sanitaire, restreignant nos libertés. Extrait :
Depuis l’apparition du coronavirus, nous sommes passés par bien des expériences inédites, et nous avons vu vaciller, de confinement en couvre-feu, la rassurante et illusoire évidence de nos libertés publiques. Mais il ne faut pas se méprendre : la vraie rupture historique pour notre modèle de société date de lundi dernier, avec les mesures annoncées par le président de la République. Si nous nous sommes opposés, il y a plusieurs mois déjà, à la création du pass sanitaire par le Parlement européen et le Parlement français, c’est parce que nous refusons absolument le monde qui se dessine sous nos yeux.
[…] Ce que nous n’acceptons pas, et n’accepterons jamais, c’est la transformation de nos vies quotidiennes, de nos relations humaines, de notre modèle de société, qui s’accomplira de manière certaine et potentiellement irréversible par la mise en oeuvre du pass sanitaire. Pour la première fois dans notre histoire, il faudra présenter un document de santé pour effectuer les actes les plus simples du quotidien – prendre un train, entrer dans un magasin, aller au théâtre… L’accès à un espace public sera différencié selon nos données de santé. Comment une telle révolution peut-elle s’opérer avec une justification si faible, sans vrai débat parlementaire, et en caricaturant tous ceux qui osent s’en inquiéter ? Rappelons pourtant combien ces contraintes inédites paraissaient inimaginables il y a encore quelques mois : quand certains redoutaient que le vaccin puisse devenir le critère d’une existence à deux vitesses, on les traitait de complotistes. Lorsque le pass sanitaire a été créé, le gouvernement jurait que jamais il ne conditionnerait l’accès à des actes quotidiens – seulement à des événements exceptionnels réunissant des milliers de personnes. C’est d’ailleurs à cette condition explicite qu’un tel dispositif avait été accepté par les autorités administratives compétentes pour la protection des libertés ou des données privées. Le fait que l’État méprise à ce point la parole donnée, sur des sujets aussi graves et en un temps aussi court, a de quoi inquiéter n’importe quel Français sur l’avenir de la liberté.
Car c’est bien tout notre modèle de société qui est aujourd’hui menacé. Si le gouvernement a la certitude que la vaccination générale est absolument indispensable, alors il devrait en tirer toutes les conséquences, et la rendre obligatoire. Nous ne pensons pas cela ; mais ce serait au moins, du point de vue démocratique, une décision plus loyale que l’hypocrisie de cette contrainte déguisée. Ce serait surtout éviter de basculer dans ce nouveau monde où l’État contraindra chaque citoyen à contrôler son prochain pour déterminer ses droits. Le serveur d’un bistrot sera sommé de vérifier la vaccination et la pièce d’identité d’un client pour pouvoir servir un café ; les mariés devront demander un QR Code à leurs invités avant de les laisser entrer… Et la police viendra sanctionner ceux qui n’auront pas participé efficacement à ce contrôle permanent. Qui peut prétendre qu’un tel dispositif permet de « retrouver la liberté » ? Il constitue au contraire un précédent redoutable en matière de contrôle permanent et de droits différenciés, en particulier au regard des enjeux majeurs touchant la santé et la bioéthique dans les années qui viendront. Ne pensez surtout pas que, parce que vous êtes vacciné, vous aurez « une vie normale » : quand on doit présenter dix fois par jour un document de santé et sa carte d’identité, pour acheter une baguette ou faire du sport, on n’a pas retrouvé la liberté. Quand chacun doit devenir le surveillant de tous les autres, on n’a pas « une vie normale » .
On nous dira qu’il faut choisir entre le pass sanitaire et le confinement généralisé : mais ce chantage est absurde. Dès lors que les plus vulnérables sont vaccinés, il n’y a aucune raison de revenir au confinement, aucune raison en particulier de fermer les amphis et d’enfermer les adolescents. Nous n’avons pas à choisir entre deux manières inutiles et dangereuses d’abandonner la liberté. […]