La conquête de Perpignan par Louis Aliot ne se singularise pas seulement par la taille de la cité (121.681 habitant·es). En effet, la victoire en duel (contre le maire sortant Jean‑Marc Pujol, Les Républicains) au second tour est exceptionnelle pour le Rassemblement National (RN): en 2014 seul Cogolin (Var) avait ainsi été prise, là aussi contre une liste de droite.
En 2014 déjà, la liste menée par Louis Aliot avait connu des succès notables au sein de quartiers perpignanais bourgeois. Dans le bureau de vote n°52, quartier des villas avec piscines sécurisées du Mas LLaro situé à l’extrémité orientale de la ville, très huppé et sans mixité ethnique ou sociale, son score était de 50,6%.
Pour peu qu’un autre trait sociologique polarise le vote à droite, le résultat pouvait être encore plus important: dans le quartier résidentiel de Las Cobas le bureau de vote n°48 comptant 10,6% de pieds-noirs sur sa liste électorale (selon les dates et lieux de naissance) votait Aliot à 55,4%, tandis que leurs homologues plus modestes du quartier du Moulin à Vent votaient lepéniste moins puissamment.
Un discours libéral séduisant
Le croisement du fichier d’adhérent·es du FN, du prix au mètre carré dans les bureaux de vote et des scores comparés de Marine Le Pen et de Louis Aliot éclaire un point particulier:
Scores comparés Marine Le Pen et Louis Aliot. | Nicolas Lebourg
S’impose l’évidence d’une plus-value locale de Louis Aliot, plus-value qu’en 2020 encore ses adversaires Jean‑Marc Pujol et Romain Grau (LREM) n’ont cessé de nier tout au long de la campagne.
Les classes moyennes déclassées fournissent le gros des militant·es et ont bien un effet de normalisation de la présence du parti: son score s’y avère corrélé. Cependant dans la catégorie la plus aisée, les choses divergent: si le bureau 52 ne compte aucun militant, l’aliotisme y a bien une solide base, quoiqu’avec une moindre marge de progression que dans la classe moyenne.
Le coût en capital social d’une implication directe pour le FN (par l’encartement) était encore trop élevé, ce qui n’empêchait pas d’en partager ses vues.
En 2020, en investissant des notables de droite, en mettant en avant les thèmes de la sécurité et de la prospérité à retrouver, en tenant un discours libéral bien loin de celui de Marine Le Pen, Louis Aliot a raflé la mise en parvenant à allier les classes populaires et les classes aisées.
Un nouveau champion
En somme, la liste et la campagne de notabilisation de Louis Aliot ont joué chez les CSP+ le rôle détenu par les militant·es dans les milieux moins fortunés. Cette accommodation ne correspond pas seulement à celle du parti, comme en témoigne l’évolution des pourcentages électoraux accordés par le Mas Llaro (bureau 711, après le redécoupage des bureaux de vote):
Evolution des pourcentages électoraux. | Nicolas Lebourg
Cet électorat filloniste, qui avait largement plébiscité Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle, a conservé sa confiance à LREM aux Européennes, mais est revenu en 2020 à son positionnement pro-Aliot.
On a ici une droite de l’ordre, qui se cherche un champion. Elle ne considère pas le programme du RN comme crédible, car trop anti-business, mais voit néanmoins dans Louis Aliot l’offre politique assurant conservatisme culturel, ordre sécuritaire et ethnique, et libéralisme économique.
C’est une fusion des droites qui s’opère et qui démontre comment le ralliement de trois colistiers de la liste Romain Grau à Louis Aliot, dans l’entre-deux-tours, n’est pas qu’une question de personnes, mais correspond à la rencontre d’une offre politique et d’une demande sociale. […]
Le vote RN ne s’est pas construit dans les quartiers populaires par conséquent de la société multiculturelle, mais autour d’eux, avec des sommets dans des zones aisées, contre la société multiethnique estimée responsable du gaspillage financier et de l’insécurité, tandis que l’épuisement du système clientéliste a désaffilié les zones populaires et a empêché la surmobilisation d’opérer cette fois-ci. […]
Il y a bien eu à Perpignan une fusion des droites idéologiquement, sociologiquement, et électoralement. La rencontre des classes populaires locales et des classes aisées métropolitaines construit un bloc social qui devrait peser dans le futur proche du Rassemblement national, puisqu’aux précédentes élections départementales et régionales il avait obtenu d’excellents scores au premier tour par captation des voix populaires, mais avait été incapable d’attirer au-delà pour obtenir la majorité au second tour. La victoire à Perpignan n’est pas un accident, et la possibilité d’une ligne désenclavant le RN est posée.
Loulou
Un article en écriture « inclusive » sur le Salon Beige ? Les bras m’en tombent… quelle déception ! Voilà une journée qui commence bien mal.
Michel Janva
Article de Nicolas Lebourg
Collapsus
Peut-être lui dire aimablement qu’il y a des choses qui ne se font pas au SB. Sinon où va-t-on ?
Michel Janva
Analyse publiée dans The Conversation. Je n’allais pas tout corriger
lavergne21
Ceci est un message à la droite “la plus bête du monde” ( voir Marseille, Carpentras…et la liste est longue).
F. JACQUEL
Une fusion est-elle vraiment nécessaire ? En 1981, l’UNION de la gauche est arrivée au pouvoir, formée du PS, du PC”F” et du MRG.
Une fusion implique la disparition d’un ou plusieurs alliés au profit d’un tiers hégémonique. L’alliance signifie le partage d’idées communes sur un “programme commun” dans lequel chaque allié conserve ses spécificités tout en privilégiant les points communs par rapport à ces spécificités.
Ce que la “droite”, bête à bouffer du foin (je demande pardon au monde herbivore), n’a pas compris, c’est qu’elle ne va pas disparaître si elle s’allie au RN.
Au contraire, si elle parvient à reprendre le pouvoir central et à mener une vraie politique de droite (et non une politique de gauche déguisée pour complaire de façon masochiste à l’opposition), elle pourrait tirer la France des abysses où elle s’enfonce par jouissance ou lassitude depuis près de 40 ans.
Ce qui est d’ailleurs symptomatique, c’est que sous un gouvernement de droite, il y a la majorité face à la gauche. Dans le cas contraire, c’est la gauche qui fait face à l’opposition. Celle-ci a tellement peur d’être accusée de regarder à sa droite (qui est en fait sa gauche dans l’hémicycle) qu’elle n’ose même plus se dire de droite.
Collapsus
L’avantage d’une fusion, c’est qu’elle se trouve sous la bannière d’un seul chef qui sera son candidat aux présidentielles. C’est ainsi qu’elle peut réellement conquérir le pouvoir. Bien-sûr c’est inenvisageable aujourd’hui tant que la fausse droite louchera vers la gauche.
L’alliance ne représente que des accords locaux à des élections législatives ou mineures et sera confrontée tôt ou tard à la concurrence des deux chefs pour la présidentielle, avec tout ce que cela peut représenter comme risques de conflits propres à la concurrence.
L’idéal serait une 3° formation qui fasse passerelle et phagocyte les deux précédentes, mais cela demande beaucoup de temps et c’est ce qui va manquer pour 2022.
sivolc
Il faut supprimer les partis politiques comme l’avait bien vu Simone Weil dans sa note du siècle dernier. Ce sont eux qui font obstacle à la convergence des idées en vue du bien commun de la société car ils finissent par faire passer leur intérêt propre avant le bien commun. Le succès de Louis Aliot le démontre, comme l’avait déjà démontré celui du R. Ménard à Béziers, et, a contrario les échecs de Carpentras, Marseille et autres lieux.