Interrogé dans L’Homme Nouveau, qui consacre son numéro à la franc-maçonnerie, Serge Abad-Gallardo, ancien franc-maçon, évoque la vocation luciférienne du combat maçonnique :
[…] En premier, la lutte contre l’Église peut être mise en parallèle avec la révolte de Lucifer contre Dieu. D’autant que dans un précédent ouvrage, Je servais Lucifer sans le savoir (Téqui, 2016), j’évoque des textes de doctrine de référence dont j’ai eu connaissance lorsque j’appartenais à une loge. Ces textes glorifient le Serpent de la Genèse. La doctrine maçonnique décrit un Dieu oppressant Adam et Ève et leur propose la libération par l’arbre de la Connaissance, avec l’aide du Serpent-Satan. On y retrouve toute la recherche fondamentale de la franc-maçonnerie, à travers le chemin initiatique : la connaissance ! Leurs yeux s’ouvrent peu à peu, obtenant, par leur désobéissance, la connaissance du bien et du mal et des secrets de l’Univers.
Au 30e degré, le rituel maçonnique considère d’ailleurs le titulaire (dénommé Chevalier Kadosh) comme étant un dieu, capable de définir lui-même la nature du bien et du mal. Il acquiert déjà cette faculté à partir du 28e degré grâce aux sept vérités gnostiques. Lucifer est la figure de la désobéissance. Il est l’ange se voulant égal de Dieu. L’orgueil et l’autonomie sont les ingrédients du cheminement maçonnique dès le 3e degré. Pour Oswald Wirth, personne n’est au-dessus du maître, lui seul décide de la morale. La plupart des membres des loges n’ont pas conscience de cet aspect car, comme l’expliquait Albert Pike (1809-1891), éminent dignitaire franc-maçon américain, les symboles sont expliqués de manière à ce qu’ils pensent les comprendre sans vraiment le pouvoir. Seuls les Adeptes et les Princes (membres des plus Hauts Grades) ont cette connaissance. Les initiés ont un accès à la philosophie ésotérique, par nature protégée du regard des profanes. Le secret favorise l’action politique. La contestation directe et franche est ainsi évitée, de même que la contradiction. Les initiations maçonniques sont accomplies dans un secret consubstantiel au procédé initiatique. Cependant, j’aurais tendance à dire que c’est un prétexte. Le secret d’appartenance permet en réalité de faire progresser les idéaux ésotériques sans alerter les citoyens, et pour les individus de pratiquer une entraide entre initiés. L’ignorance des valeurs maçonniques d’un candidat se présentant sous une certaine étiquette politique lui permet ainsi d’être élu sans aucun soupçon de la part des électeurs. Car il est indiscutable que les hommes politiques francs-maçons introduisent l’idéologie maçonnique dans les lois. […]