Mgr Schneider examine, dans un texte passionnant, le Motu proprio Spiritus Domini, qui vient ainsi modifier le code de droit canonique en institutionnalisant l’accès des femmes aux « ministères de la Parole et à l’autel ». Extrait de la traduction de Jeanne Smits :
[…] Déjà au IIe siècle, la fonction distincte du lecteur se retrouve dans les célébrations liturgiques en tant que catégorie stable de ministres de la liturgie, comme en témoigne Tertullien (cf. Praescr. 41). Avant Tertullien, saint Justin mentionne ceux qui ont l’office de lire la Sainte Écriture au cours de la liturgie eucharistique (cf. 1 Ap 67, 3). Déjà au IIIe siècle, dans l’Église romaine, tous les ordres mineurs et majeurs de la tradition postérieure de l’Église existaient, comme en témoigne une lettre du pape Corneille de l’année 251 : « Dans l’Église romaine, il y a quarante-six presbytres, sept diacres, sept sous-diacres, quarante-deux acolytes, cinquante-deux exorcistes, des conférenciers et des porteurs » (Eusèbe de Césarée, Histoire ecclésiastique, VI, 43, 11).
Il faut tenir compte du fait que cette structure hiérarchique avec ses différents degrés ne pouvait pas être une innovation, mais reflétait une tradition, puisque trois ans plus tard, le pape Étienne Ier écrivait à saint Cyprien de Carthage que dans l’Église romaine il n’y a pas d’innovations, formulant la célèbre expression : « nihil innovetur nisi quod traditum est » (in Cyprian, Ep. 74). Eusèbe de Césarée décrivait par ces mots l’attitude du pape Étienne Ier, qui a certainement aussi caractérisé ses prédécesseurs, les Pontifes romains : « Stephanus nihil adversus traditionem, quae iam inde ab ultimis temporibus obtinuerat, innovandum ratus est » (Etienne a décidé de ne pas approuver les innovations contraires à la tradition, qu’il a reçues des temps plus anciens) (Histoire Ecclésiastique, VII, 3:1).
Dans un domaine aussi important que celui de la structure hiérarchique, l’existence des cinq degrés de ministres inférieurs au diaconat ne pouvait, au milieu du troisième siècle, être une innovation contre la tradition. L’existence pacifique de ces degrés inférieurs au diaconat présupposait donc une tradition plus ou moins longue et devait remonter dans l’Église romaine au moins au deuxième siècle, c’est-à-dire à l’époque post-apostolique immédiate. Selon le témoignage de tous les documents liturgiques ainsi que celui des Pères de l’Église à partir du deuxième siècle, le lecteur et ensuite aussi les autres ministères liturgiques inférieurs (portier, exorciste, acolyte, sous-diacre) appartenaient au clergé et la fonction leur était conférée par une ordination, fût-elle sans imposition des mains. L’Église orientale utilisait et utilise encore deux expressions différentes. Pour les ordinations sacramentelles de l’épiscopat, du presbytère et du diaconat, le mot cheirotenia est utilisé, tandis que pour les ordinations des clercs mineurs (sous-diacres, acolytes, lecteurs), le mot cheirotesia est utilisé. Afin de désigner que les fonctions des ministres inférieurs au diacre sont, d’une certaine manière, contenues dans le ministère du diacre lui-même et proviennent de celui-ci, l’Église a également attribué aux ministres liturgiques inférieurs le terme ordo, le même terme avec lequel sont désignés les ministres hiérarchiques de l’ordre sacramentel, avec cependant la spécification « ordres mineurs » pour les distinguer des trois « ordres majeurs » (diaconat, presbytère, épiscopat) qui ont un caractère sacramentel. […]