"Dans une affaire Wunderlich c. Allemagne (n°18925/15), la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) est appelée à juger l’Allemagne pour avoir retiré des enfants de la garde de leurs parents au motif que ceux-ci souhaitaient assurer eux-mêmes l’instruction de leurs enfants à domicile, ce qui est interdit dans ce pays.
L’ECLJ a été autorisé par la Cour à intervenir dans cette affaire et à lui soumettre des observations écrites.
L’Allemagne, avec la Turquie, est l’un des rares pays européens à interdire absolument le préceptorat ou l’éducation à domicile. Cette interdiction absolue a été précédemment admise par la CEDH notamment dans la décision Konrad c. Allemagne du 11 septembre 2006 (n° 35504/03), introduite par une famille chrétienne voulant élever ses enfants à la maison. La Cour avait alors posé une interprétation très étatiste du droit à l’éducation en jugeant « conforme à sa propre jurisprudence sur l’importance du pluralisme pour la démocratie » le fait d’imposer une scolarisation collective et d’interdire l’éducation à domicile en raison de « l’intérêt général de la société d’éviter l’émergence de sociétés parallèles basées sur des convictions philosophiques différentes, et [de] l’importance d’intégrer les minorités dans la société. »
Les faits de la présente affaire sont plus graves que dans l’affaire Konrad, car les enfants ont été physiquement retirés de la garde de leurs parents. À l’origine de la présente affaire est le choix de parents allemands, Dirk et Petra Wunderlich qui, de retour en Allemagne après avoir vécu dans plusieurs pays européens, ont souhaité continuer d’instruire à domicile leurs quatre jeunes enfants. Sachant que l’instruction à domicile est interdite en Allemagne depuis une loi de 1918, ils ont sollicité un entretien auprès de l’autorité scolaire pour obtenir leur accord. Le bureau de l’aide sociale, de la protection de la jeunesse et de l’assistance aux familles (Jugendamt) a refusé de recevoir la famille et a immédiatement introduit une action en justice contre les parents pour « mise en danger des enfants ». Peu après, sur décision de justice, les parents se sont vu retirer leurs droits parentaux. Craignant que les parents « fuient » avec leurs enfants en France, pays où l’éducation à domicile est permise, les autorités allemandes, par l’intervention d’une trentaine de policiers et de sept membres des services sociaux, vinrent au domicile des Wunderlich, retirèrent physiquement les enfants et les placèrent dans un foyer le 29 août 2013.
Les parents Wunderlich n’ont pu retrouver l’exercice de leurs droits parentaux qu’après une longue et difficile procédure de plus de trois ans. Les enfants furent séparés de leurs parents pendant près d’un mois. Il s’est avéré que les enfants n’étaient nullement en danger, qu’ils étaient bien instruits et équilibrés.
Le 14 avril 2015, la famille Wunderlich a alors saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour se plaindre notamment de la violation de leur vie privée et familiale (article 8) ainsi que du droit des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques (article 2 du 1er protocole).
Le Centre européen pour le droit et la justice intervient dans cette affaire au soutien de la responsabilité naturelle et première des parents d’assurer l’éducation et l’enseignement de leurs enfants
Dans ses observations, l’ECLJ rappelle que les parents ont la responsabilité naturelle de leurs enfants, ce qui leur confère un droit prioritaire par rapport à l’Etat d’assurer leur éducation et enseignement conformément à leurs convictions. Ce sont bien les parents qui engendrent leurs enfants et qui sont à ce titre les premiers responsables de l’éducation et du bien-être de leurs enfants. L’État doit les assister dans cette mission et veiller à ce que les enfants ne soient pas privés d’instruction. Le cas échéant, il doit alors suppléer aux carences des parents. […]"