Information de Bruno Larebière :
Ministre de la Santé et de la Famille sous Jacques Chirac de 1986 à 1988, Michèle Barzach pourrait bien être entendue dans le cadre de l’enquête ouverte à l’encontre de l’écrivain pédophile : médecin gynécologue, elle n’était pas regardante pour prescrire la pilule aux conquêtes mineures de Gabriel Matzneff.
Du début des années 1970 jusqu’à son entrée au gouvernement, Michèle Barzach exerce comme gynécologue dans le XVearrondissement de Paris. […]
Depuis la loi Neuwirth (1973), la vente de produits contraceptifs est autorisée mais leur délivrance aux mineures restera soumise à autorisation parentale jusqu’en 1974, date à laquelle la ministre de la Santé Simone Veil lèvera cette obligation et accordera aux mineures le droit à l’anonymat. Or les policiers de l’Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP), agissant dans le cadre de l’enquête ouverte par le parquet de Paris à la suite des accusations portées contre Gabriel Matzneff par l’éditrice Vanessa Springora dans le livre Le Consentement (Grasset), sont tombés à plusieurs reprises sur le nom de Michèle Barzach à une époque où, si on en croit ce qu’il a écrit, elle était le témoin privilégié, pour ne pas la complice, de ses agissements.
[…] Le 11 août 1973, veille de son 37e anniversaire, il tombe, au quartier Latin, sur une vieille connaissance – enfin, vieille, façon de parler –, « accompagnée d’une jolie adolescente de quinze ans, sa fille, Francesca » : « Cette rencontre m’émeut et me trouble. » Quatre jours plus tard, il dîne chez elles. « Je suis sous le charme de cette céleste de quinze ans », écrit-il, ajoutant ceci, qui en dit beaucoup sur la véritable nature de ses attirances : « Je lui trouve une ressemblance avec Erik Pyrieff, le gamin qui joue le rôle d’Ivan enfant dans la deuxième partie d’Ivan le Terrible d’Eisenstein : visage ovale, grands yeux de velours, nez fin, lèvres gonflées, sensuelles. » Quand le film a été tourné, Pyrieff (ou Pyriev) avait treize ans…
Quoi qu’il en soit, et qui relève de la psychanalyse, Francesca passe bientôt de la table maternelle au lit de Matzneff. Mais si elle tombe enceinte ? Si elle était déjà tombée enceinte ? Nous sommes le 9 novembre et Matzneff s’en inquiète : « J’achète un truc à la pharmacie pour savoir si on attend un bébé ou non. Francesca sèche l’école, vient chez moi faire le test. Ouf ! c’est négatif. Toutefois, il faut que nous trouvions un gynécologue qui accepte de lui prescrire la pilule sans prévenir sa mère. Si nous tombons sur un médecin réac, hyper-catho, c’est fichu. »
Oui mais où et comment dénicher ce toubib pas bégueule ? Pour Matzneff, qui fréquente le Tout-Paris, quatre jours vont suffire pour trouver la perle rare et obtenir un rendez-vous. Il a fallu une entremetteuse, il en donne le nom : Juliette Boisriveaud. Aujourd’hui, il faut avoir été féministe dans les années 1970 pour savoir de qui il s’agit. En novembre 1973, lorsque Gabriel Matzneff fait appel à son carnet d’adresses, Juliette Boisriveaud a 41 ans « et un CV déjà long comme le combat des femmes vers l’émancipation », dixit Libération, et, journaliste à Paris Match, elle travaille au lancement, le mois suivant, du journal dont elle va être la rédactrice en chef, Cosmopolitan.
A la date du 13 novembre 1973, Matzneff peut ainsi écrire : « Je crois qu’aujourd’hui, chez la gynéco, Francesca a pris la pleine mesure de mon amour, qu’elle a éprouvé que je me sens responsable d’elle, que je l’aime vraiment, et pas qu’au lit. C’est grâce à Juliette Boisriveaud que nous avons eu ce rendez-vous chez le docteur Michèle Barzach. Nous y sommes allés avec la crainte d’être critiqués, sermonnés, aussi avons-nous été très agréablement surpris. Michèle Barzach est une jeune femme douce, jolie, attentive, qui à aucun moment n’a cru devoir faire la morale à ce monsieur de trente-sept ans et à sa maîtresse de quinze. Elle a, je pense, tout de suite compris que nous formons un vrai couple, que nous nous aimons. »
Nous avons vérifié : la Michèle Barzach qui est désignée à la page 378 d’Elie et Phaéton par Matzneff n’est pas un homonyme. Juliette Boisriveaud et Michèle Barzach étaient amies. Et du même camp. La première a publié des textes de la deuxième dans Cosmo. Elle lui a même présenté son mari, Jean-Pierre Renard. Quelques années et deux enfants plus tard, l’époux de Juliette ne l’était plus : il était devenu celui de Michèle.
Nous avons – et les enquêteurs de l’OCRVP ont – épluché les journaux de l’écrivain. Après cette première consultation qui l’a pleinement satisfait, Michèle Barzach va devenir en quelque sorte la gynéco attitrée de Matzneff. On en trouve un autre exemple, mais ce n’est pas le seul, dans Les Soleils révolus (1979-1982) (Gallimard). […]
Michèle Barzach, qui était aussi psychanalyste, ne s’en était-elle pas aperçue ? En juin 2012, on pouvait lire dans Le Quotidien du médecin : « Médecin gynécologue, psychanalyste et ministre de la santé et de la famille du deuxième gouvernement Chirac, Michèle Barzach a été élue à la présidence de l’Unicef France. » La nouvelle présidente avait déclaré : « Dans la continuité de ma vie consacrée aux femmes et aux enfants, je servirai avec conviction et enthousiasme la stratégie de l’Unicef fondée sur la notion d’équité, pour permettre l’accès des plus vulnérables aux droits fondamentaux que sont la santé, la nutrition, l’éducation et la protection. » Son mandat s’est achevé en juin 2015.