Extrait du récit des événements par Mélanie, témoin des apparitions
Le 19 septembre 1846, dans les alpages situés au dessus de la Salette (au sud de l’actuel département de l’Isère, à 1800 mètres d’altitude), tandis que Maximin Girard (1835-1875), âgé de 11 ans, et Mélanie Calvat (1831-1904), âgée de 14 ans faisaient paître des vaches, ils perçoivent, tous deux, une belle lumière, puis une belle Dame, s’adressant à eux, en pleurant :
« Avancez, mes enfants, n’ayez pas peur ; je suis ici pour vous annoncer une grande nouvelle. (…). Si mon peuple ne veut pas se soumettre, je suis forcée de laisser aller la main de mon Fils. Elle est si lourde et si pesante que je ne puis plus la retenir. Depuis le temps que je souffre pour vous autres ! Si je veux que mon Fils ne vous abandonne pas, je suis chargée de le prier sans cesse. Et pour vous autres, vous n’en faites pas cas. Vous aurez beau prier, beau faire, jamais vous ne pourrez récompenser la peine que j’ai prise pour vous autres. Je vous ai donné six jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on ne veut pas me l’accorder. C’est ce qui appesantit tant le bras de mon Fils. Si la récolte se gâte, ce n’est qu’à cause de vous autres. Je vous l’ai fait voir l’année passée par les pommes de terre ; vous n’en avez pas fait cas ; c’est au contraire, quand vous en trouviez de gâtées, vous juriez et vous mettiez le nom de mon Fils. Elles vont continuer à se gâter, à la Noël, il n’y en aura plus. (…). Si vous avez du blé, il ne faut pas le semer. Tout ce que vous sèmerez, les bêtes le mangeront ; et ce qui viendra, tombera tout en poussière quand vous le battrez. Il viendra une grande famine. Avant que la famine vienne, les petits enfants au-dessous de sept ans prendront un tremblement et mourront entre les mains des personnes qui les tiendront ; les autres feront pénitence par la faim. Les noix deviendront mauvaises ; les raisins pourriront. »
Après avoir partagé un secret à Maximin, puis à Mélanie, ainsi que la règle d’un nouvel ordre religieux, la Vierge Marie ajoute : « S’ils se convertissent, les pierres et les rochers se changeront en blé, et les pommes de terre se trouveront ensemencées par les terres. Faites-vous bien votre prière, mes enfants ? » Nous répondîmes tous les deux : « Oh ! Non, Madame, pas beaucoup ». [la Sainte Vierge poursuit ses propos] : Ah ! Mes enfants, il faut bien la faire, soir et matin. Quand vous ne pourrez pas mieux faire, dites un Pater et un Ave Maria ; et quand vous aurez le temps et que vous pourrez mieux faire, vous en direz davantage. Il ne va que quelques femmes un peu âgées à la messe ; les autres travaillent tout l’été le dimanche ; et l’hiver, quand ils ne savent que faire, ils ne vont à la messe que pour se moquer de la religion. Le carême, ils vont à la boucherie comme les chiens. N’avez-vous pas vu du blé gâté, mes enfants ? »
Après une réponse négative des enfants, Notre-Dame de la Salette s’adresse à Maximin : « Mais toi, mon enfant, tu dois bien en avoir vu une fois vers le Coin, avec ton père. L’homme de la pièce dit à ton père : « venez voir comme mon blé se gâte ». Vous y allâtes. Ton père prit deux ou trois épis dans sa main, il les frotta, et ils tombèrent en poussière. Puis, en vous en retournant, quand vous n’étiez plus qu’à une demi-heure de Corps, ton père te donna un morceau de pain en te disant : « tiens, mon enfant, mange cette année, car je ne sais pas qui mangera l’année prochaine, si le blé se gâte comme cela ». [Maximin lui répond ] : « c’est bien vrai, Madame, je ne me le rappelais pas. » [Puis la Vierge s’adresse aux enfants, en français, à deux reprises] : « Eh bien ! Mes enfants, vous ferez passer |mon message] à tout mon peuple ».
L’importance d’observer le décalogue, en particulier le 2ème et le 3ème commandement
A la Salette, le Vierge interpelle les hommes sur le respect de la sainteté du Nom de Dieu, dans l’usage de la parole, s’inspirant de l’Exode : « Tu n’invoqueras pas en vain le nom du Seigneur ton Dieu, car le Seigneur ne laissera pas impuni celui qui invoque en vain son nom. » (Ex. 20, 7). Pour entrer davantage dans ce 2ème commandement, le catéchisme de l’Eglise catholique en explicite le sens et ses conséquences aux numéros 2142-2167 : « le nom du Seigneur est saint (n°2142-2149); le nom du Seigneur prononcé à faux (n°2150-2155) ; le nom chrétien (n°2156-2159)».
Dans les propos de la Vierge Marie, est aussi mise en avant l’importance du 3ème commandement, qui est d’honorer le dimanche, comme le Jour du Seigneur : en lien avec le sabbat (création, libération de l’esclavage, alliance avec Dieu) et avec le 8ème Jour, c’est-à-dire au Jour de la résurrection, inaugurant la création nouvelle accomplie en Jésus-Christ. C’est pourquoi l’auteur de l’épitre aux Hébreux exhortait les premiers chrétiens : « Ne délaissons pas nos assemblées, comme certains en ont pris l’habitude, mais encourageons-nous, d’autant plus que vous voyez s’approcher le Jour du Seigneur. » (He 10, 25). Aussi le catéchisme de l’Eglise catholique développe –t-il le riche sens du dimanche, en lien avec celui du baptême, et en tire la conséquences suivante : « l’Eucharistie du dimanche fonde et sanctionne toute la pratique chrétienne. C’est pourquoi les fidèles sont obligés de participer à l’Eucharistie les jours de précepte, à moins d’en être excusés pour une raison sérieuse (par exemple la maladie, le soin des nourrissons) ou dispensés par leur pasteur propre. Ceux qui délibérément manquent à cette obligation commettent un péché grave » (CEC 2181).
Les bénédictions ou malédictions
Le livre du Deutéronome établit, à la fois, un contraste et un lien entre les bénédictions issues de la pratique des commandements (Dt 28, 2-5. 9), d’une part ; et d’autre part les malédictions venant d’une infidélité à la Loi de Dieu, entraînant dans l’ingratitude à l’égard de Dieu et dans un endurcissement du cœur. C’est pourquoi la Sainte Vierge annonce des mauvaises récoltes, qui surviendront, comme signes des conséquences des péchés, ayant un impact tant sur le plan personnel, social, ecclésial que cosmique. Au fond, cette annonce manifeste, aujourd’hui, une invitation à convertir notre regard et à viser d’observer, autant que possible, tout le décalogue. Pour reprendre les propos du P. Marcel Schlewer, « il est évident que Marie s’est d’abord adressée aux paysans. Si, à travers eux, elle a visé « tout son peuple », ses premiers destinataires sont les travailleurs de la terre. Elle leur parle des choses de leur vie : blé gâté, mauvaises récoltes, noix, raisins et pommes de terre. Nous avons déjà dit combien cette crise agricole, contemporaine de l’apparition, fut grave pour la région, pour toute la France et pour l’Europe. Marie a su observer avec précision ces événements agricoles difficiles. Non seulement elle les a observées, mais elle veut que nous aussi nous les regardions : « je vous l’ai fait voir l’année passée, vous n’en avez pas fait cas ». Elle veut nous arracher à notre aveuglement : nous ne savons plus regarder les choses les plus élémentaires, les choses vitales pour notre humanité. Par son message, Marie nous met face aux grands défis contemporains de la vie sur notre terre, face aux menaces qui pèsent sur l’avenir de l’humanité. Ses larmes et ses paroles nous disent qu’elle ne peut pas supporter le spectacle de la grande famine (…). Le drame de notre humanité, c’est qu’elle ne sait pas voir, ne veut pas voir ; elle refuse de changer son regard. Ce refus « d’en faire cas », le refus de voir, contient en germe tous les drames de demain. Si Marie apparaissait aujourd’hui, quelle situation concrète évoquerait-elle ? (…) Ce qui est certain, c’est qu’elle nous inviterait encore à regarder les choses de la vie, car elles sont la matière première de notre aventure spirituelle, le lieu de l’accueil ou du refus de reconnaître la Présence de Dieu, le lieu où, de toute façon, se joue notre avenir ».
La force de la prière, arme de toute espérance
Aux questions adressées aux enfants sur leur vie spirituelle, la Vierge rappelle, comme lors de ses apparitions en d’autres lieux, l’importance de la prière, à l’image de celle de Moïse, qui lorsqu’il intercède, les Israélites gagnent, tandis que quand Moïse ne prie plus, les Israélites perdent les batailles face aux Amalécites (Ex. 17, 1-13).
Le jugement de l’Eglise reconnait l’authenticité des apparitions en 1851
C’est ainsi que l’évêque du lieu rappelle que puisque « le but principal de l’apparition a été de rappeler les chrétiens à l’accomplissement de leurs devoirs religieux, au culte divin, à l’observation des commandements de Dieu et de l’Eglise, à l’horreur du blasphème et à la sanctification du Dimanche, nous vous conjurons, nos très chers Frères, en vue de vos intérêts célestes et même terrestres, de rentrer sérieusement en vous-mêmes, de faire pénitence de vos péchés, et particulièrement de ceux que vous avez commis contre le deuxième et le troisième commandements de Dieu. Nous vous en conjurons, nos Frères bien-aimés, rendez-vous dociles à la voix de Marie qui vous appelle à la pénitence et qui, de la part de son Fils, vous menace de maux spirituels et temporels, si, restant insensibles à ses avertissements maternels, vous endurcissez vos cœurs ».