Philippe Pellet, conseiller auprès de l’agence d’aide humanitaire hongroise Hungary Helps et chercheur associé à l’Institut de Recherche sur la Religion et la Société de Budapest, relaie l’appel au secours lancé par trois patriarches chrétiens de Syrie :
Le nord de la Syrie comme le sud de la Turquie a été durement touché par le tremblement de terre du lundi 6 février, mais les gouvernements de la plupart des pays occidentaux ont jusqu’à ce jour ignoré l’appel à l’aide lancé par Damas. Seules de courageuses associations caritatives qui soutiennent le peuple syrien depuis plusieurs années se démènent actuellement sur le terrain pour sauver des vies et acheminer des aides d’urgence, avec le seul soutien de généreux donateurs.
Parmi les grandes puissances internationales, seule la Russie a répondu à l’appel de Damas… Quant à l’Union Européenne, si elle a rapidement fourni des aides importantes à la Turquie, elle n’a rien fait pour la Syrie, comme si ce pays n’existait pas ! A l’exception notable de la Hongrie qui a été le premier pays européen à avoir débloqué une aide d’urgence, exemple suivi peu après par la Grèce, la Croatie et l’Italie. Ainsi, la plupart des pays occidentaux, malgré la situation tragique causée par le séisme, continuent de refuser d’aider la Syrie en raison du blocus imposé en 2019 par les États-Unis par la loi dénommée « loi César sur la protection des civils en Syrie ». Quel cynisme, quand on sait que la conséquence de cet embargo est que la plupart des civils syriens vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté ! Déjà en janvier 2021, l’archevêque gréco-catholique d’Alep Jean-Clément Jeanbart nous alertait :
« La guerre terminée il y a deux ans, nous avions grand espoir de retrouver un peu de tranquillité, pour reprendre notre avancée vers une vie plus normale et une sérénité tant souhaitée, qui nous avait tellement manqué durant ces longues années de violences et de grands malheurs. Mais voilà que de nouveau […] des boycotts et des sanctions de toutes sortes nous sont infligés et retombent sur l’ensemble des habitants, pour étouffer plus particulièrement les moins fortunés d’entre eux et ils sont très nombreux. Ces sanctions sont commerciales et financières, sciemment établies pour empêcher la reconstruction, la réhabilitation et la reprise économique. Les réserves monétaires du pays se dessèchent, la livre syrienne perd chaque jour un peu plus de sa valeur et rend encore plus difficile la vie des gens qui ne cessent de s’appauvrir […]. Vous pouvez imaginer le désarroi dans lequel se trouvent le plus grand nombre de nos familles, devenues presque toutes nécessiteuses et au seuil de la misère et du désespoir. »
Un Tweet du Président Macron envoyé le jour même du tremblement de terre laissait espérer que les dirigeants de la France feraient enfin preuve de compassion envers le peuple syrien, et qu’ils auraient enfin l’audace et le courage de briser le statu quo des sanctions internationales par l’envoi rapide d’équipes de sauvetage comme ils l’ont fait pour la Turquie. En effet, le Tweet du Président Macron du 6 février, écrit en français, turc et arabe, était un message de soutien aux populations syriennes et turcs promettant une aide d’urgence.
Si cette promesse a été tenue pour la Turquie, tel n’a pas malheureusement pas été le cas pour la Syrie jusqu’à ce jour. Entre temps, des enfants qui auraient pu être sauvés meurent sous les décombres d’Alep.
Le pays des droits de l’homme considèrerait-il donc que la vie d’un syrien agonisant sous les ruines du nord de la Syrie n’a pas le même prix que celle d’un citoyen turc de l’autre côté de la frontière ? Nous osons espérer que les représentants de la France se raviseront en apportant dans les prochains jours une aide massive aux Syriens, répondant ainsi à l’appel du 7 février de trois patriarches syriens représentant les églises Gréco-Orthodoxe, Syriaque-Orthodoxe et Gréco-Catholique Melkite, qui, dans une lettre commune, suppliaient la communauté internationale de lever l’embargo et de secourir les populations syriennes :
« A la suite du tremblement de terre qui a frappé le nord de la Syrie le lundi 6 février 2023, des milliers de Syriens ont perdu la vie, de nombreuses églises, institutions et maisons ont été détruites, et un grand nombre de familles ont été déplacées. Cette catastrophe naturelle s’ajoute au calvaire du peuple syrien qui continue à souffrir des tragédies de la guerre, des crises, des désastres, des épidémies et des dures épreuves économiques résultant de l’inflation, de l’absence de matériaux indispensables, de médicaments et de produits de base quotidiens nécessaires pour que les gens puissent survivre et vivre dans la dignité. Nous, trois patriarches chefs d’églises en Syrie, demandons aux Nations-Unies et aux pays qui imposent des sanctions contre la Syrie de lever l’embargo injuste imposé au peuple syrien, et de prendre des mesures exceptionnelles et une initiative immédiate pour assurer la livraison des secours et de l’aide humanitaire tant nécessaires. Nous faisons également appel à la conscience de toutes les personnes de bonne volonté pour plaider en faveur des Syriens afin de mettre fin à la misère et de leur permettre de vivre dans la dignité comme le prévoit la Déclaration universelle des droits de l’homme. »
Puissent les représentants de la France et d’autres pays répondre à cet appel !