L’abbé Christian Venard est aumônier militaire depuis 1998. Actuellement il est aumônier de la région de Gendarmerie Aquitaine.
Il a bien voulu répondre aux questions du R&N. Extrait :
"Non, ce n’est pas vraiment une nouvelle forme de guerre. La France a ainsi déjà été en contact avec ce type de guerre, en particulier en Algérie face au FLN. Ce n’est pas non plus totalement nouveau. Nous autres, militaires, le savons bien depuis notre engagement, au nom de la Patrie, sur le sol afghan. La communauté militaire a d’ailleurs déjà payé un lourd tribut dans cette guerre, et cela, dans une quasi indifférence de la population française. Ce type de guerre « asymétrique » est cruel et déstabilisant. Oui, il sera nécessaire que les Français, des responsables aux simples citoyens, apprennent à vivre avec ce nouvel état. Cela est d’autant plus rude que nous n’y étions plus habitués.
Dans une interview accordée à KTOTV dans la foulée des attentats, vous expliquiez que les bourreaux des massacres ne sont pas des loups solitaires, mais bien des combattants s’attaquant à la France et à nos « principes de civilisation ». Quels sont ces principes ? La revendication fait mention de « la bannière de la croix »…
Sans être un spécialiste en matière de géostratégie, il me semble qu’il faut distinguer entre les chefs de l’État islamique et les simples combattants. Les premiers sont de dangereux criminels de guerre, qui se servent d’une idéologie (l’islamisme) Ce sont entre autres d’anciens responsables de l’armée irakienne, de richissimes hommes d’affaires musulmans. Des gens instruits et d’autant plus dangereux. Certains cherchent à assouvir leurs désirs de pouvoir, d’argent, etc. D’autres sont plus « religieux » et ont une vision de domination politico-religieuse. Les seconds, sont de pauvres types fanatisés. Tous ont en commun une haine viscérale (et empreinte de jalousie) de l’Occident. Haine dans laquelle ils mélangent allègrement christianisme et société occidentale corrompue.
Vous constatez que les djihadistes savent ce pour quoi ils se battent, et n’ont pas peur de mourir. Vous posez la question « Et nous, qu’avons-nous à défendre ? ». Comment répondre ?
C’est là, à mon sens, la question fondamentale. Dans ce type de guerre, l’arme la plus redoutable est l’arme idéologique. Les djihadistes sont persuadés d’œuvrer pour Allah et l’unique religion. De notre côté, la confusion mentale dans laquelle nous vivons depuis bientôt deux siècles (je renvoie là aux excellentes analyses de Paul Hazard dans La crise de la conscience européenne, 1935) nous empêche en partie de savoir exactement pour quelles valeurs, quels principes, nous sommes prêts à nous battre. Est-ce pour « faire la fête et le vivre-ensemble » ? Est-ce pour le respect de la personne humaine et de ses choix libres ? Est-ce pour la liberté de religion ? Est-ce pour un laïcisme étriqué et athée ? Tout cela est bien issu de notre civilisation européenne, et mériterait d’être décanté à l’aune des fruits portés… Aurons-nous le courage de ce discernement ? […]"