D’Antoine de Lacoste sur Boulevard Voltaire :
Bachar el-Assad l’avait annoncé : la poche islamiste d’Idleb reviendra à la Syrie. Ce n’est pas une mince affaire, tant les combattants islamistes sont nombreux (plusieurs dizaines de milliers) et tant les Turcs brouillent le jeu.
Au printemps 2019, une première offensive avait permis la libération de la ville de Khan Cheikhoun, située au sud de la province d’Idleb et au nord de la ville d’Hama. Cela a beaucoup soulagé de nombreux villages de la zone qui, grâce à cette reconquête, ne subissent plus d’attaques au mortier.
Une pause avait ensuite été observée. On ne sait pas si c’était sur injonction de la Russie, toujours soucieuse de ne pas provoquer la Turquie, ou tout simplement pour souffler un peu car il reste vrai que l’armée syrienne a maintenant structurellement des problèmes d’effectifs.
Un des résultats cocasses de cette reconquête partielle concerne un des postes d’observation turcs. Rappelons, en effet, que dans le cadre des accords passés entre Ankara et Moscou, de multiples postes d’observation ont été installés de part et d’autre de la poche islamiste : à l’intérieur pour l’armée turque, à l’extérieur pour les militaires russes et les combattants iraniens. Or, un des postes turcs, situé au sud de Khan Cheikhoun, se situe maintenant dans une zone reprise et pacifiée par l’armée syrienne.
La Syrie a demandé à la Turquie de démanteler cette base militaire et de quitter son territoire reconquis, ce qu’Erdoğan a évidemment refusé. Aucun incident n’a eu lieu car la Russie a donné des consignes très fermes : pas d’accrochage avec l’armée turque.
L’offensive syrienne a repris en décembre à partir de deux axes : au nord de Khan Cheikhoun en suivant la route stratégique Damas-Alep, coupée par l’occupation islamiste depuis des années. L’objectif, comme nous l’avions annoncé ici, était Maarrat al-Nouman, à 25 km. Un deuxième axe de reconquête est parti de l’ouest vers l’est, toujours en direction de Maarat al-Nouman. Après un mois de combats acharnés, et de lourdes pertes de part et d’autre, l’objectif a été atteint et la ville libérée. Bien évidemment, l’aviation russe a joué un rôle décisif et n’a pas ménagé son soutien à l’armée syrienne.
Une des raisons qui expliquent la difficulté des combats réside dans l’incroyable réseau de tunnels élaboré par al-Nosra et les autres milices islamistes. Chaque reprise de petite ville ou de village permet la mise au jour de véritables labyrinthes, fort bien creusés. De plus, les munitions saisies montrent clairement que les islamistes en ont en très grande quantité. De toute façon, la province d’Idleb est limitrophe de la Turquie au nord, ce qui permet un approvisionnement aisé.
L’armée syrienne tente,maintenant, de remonter l’axe routier vers le nord. Le prochain objectif est Saraqib, à 27 kilomètres de Maarat al-Nouman. Dans le même temps, l’armée tente de desserrer l’étau islamiste au sud et à l’ouest d’Alep. Les progrès sont lents mais l’idée est de faire la jonction sur cet axe routier tant convoité. Cette jonction serait une victoire décisive. Après, il restera la ville d’Idleb, la citadelle islamiste.