L'abbé Gérald de Servigny, prêtre du diocèse de Versailles, fait part sur Padreblog de quelques éléments de réflexion afin d’accompagner le grand retour des jeunes générations de catholiques dans la vie politique, afin de sortir de l'esprit partisan qui a tendance à nous diviser :
"Jusqu’aux années 70, les chrétiens engagés en politique avaient d’abord le souci d’un comportement moral irréprochable exempt de toute corruption, avec un train de vie exemplairement sobre. Il y avait là, comme dans la vie professionnelle en général, un sens aigu du devoir d’état et une sorte d’esthétique morale. Mais en revanche, c’est d’ailleurs un peu le revers de cette belle médaille, on ne vérifiait pas toujours l’exacte cohérence des décisions politiques avec la morale chrétienne : on était alors capable de mettre de côté ses convictions chrétiennes pour la cause du moment…
Aujourd’hui, après ces générations d’anciens qui ont fait, d’une manière parfaitement intègre, une politique parfois décevante en matière morale (qu’on pense aux lois sur le divorce, l’avortement ou plus récemment le travail du dimanche), la jeune génération issue des mobilisations de « la Manif pour tous » est convaincue de vouloir s’engager au service d’un programme politique au contenu résolument chrétien (défense de la vie, de la famille, etc.). Mais elle oublie quelquefois la manière chrétienne d’œuvrer en politique.
Pour les philosophes grecs la politique était davantage un art qu’une science. Au livre VI de La République, Platon décrit les qualités morales du souverain qui doit être vertueux, sage, et surtout philosophe. Dans cette veine-là, l’effort de l’homme politique d’aujourd’hui porterait d’abord sur la manière chrétienne et morale de faire de la politique. Mais la politique, selon l’acception moderne des Lumières (Hobbes, Rousseau, etc.), est surtout une science. Dans cette perspective-là le catholique engagé en politique insistera davantage sur un contenu politique conforme au droit naturel et à la morale chrétienne. […]
Mais nous le savons bien, avoir de bonnes idées ne suffit pas, encore faut-il avoir le talent de les expliquer, de convaincre, de remporter honnêtement le combat électoral, de mettre en œuvre avec prudence les justes réformes… Un art de faire de la politique que la morale chrétienne peut soutenir.
Qu’attendre des chrétiens en politique ?
Il y a en effet une manière vertueuse et chrétienne de vivre l’engagement politique, qui constitue, par fidélité à l’Evangile, une sorte de différence spécifique dans l’exercice de cet art :
– mener le combat électoral avec loyauté et charité (eh oui, la charité est de mise, même en politique !), en sachant également reconnaître le bien et le vrai chez l’adversaire.
– exercer un mandat dans un esprit de service, non seulement d’une manière désintéressée mais aussi par une présence assidue et efficace.
– être d’abord au service du bien commun avant de se soucier de son propre bien et même du bien de sa famille politique ou son parti.
Voilà ce que disait le Pape François le 16 septembre 2013 lors d’une homélie : « chaque homme et chaque femme qui assume une responsabilité de gouvernement doit se poser ces deux questions : est-ce que j’aime mon peuple pour mieux le servir ? Est-ce que je suis humble au point d’écouter les opinions des autres pour choisir la meilleure voie ? ».
Alors, politique chrétienne ou chrétiens en politique ? Les deux assurément ! Ensemble, ils constituent sans doute une piste pour essayer de faire de la politique autrement… Plus facile à dire qu’à faire, mais nous l’écrivons comme un encouragement pour tous les chrétiens qui ont l’audace de s’engager dans la vie politique !"