Nous remercions l’association Una Voce de nous autoriser à publier des extraits des excellents commentaires des cinq pièces grégoriennes du dimanche ou de la fête à venir.
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Pendant les quarante jours qui suivirent sa Résurrection, le Sauveur posa les fondements de son Église à laquelle il allait bientôt envoyer l’Esprit-Saint. L’Épître et l’Évangile de ce jour résument tous ces enseignements du Maître. Puis Jésus quitta cette terre et l’Introït, l’Oraison, l’Épître, l’Alléluia, l’Évangile, l’Offertoire, la Secrète, la Préface et la Communion célèbrent sa glorieuse élévation au ciel, où les âmes qu’il a délivrées des limbes lui font escorte (All.), et entrent à sa suite dans le céleste royaume où elles participent plus amplement à sa divinité (Préf.)
L’Ascension nous prêche le devoir d’élever nos cœurs vers Dieu. Aussi l’Oraison nous fait-elle demander d’habiter en esprit avec Jésus dans les régions célestes, où nous sommes appelés à habiter un jour corporellement.
Tous les chants du propre de la fête de l’Ascension, l’Introït, les deux Alléluias, l’Offertoire et la Communion ont un point commun : ils contiennent tous le verbe ascéndere, monter, d’où vient le nom de la fête.
Introït : Viri Galilæi
Le texte de l’Introït est tiré du livre des Actes des Apôtres, dans le récit de l’Ascension. Ce sont les paroles que les anges adressèrent aux apôtres après que le Christ se fut dérobé à leurs regards :
Viri Galilæi, quid admiramini aspicientes in cælum ? Quemadmodum vidistis eum ascendentem in cælum, ita veniet.
Hommes de Galilée, pourquoi restez-vous stupéfaits à regarder le ciel ? Comme vous l’avez vu monter au ciel, ainsi il reviendra.
Dans le texte des Actes, Jésus est explicitement nommé. Ici il est seulement désigné par un pronom. Autre différence, le texte original dit quid statis ? Pourquoi restez-vous là à regarder le ciel ? La liturgie a remplacé statis par admiramini, introduisant une nuance d’étonnement et même de stupéfaction. Les apôtres n’ont toujours pas compris ce qui se passait. Il faudra la descente du Saint Esprit dans dix jours pour les éclairer. Les Anges semblent s’adresser à eux avec une certaine condescendance pleine de gentillesse que la mélodie exprime d’une manière légère et assez calme. La deuxième phrase tourne autour des mêmes notes tout en progressant vers les mots ita veniet, il reviendra. Et après cette promesse pleine d’espérance le premier des trois Alléluias de la fin s’élève dans une belle envolée très joyeuse avant la paisible cadence finale.
Cet Introït est accompagné par le premier verset du psaume 46, qui est par excellence le psaume de l’Ascension, principalement à cause du verset que nous trouverons au premier Alléluia et à l’Offertoire :
Omnes gentes plaudite manibus, jubilate Deo in voce exsultationis.
Tous les peuples battez des mains, poussez des cris de joie pour Dieu.
Alléluia : Ascendit Deus
Les Alléluias de la fête de l’Ascension ne ressemblent pas à ceux des dimanches du temps pascal, dont nous avons constaté que le deuxième était plus long que le premier avec une mélodie très développée et un texte tiré du Nouveau Testament, le plus souvent de l’Évangile. Les textes de ceux-ci sont tous deux tirés des psaumes, et leurs mélodies sont toutes deux des mélodies types, que l’on retrouve dans un certain nombre d’Alléluias tout au long de l’année, et qui sont donc assez connues.
Le premier de ces deux Alléluias a pour texte le verset du psaume 46 qui en fait le psaume de l’Ascension par excellence :
Ascendit Deus in jubilatione, et Dominus in voce tubæ.
Dieu monte parmi les cris de joie, le Seigneur, au son de la trompette.
Il s’agit dans le psaume de l’arche d’alliance, présence symbolique de Dieu au milieu de son peuple, qui monte sur la montagne de Sion pour entrer triomphalement dans le temple, figure du ciel. En ce jour de l’Ascension le fils de Dieu monte directement au ciel où il fait une entrée triomphale, mais il n’y a plus sur la terre ni acclamations ni trompette, seulement le silence un peu hébété des disciples. C’est pourquoi la mélodie de cet Alléluia, que nous avons déjà entendue au troisième dimanche de l’Avent ou au deuxième dimanche après l’Épiphanie, n’est pas triomphante mais douce et contemplative, traduisant ainsi l’ambiance un peu mélancolique de la séparation plutôt que la joie extérieure de ce qui n’en était que la figure.
Alléluia : Dominus in Sina
Dans le deuxième Alléluia de la fête de l’Ascension nous trouvons un autre psaume triomphal d’action de grâces après une grande victoire, le psaume 67, qui raconte l’entrée du peuple d’Israël dans la terre promise avec l’arche d’alliance à sa tête, depuis le Sinaï où lui fut donnée la Loi, jusqu’à la montagne de Sion, où sera bâti le temple de Jérusalem et où nous voyons de nouveau l’arche monter. Sur le chemin de nombreux ennemis ont été vaincus, aussi le peuple emmène-t-il une troupe de prisonniers avec lui ; ainsi le Christ monte-t-il aujourd’hui au ciel entraînant à sa suite les hommes qu’il a rachetés de la captivité du péché.
Dominus in Sina in sancto, ascendens in altum captivam duxit captivitatem.
Ce texte n’est pas très facile à traduire. Il semble qu’il faudrait lire a Sina plutôt que in Sina ce qui donnerait littéralement :
Le Seigneur s’avance depuis le Sinaï, il monte dans le lieu saint sur la hauteur emmenant les captifs.
La mélodie est encore une mélodie type, celle de la messe de minuit de Noël, mais aussi du premier dimanche de l’Avent ou du troisième dimanche après l’Épiphanie. Elle est très joyeuse ; ici nulle trace de mélancolie. Nous pensons au ciel où, si nous sommes fidèles, nous monterons à notre tour, délivrés de la captivité du péché.
Offertoire : Ascendit Deus
Le texte de l’Offertoire de la fête de l’Ascension est le même que celui du premier Alléluia. C’est toujours le verset du psaume 46.
Ascendit Deus in jubilatione, Dominus in voce tubæ.
Dieu monte parmi les cris de joie, le Seigneur au son de la trompette.
Mais la mélodie est totalement différente. Chose curieuse ce sont le plus souvent les Offertoires qui ont un caractère contemplatif, tandis que les Alléluias sont plus joyeux et exubérants. Ici c’est l’inverse. Nous avons vu que la mélodie du premier Alléluia était assez douce et évoquait la mélancolie de la séparation ; dans celle de l’Offertoire nous retrouvons les acclamations et la trompette, la joie de monter au ciel à la suite du Christ, avec une mélodie ample et solennelle, commençant par une grande montée très expressive sur les mots Ascendit Deus, et se continuant d’une manière assez mouvementée. Cependant l’Alléluia final s’étire longuement et doucement, retrouvant l’ambiance plus contemplative qui est généralement celle des Offertoires.
Communion : Psallite Domino
Le texte de l’antienne de Communion de la fête de l’Ascension est tiré du psaume 67, comme le deuxième Alléluia. C’est un des psaumes importants de cette fête, après le psaume 46 que nous avons trouvé au premier Alléluia et à l’Offertoire. Il célèbre aussi, mais de manière beaucoup plus développée, la royauté du Dieu d’Israël sur toutes les nations. Nous trouvons ici un verset pris à la fin du psaume :
Psallite Domino qui ascendit super cælos cælorum ad Orientem.
Célébrez le Seigneur qui s’élève au plus haut des cieux vers l’Orient.
Incontestablement ce passage évoque, par-delà le règne de Dieu sur tous les peuples, la grande théophanie du jugement dernier, quand Dieu viendra à l’Orient sur les nuées du ciel. On rejoint ainsi les mots ita veniet de l’Introït : de même il reviendra.
Comme celle de l’Offertoire, la mélodie est assez solennelle et commence aussi par une grande montée, mais plus étalée, culminant sur le mot super avant de redescendre au grave pour une cadence très expressive sur les mots ad Orientem.