Robert Redeker, agrégé de philosophie, victime d’une fatwa en 2006 pour avoir osé critiquer l’islam, vient de publier un ouvrage pour faire l’Eloge spirituel de l’attention. Dans cet ouvrage, il souligne que par l’attention, l’intériorité se dévoile à l’homme. Contre le mensonge de la réduction de l’homme à sa seule extériorité, se dresse le fait de l’attention spirituelle. Elle atteste l’existence de ce que notre siècle a cru devoir renier : la vérité, l’intériorité, l’âme, Dieu, l’homme, la beauté et la bonté.
Nous évoluons dans une civilisation de la distraction, qui conduit une guerre sans merci contre l’attention, vraisemblablement parce qu’elle identifie dans cette faculté la porte ouvrant sur la réalité qu’elle redoute le plus, la vie intérieure. La vie intérieure est l’ennemie absolue du monde moderne. Il voit en elle la possibilité qu’il faut empêcher de naître, ou de renaître, dont il faut provoquer l’avortement. Il n’y a qu’une seule chose devant laquelle le monde moderne tremble, comme devant son arrêt de mort : la vie intérieure. D’où, par exemple, sa chasse au silence, l’invasion des espaces de vie par l’empire du bruit. D’où, chez nombre de nos contemporains, cette frayeur panique devant le silence, cette recherche angoissée de tintamarre afin de pouvoir s’y noyer. S’épanouissant dans le silence, la vie intérieure était le ressort vital du vieux monde, celui que le monde moderne a voulu distancer à la course.
Georges Bernanos le disait avec vigueur :
On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration contre toute forme de vie intérieure.
Avec l’attention, il ne tient qu’à nous de cultiver cette vie intérieure. Le militantisme social, politique, économique, sont sans doute des oeuvres salutaires, mais dont on ne voit pas le bout et dont on peut, parfois, désespérer de l’efficacité. Or, la vie intérieure est à la portée de chacun, de l’artisan, du paysan, de l’écolier et de sa mère, de l’ouvrier, de l’infirmière… L’être humain s’y montre à son sommet, arraché et aspiré. Il laisse de côté, ne serait-ce que quelques instants, ses préoccupations médiocres, sa paresse, sa dilection pour les demi-engagements, le désordre et la dispersion de son esprit. Ici se dévoile le secret de l’attention, son trésor : elle est engagement total en faveur d’une issue qui l’aspire.