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Culture de mort : Avortement

L’avortement : de la dépénalisation au droit

Jeanne Smits répond à Pierre-Olivier Arduin, qui estime que l'avortement n'est pas un droit en France et qu'il n'a été que dépénalisé :

"Cela était assurément vrai pour les deux premières moutures de la loi : celle de 1975 et 1979, qui prévoyaient une dépénalisation pour les femmes en état de « détresse » et ceux qui pratiqueraient des « IVG » sur elles dans les conditions définies par la loi, et maintenait les sanctions pénales frappant l’avortement au titre de l’article 317 du Code pénal.

Puis est venu nouveau Code pénal, entré en vigueur en 1994. Le délit d’avortement provoqué en tant que tel en a disparu. Il est remplacé par l’article 223-10 ainsi rédigé : « L’interruption de la grossesse sans le consentement de l’intéressée est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 500 000 F d’amende. » La perspective est ainsi totalement renversée : le délit n’est plus réprimé en tant qu’il porte atteinte à l’enfant à naître, mais en ce qu’il ne respecte pas la volonté de la femme, qui donc a contrario s’exerce librement tant que les conditions de la légalité de l’« interruptions » sont respectées. […]

La situation deviendra encore bien plus nette avec les lois Aubry entrées en vigueur en juillet 2001. L’article 223-10 est abrogé. Seul est donc considéré comme un délit le non-respect de la volonté de la femme. Disparaissent quasi toutes les dispositions du Code de la santé mettant une limite à l’avortement : l’entretien obligatoire préalable devient facultatif pour les majeures, le délit de provocation à l’avortement n’existe plus (puisque le délit d’avortement a disparu et que le mot « avortement » ne figure même plus au Code pénal), la publicité pour l’avortement est autorisée, l’objection de conscience est retreinte puisque les médecins refusant de pratiquer l’acte doivent non plus seulement en avertir leurs patientes mais les diriger vers un médecin qui accepte de pratiquer des avortements, et les chefs de services de gynécologie-obstétrique publics sont tenus de les organiser. Les sanctions qui subsistent pour les « IVG » pratiquées en dehors des conditions légales, ne s’appliquent pas aux femmes demandant l’avortement et leur répression est organisée par le Code de la santé publique. Il n’y a pas beaucoup d’exemples de procès à ce titre et il faut bien souligner que le fait qu’en certaines circonstances l’IVG demeure illégale ne change rien au fait qu’elle soit à tous égards traitée comme un droit tant qu’elle respecte les conditions de la loi.

Loin d’être considérées comme des délits éventuellement excusables, voire systématiquement excusés, les « interruptions volontaires de grossesse » pratiquées dans les conditions prévues par la loi bénéficient même d’une protection spécifique aggravée : les sanctions pour délit d’entrave à toute interruption légale de la grossesse ont été doublées sous le régime de la loi Aubry, et le champ de l’entrave a été fortement élargi, puisque toute pression, même morale ou psychologique, tendant à empêcher le projet d’une femme ayant choisi d’avorter, est passible de peines d’amende et de prison."

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6 commentaires

  1. Et l’étape suivante sera : du droit à l’obligation, pour des raisons eugénistes, climatiques, économiques…

  2. Un droit est exigible, l’avortement n’est pas un droit, marcher dans la rue en est un, voter aussi, se faire avorter est une liberté. Le langage juridique a pour principe la rigueur, et on ne peut jouer sur ses notions.

  3. Même s’il est vrai, ainsi que le souligne Jeanne SMITS, que la législation se situe aux limites du droit à l’avortement, ne serait-ce que par les modalités d’application, et les limitations de contestation de l’acte ou de sa commission, providentiellement pour l’avenir du combat pro Vie, la loi n’en n’a pas fait un droit : cela ne demeure qu’une possibilité légale, et donc un acte dépénalisé. M. ARDUIN me semble avoir raison sur ce point. L’avortement en France n’est qu’une ”liberté”.
    Cette distinction est importante, et elle permettra, quand la Providence nous en accordera les circonstances, de reprendre la bataille juridique sur l’avortement à partir d’une base plus favorable.
    C’est là un motif d’espoir : il est plus facile de restreindre ou d’aménager une liberté que d’intervenir sur un droit, qui serait quasiment ”opposable”.

  4. Tout cela mérite réflexion et précision. Que l’avortement soit aujourd’hui une liberté des femmes juridiquement consacrée me paraît incontestable.
    Mais la frontière entre droit et liberté est aujourd’hui de plus en plus floue. Ainsi parle-t-on de “droit” à la santé, “droit” au logement etc. Le SDF ne peut pas pour autant prétendre à un logement social ou à une subvention couvrant la location d’un logement privé. J’ai aussi le droit de marcher dans la rue mais les forces de l’ordre peuvent me l’interdire sans que je puisse le leur opposer. Autre exemple : je peux avoir un droit de propriété sur un bien immobilier mais ce droit peut parfaitement m’être ôté par voie d’expropriation ou de remembrement.
    Le “droit” à l’avortement n’est pas affirmé dans la loi. Il existe cependant dans la mesure où la simple décision d’une femme d’avorter pendant le premier trimestre lui ouvre le droit de trouver un médecin et un établissement qui pratiquent l’acte, et que le coût de cet acte est imputé – du fait de sa seule décision – sur les fonds publics. Du fait encore que nul ne saurait l’en empêcher ni même tenter d’en empêcher sous peine de délit.
    Tout acte légalement possible n’est pas de ce fait seulement “dépénalisé”. C’est mettre l’interprétation du droit à l’envers que de dire cela : rien ne réprime – par exemple – la possibilité pour une personne de subir une intervention de chirurgie esthétique, cela ne veut pas dire qu’il est “dépénalisé” mais bien qu’elle a le droit de décider pour elle-même si elle la souhaite. A la différence de l’IVG, l’acte ne sera pas, toutefois, remboursé…
    Jeanne Smits

  5. La faiblesse du combat Pro-Vie, c’est qu’il met en avant une morale RELIGIEUSE dans des pays qui se veulent LAÏQUES. Il faudrait avoir le courage de reconnaître que la laïcité est la porte ouverte à l’immoralité, et envisager directement la restauration d’un Etat catholique, plutôt que de rêver à une impossible moralisation de lois édictées selon leur rentabilité électorale. L’Evangile nous dit bien que la vérité est moins populaire que l’erreur. Il est donc inévitable que le mal ait plus d’électeurs que le bien. Mais comment remonter la pente, si les Catholiques eux-mêmes ne veulent pas renoncer à l’utopie républicaine ? Il me semble que l’évangélisation, qui tend à rendre les principes chrétiens plus populaires, devrait être accompagnée d’un enseignement politique clairement théocratique, afin que, peu à peu, soit souhaitée la prise de pouvoir d’un Chef ami de Dieu et soumis à l’Eglise.

  6. A Gustave Minet,
    Je réponds: – Vous avez certainement raison, seulement, il y a une petit hic.
    Nous sommes 65 millions d’habitants en France, et moins de 3 millions de chrétiens pratiquants !
    Pourriez-vous m’expliquer comment vous envisagez de renverser la vapeur?
    Pour moi, une seule solution un retour en masse dans nos églises pour y prier Notre Seigneur JESUS-CHRIST. Alléluia !
    Maranatha !
    Merci !

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