Les sénateurs ont examiné, mercredi 29 janvier, les derniers amendements relatifs au projet de loi de bioéthique. Le sujet du délai de réflexion avant une “interruption médicale de grossesse” (IMG) a remis l’avortement (ici légal jusqu’à 9 mois) dans l’actualité, ainsi que la suppression de la clause de conscience des médecins. Voici les débats :
Article 20
L’article L. 2213-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-1. – I. – L’interruption volontaire d’une grossesse peut, à toute époque, être pratiquée si deux médecins membres d’une équipe pluridisciplinaire attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, soit que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, soit qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
« Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme comprend au moins quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme et une personne qualifiée tenue au secret professionnel qui peut être un assistant social ou un psychologue. Le médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et le médecin qualifié dans le traitement de l’affection dont la femme est atteinte doivent exercer leur activité dans un établissement de santé.
« Lorsque l’interruption de grossesse est envisagée au motif qu’il existe une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic, l’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation.
« II. – Lorsqu’elle permet de réduire les risques d’une grossesse dont le caractère multiple met en péril la santé de la femme ou le devenir des embryons ou des fœtus, l’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple peut être pratiquée avant la fin de la douzième semaine de grossesse si deux médecins, membres d’une équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme, attestent, après que cette équipe a rendu son avis consultatif, que les conditions médicales, notamment obstétricales et psychologiques, sont réunies. L’équipe pluridisciplinaire chargée d’examiner la demande de la femme est celle d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal ayant requis, si besoin, l’avis d’un médecin qualifié en psychiatrie ou, à défaut, d’un psychologue. Lorsque l’équipe du centre précité se réunit, un médecin ou une sage-femme choisi par la femme peut, à la demande de celle-ci, être associé à la concertation. Aucun critère relatif aux caractéristiques du ou des enfants à naître, y compris leur sexe, ne peut être pris en compte pour l’interruption volontaire partielle d’une grossesse multiple.
« III. – Dans les cas prévus aux I et II, préalablement à la réunion de l’équipe pluridisciplinaire compétente, la femme concernée ou le couple peut, à sa demande, être entendu par tout ou partie des membres de ladite équipe. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 69 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne, Delahaye, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog, M. Masson et Mme Perrot, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon.
M. Jean-Marie Mizzon. Cet amendement de portée modérée a néanmoins son importance. Il vise à maintenir, hormis les cas d’urgence médicale, le délai de réflexion d’une semaine avant la pratique d’une interruption médicalisée de grossesse (IMG).
Mme la présidente. L’amendement n° 91 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche, MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Retailleau, Mayet, Vial, Cambon, Bignon, Rapin et Reichardt, Mme Morhet-Richaud et MM. Meurant, H. Leroy, Chaize, Mandelli, Segouin et Hugonet, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« …. – Dans les cas prévus aux I et II, la femme concernée se voit proposer un délai de réflexion de sept jours avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse et reçoit une information complète pour permettre son choix libre et éclairé. »
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. L’article 20 concerne l’interruption médicale de grossesse et vise à supprimer le délai de réflexion instauré en 2011.
L’IMG est proposée lorsque la poursuite de la grossesse fait courir un risque grave à la mère ou lorsque le fœtus présente un grave handicap physique ou mental, rendant son existence difficile ou sa survie impossible. Il s’agit d’une opération douloureuse.
Lorsque les futurs parents sont confrontés à une suspicion de handicap de leur enfant, la réaction la plus naturelle est l’effet de panique. Sous le choc de l’annonce du diagnostic, ils ne sont pas forcément en mesure de l’assimiler.
C’est pourquoi le délai de sept jours, qui est théoriquement prévu, est réellement important. C’est un temps de réflexion, de questionnement, de compréhension de la situation, ainsi que d’accompagnement. Ce délai de sept jours humanise tout simplement la démarche que s’apprête à faire le couple.
Le Conseil d’État a lui-même considéré que ce délai était un droit important. L’inscrire dans la loi renforce ce droit.
Par ailleurs, supprimer la proposition de ce délai de réflexion d’une semaine conduit à banaliser un acte qui a de lourdes conséquences humaines et psychologiques au détriment des alternatives que constituent l’accueil et la prise en charge des nouveau-nés malades ou handicapés.
J’insiste sur le fait que ce délai de réflexion est une proposition faite aux femmes, aucunement une obligation.
L’objet de cet amendement est d’accorder un droit à la femme, dont elle pourrait disposer si elle le souhaite.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. L’amendement n° 69 rectifié vise à rétablir une obligation pour le praticien de proposer un délai de réflexion de sept jours à une femme qui souhaite procéder à une interruption médicale de grossesse.
Il faut envisager la réalité du problème sous tous ses aspects.
Le processus qui mène à une interruption médicale de grossesse est long. Il nécessite une première phase de réalisation d’examens complémentaires afin d’évaluer le pronostic d’une pathologie particulièrement grave chez un fœtus présentant une anomalie.
Vient ensuite le temps du diagnostic, le temps de l’annonce et des explications qui sont délivrées par l’équipe du centre à la femme ou au couple, puis celui de l’échange entre l’équipe médicale et la patiente afin qu’elle puisse intégrer la nouvelle. Il y a aussi un temps pour la réflexion. En réalité, il s’agit d’un processus long qui ne dure jamais moins de quelques jours.
Faut-il fixer un nombre de jours incompressible ? Qu’est-ce que cela apporterait dans le processus ? À mon sens, ce serait uniquement une rigidité venant contrarier la gestion, à laquelle ces équipes sont habituées, d’une situation psychologique extrêmement difficile pour les femmes et pour les couples.
De fait, une fois actée la décision de la femme, l’organisation de la prise en charge exige un temps de préparation incompressible. C’est à peu près de délai que vous proposez. Mais le systématiser et le figer n’apporterait rien, si ce n’est quelques complications aux équipes médicales. La commission a donc émis un avis défavorable.
Elle est également défavorable à l’amendement n° 91 rectifié ter.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. Pour les mêmes raisons que la commission spéciale, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
La décision prise est le point d’aboutissement d’un très long processus qui demande beaucoup de confiance et d’échanges entre l’équipe médicale et le couple ou la femme qui prend cette décision. Rajouter un délai induit souvent un sentiment de culpabilité. Dire à une femme qu’à partir de maintenant – quand fixer le « maintenant » ? – elle a sept jours pour bien réfléchir semble lui signifier que jusque-là elle n’avait peut-être pas suffisamment réfléchi.
Comme l’a souligné M. le rapporteur, il serait dommage d’abîmer la relation de confiance entre la femme et l’équipe médicale.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.
M. Jean Louis Masson. Je ne comprends pas très bien la cohérence des propos de notre rapporteur. Il nous dit : « De toute manière, le délai est très long, nul besoin de prévoir un délai de réflexion de sept jours, le processus dure souvent plus d’une semaine. » En quoi le fait de prévoir un délai de sept jours poserait-il alors problème ? Cela ne changerait rien ! Si, comme la ministre et le rapporteur le disent, un délai relativement long s’écoule déjà, cela n’allongerait pas la procédure !
Nous pouvons aussi discuter pour fixer un délai de six jours au lieu de sept, pourquoi pas ? Quoi qu’il en soit, je relève une contradiction fondamentale dans les explications et les justifications qui nous sont fournies.
On nous dit que cela prend « presque toujours » du temps. Certes, mais il peut y exister des cas où la décision est prise à la va-vite, en vingt-quatre heures. Il me semble donc intéressant de prévoir un garde-fou. Vous allez me répondre que la décision n’est jamais prise en vingt-quatre heures. Si tel est le cas, en quoi le fait de l’écrire noir sur blanc poserait-il un problème ?
[…]
Mme Michèle Vullien. Je n’ai pas tout à fait la même approche car, même si l’on fait confiance aux équipes médicales, il s’agit d’une décision très forte. À partir de quel moment considère-t-on que la décision de l’équipe médicale et du couple prend effet ? Il me semble qu’un délai de huit jours n’est pas du tout superflu. Après tout, pour les actes d’achat, des délais de rétractation de sept ou huit jours sont prévus, alors qu’ils concernent des biens matériels. Pour quelque chose d’aussi important, il conviendrait donc qu’une date soit actée et qu’un véritable délai de réflexion soit proposé au couple afin qu’il puisse prendre sa décision. Je voterai pour ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.
M. Philippe Bas. Il ne faut pas dire, me semble-t-il, qu’il s’agit de créer un délai, puisque celui-ci existe et qu’il est appliqué. Pour ma part, je n’ai pas entendu dire que ce délai avait occasionné des difficultés d’application. Par ailleurs, et cela a déjà été suggéré, de nombreuses législations prévoient des délais préalables à la confirmation d’une décision, que l’on appelle souvent « délais de rétractation ». S’agissant d’une décision qui est de la plus haute importance pour la femme qui doit la prendre, il est protecteur d’affirmer qu’il existe un délai de réflexion, lequel ne retire rien à la confiance que l’on peut avoir dans la décision libre et éclairée de chaque personne. Un tel délai crée, au contraire, les conditions d’une décision prise de manière libre et éclairée, en dehors du contexte de l’équipe médicale qui a donné les informations, mais peut-être au sein d’un environnement familial qui permettra à la femme de s’appuyer sur ses proches en prenant un peu de temps. Dans le cadre de cette procédure, en effet, la décision est irréversible ; on ne pourra pas y revenir ! Il est donc très important que cette réflexion puisse être menée avec sérénité, dans un cadre pacificateur ouvrant la possibilité de la décision. Il s’agit en réalité de soutenir la personne concernée. Il me semble important de maintenir la législation en vigueur, dès lors que celle-ci n’a pas provoqué de difficultés d’application mais a permis, au contraire, à chacun de prendre chez soi le temps d’aboutir à une décision sage et mûrement réfléchie, en son âme et conscience, après y avoir consacré plusieurs jours et plusieurs nuits. Pourquoi vouloir précipiter les choses et sceller la décision alors que l’on a un peu de temps devant soi, sans pour autant compromettre la possibilité du choix ?
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.
M. Daniel Chasseing. Je souhaite rappeler qu’il n’existe plus, depuis 2016, de temps de réflexion prévu pour l’IVG. En l’occurrence, le cas est différent puisque nous parlons de l’interruption médicale de grossesse, soit une situation extrêmement douloureuse : une équipe médicale donne à un couple qui souhaite, bien sûr, garder son enfant une information impliquant l’éventualité d’une IMG. Je pense qu’il ne convient pas, dans ce cas, de fixer de délai. Il est bien évident qu’à la suite de l’avis médical, la famille va réfléchir. Mais le fait de prévoir un délai précis, par exemple huit jours, pourrait entraîner des problèmes graves dans le cadre d’une éventuelle IMG. Je voterai donc contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Je suis assez favorable à la position de M. Chasseing tendant à ne pas prévoir de délai. Lorsqu’une anomalie est annoncée et qu’il faut absolument pratiquer une IMG, il s’écoule obligatoirement avant cette intervention un certain laps de temps, lequel ne sera jamais très court, mais permettra, à chaque fois, aux personnes concernées de réfléchir. Les médecins ont toujours la volonté de laisser les personnes réfléchir. Aucun médecin ne dira à une femme que cet acte doit être fait immédiatement, le lendemain ou le surlendemain. Ce temps d’attente, qui est lié à la préparation de l’intervention, est d’ores et déjà un délai de réflexion. Il faut faire confiance au médecin. C’est lui qui évaluera, en fonction de la patiente qu’il a en face de lui, s’il faut attendre et réfléchir ou intervenir rapidement. Ces éléments étant d’ordre individuel, le fait de fixer un délai de réflexion de sept jours risque d’être préjudiciable à certaines personnes. Je voterai contre les amendements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Comme l’a très bien dit M. le rapporteur Bernard Jomier, dans les faits, ce temps de réflexion existe. L’IMG est un processus qui comprend le diagnostic, l’explication du diagnostic et le délai de réflexion, l’ensemble de ces étapes durant presque une semaine. L’ajout proposé n’apportant rien, nous voterons contre ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. Je rappelle que le Conseil d’État lui-même avait affirmé regretter la suppression du délai de réflexion. Sur de telles questions éthiques, mes chers collègues, qui peut s’opposer à ce que l’on puisse réfléchir et, en l’espèce, à ce qu’un délai de réflexion soit prévu ? Il s’agit en effet d’une décision importante qui nécessite de prendre connaissance de l’ensemble des problèmes posés et de la situation. La femme doit donc pouvoir agir en toute connaissance de cause et prendre le recul nécessaire en toute liberté. À cet égard, il me semble important de prévoir ce temps de réflexion.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique. Je voterai contre ces amendements, pour des raisons médicales. M. le rapporteur vient de me rappeler qu’environ 7 000 IMG étaient effectuées en France par an. Par ailleurs, 500 propositions d’IMG sont refusées par les couples : c’est bien la preuve que l’on donne à ceux-ci le temps nécessaire à la réflexion. Il faut également savoir que 500 demandes d’IMG formulées par des couples sont refusées par les médecins. Il n’est donc pas question ici de faire n’importe quoi n’importe comment… Je reprendrai les mots employés par Philippe Bas, qui disait que la femme devait prendre sa décision de manière libre et éclairée. Où se trouve la liberté de choix lorsque l’on annonce à une dame qu’elle est enceinte d’un enfant qui va décéder, ou qui présente de nombreux problèmes, ou qui met sa vie en danger ? Cette liberté n’existe plus ! Il faut que la femme prenne une décision et, généralement, elle sait laquelle prendre et elle la prend. J’en viens au caractère éclairé de la décision. Dès lors que le processus décrit par Bernard Jomier est arrivé à son terme, l’éclairage est donné par l’équipe médicale. Lorsque celle-ci a expliqué à une dame tous les problèmes auxquels elle est exposée du fait de sa grossesse, ainsi que les risques encourus par le fœtus qu’elle porte, il n’arrive jamais que le médecin lui dise : « Vous êtes en danger, allongez-vous, je vous opère ! »
M. Philippe Bas. Personne n’a dit ça !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Il n’est absolument pas vrai que ce genre de situation se produise.
M. Philippe Bas. Heureusement !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. N’infligeons pas un délai supplémentaire,…
M. Philippe Bas. Il existe déjà !
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. … et donc une souffrance supplémentaire, à une personne ou à un couple qui, ayant appris tous les dangers que fait encourir la grossesse telle qu’elle se présente, n’a qu’une seule solution véritable, celle d’interrompre la grossesse du point de vue médical.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Comme sur de nombreux sujets abordés à l’occasion de la discussion des lois de bioéthique, il se pose une question d’équilibre. Je crois qu’il faut toujours partir de la réalité. Lorsqu’une femme a une première alerte, des analyses complémentaires sont très souvent demandées. Mais, dès le départ, cette femme et ce couple sont confrontés au fait que la grossesse, qui aurait dû a priori être une période de joie, se transforme en un moment douloureux, difficile. Il ne faut pas oublier qu’une grossesse est un processus qui évolue dans le temps. Lorsque la difficulté est confirmée et que le risque est patent pour l’enfant ou pour la mère, et que le médecin et l’équipe médicale, dans une relation de confiance, en viennent à donner ces informations à la femme, au couple, plusieurs jours, et même plusieurs nuits blanches, ont passé. Quand faire partir le délai de sept jours : à partir du dépistage d’une anomalie entraînant des examens complémentaires ? Du moment où tous les examens complémentaires ont été confirmés ? De celui où la femme, ou le couple, revient voir le médecin pour lui annoncer sa décision ? Et là, on leur dirait : « Votre décision est prise ? Réfléchissez donc encore sept jours ! » Or, pendant ce temps, le processus de grossesse continue, les nuits blanches s’installent et la culpabilité grandit… Compte tenu de la souffrance que représente une IMG dans l’immense majorité des cas, le fait d’ajouter un délai de sept jours, dont on ne sait pas très bien quand il serait raisonnable de le faire partir, n’aurait pas beaucoup de sens. Il est vrai que ce délai existe aujourd’hui, mais son point de départ est fixé par les médecins et les équipes médicales selon la situation. Pour certaines femmes, ce délai représente une semaine supplémentaire au cours de laquelle elles peuvent sentir l’enfant bouger, par exemple, ce qui peut être source de nouvelles complications. Pour ces raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 69 rectifié.
(L‘amendement n‘est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 91 rectifié ter.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains. Je rappelle que l’avis de la commission spéciale est défavorable, de même que celui du Gouvernement. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement. Le scrutin est ouvert.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos. J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.
(Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.)
Mme la présidente. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 87 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 283 |
Pour l’adoption | 108 |
Contre | 175 |
Le Sénat n’a pas adopté.
Article 21
Le chapitre III du titre Ier du livre II de la deuxième partie du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 2213-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-2. – Si la femme est mineure non émancipée, le consentement de l’une des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, du représentant légal est recueilli avant la réalisation de l’interruption volontaire de grossesse pour motif médical mentionnée à l’article L. 2213-1.
« Si la femme mineure non émancipée désire garder le secret, le médecin doit s’efforcer, dans l’intérêt de celle-ci, d’obtenir son consentement pour que l’une des personnes investies de l’exercice de l’autorité parentale ou, le cas échéant, le représentant légal soient consultés ou doit vérifier que cette démarche a été faite.
« Si la mineure non émancipée ne veut pas effectuer cette démarche ou si le consentement n’est pas obtenu, l’interruption de grossesse pour motif médical ainsi que les actes médicaux et les soins qui lui sont liés peuvent être pratiqués à la demande de l’intéressée. Dans ce cas, la mineure se fait accompagner dans sa démarche par la personne majeure de son choix. » ;
2° L’article L. 2213-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2213-3. – L’interruption de grossesse pour motif médical mentionnée à l’article L. 2213-1 ne peut être pratiquée que par un médecin.
« Elle ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé, public ou privé. » ;
3° Sont ajoutés des articles L. 2213-4 et L. 2213-5 ainsi rédigés :
« Art. L. 2213-4. – Un médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention.
« Art. L. 2213-5. – Les conditions d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, sur l’article.
Mme Laurence Cohen. Quelques mots pour dire que nous voterons en faveur de cet article, sauf si l’amendement de M. Chevrollier était adopté.
En effet, nous considérons comme essentiel l’apport de notre commission spéciale, et particulièrement celui du rapporteur Bernard Jomier, visant à supprimer la clause de conscience inscrite dans le texte en cas d’interruption médicale de grossesse. Nous avions d’ailleurs déposé le même amendement en commission, mais celui du rapporteur était plus complet et mieux rédigé – c’est normal, c’est le rapporteur ! (Sourires.) –, notamment sur l’obligation d’informer la patiente du refus du praticien et de lui communiquer le nom d’un collègue volontaire. Comme d’autres, je pense que cette double clause de conscience, spécialement pour les IMG, comme d’ailleurs pour les IVG, est inutile et superfétatoire. Nous avons déjà eu ce débat dans l’hémicycle. Une clause de conscience générale existe déjà pour tout médecin, comme pour les sages-femmes, pour tout acte médical. Pourquoi traiter l’IVG et I’IMG à part ? Je ne peux m’empêcher de penser, mes chers collègues, qu’il s’agit bien là, au XXIe siècle, de continuer à vouloir contrôler le corps des femmes. J’en profite, madame la ministre, pour vous demander où en est l’état des lieux que Mme Buzyn avait commandité pour connaître la réalité territoriale et médicale de cette double clause de conscience et mesurer son éventuel impact dans l’accès aux soins. Très sensible à cette question, elle nous avait dit lors d’un précédent débat qu’elle allait recevoir cette évaluation et nous la communiquer. Je vous remercie, par avance, des informations que vous pourrez nous transmettre sur ce point.
Mme la présidente. L’amendement n° 92 rectifié ter, présenté par MM. Chevrollier, de Legge, Schmitz et B. Fournier, Mme Bruguière, M. Regnard, Mme Deroche et MM. Morisset, Cardoux, de Nicolaÿ, Retailleau, Mayet, Vial, Cambon, H. Leroy, Meurant, Bignon, Chaize, Mandelli, Segouin et Hugonet, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
« Art. L. 2213-4. – Un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention.
« Aucune sage-femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire médical, quel qu’il soit, n’est tenu de concourir à une interruption de grossesse pour motif médical.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement a pour but de rétablir la clause de conscience spécifique pour l’interruption médicale de grossesse dans les termes votés par l’Assemblée nationale. En droit actuel, les médecins, sages-femmes, infirmiers et auxiliaires médicaux ne sont pas tenus de pratiquer une IMG, ou même seulement d’y concourir. Par souci de lisibilité du droit, l’Assemblée nationale a réécrit l’article pour énoncer explicitement les dispositions de la clause de conscience. Certains membres de la commission spéciale du Sénat ont pu penser, étant donné que seul un médecin peut pratiquer une IMG, que lui seul était concerné par la clause de conscience et qu’il convenait ainsi de supprimer les dispositions relatives aux sages-femmes, infirmiers et auxiliaires médicaux. Or cela est inexact car, même si ces derniers ne peuvent en effet pratiquer eux-mêmes l’IMG, ils peuvent être sollicités pour y concourir. Supprimer cette clause de conscience est donc une régression par rapport au texte de l’Assemblée nationale et par rapport à l’état actuel du droit. Les débats qui ont eu lieu depuis plusieurs jours au Sénat montrent combien la confrontation à la maladie d’un enfant à naître ne reçoit pas de réponse univoque, combien elle entraîne un choix difficile et de nombreuses questions. Les auxiliaires médicaux sont confrontés à ces difficultés au quotidien. Les difficultés que rencontrent les professionnels de santé concernés pour faire valoir et respecter leurs choix éthiques montrent qu’en cette matière, on ne peut se contenter de faire valoir une clause de conscience générale. Mes chers collègues, il est important de protéger la liberté de conscience, surtout dans le contexte actuel d’offensive contre la liberté de conscience des personnels de santé. Il est donc impératif de rappeler, dans les dispositions du code de la santé publique relatives à l’IMG, la possibilité pour les auxiliaires médicaux de faire valoir et respecter leur clause de conscience.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission spéciale ?
M. Bernard Jomier, rapporteur. Vous souhaitez donc par cet amendement rétablir une clause de conscience des professionnels de santé en matière d’interruption de grossesse pour motif médical.
La commission spéciale a acté le fait qu’une clause de conscience générale permettant déjà de ne pas accomplir un acte contraire à ses convictions bénéficie aux professionnels de santé intervenant dans les procédures d’interruption médicale de grossesse. Cette clause de conscience générale est aujourd’hui inscrite à l’article R. 4127-47 du code de la santé publique qui prévoit que, « hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles ». Il s’agit bien d’une clause de conscience générale, laquelle permet à tout praticien de refuser des soins qui heurteraient ses convictions personnelles. Dans un rapport de 2011, le Conseil national de l’Ordre des médecins, dont je rappelle qu’il est l’institution chargée du respect de la déontologie des médecins, donne la définition suivante : « Pour le médecin, la clause de conscience, c’est le droit de dire “non” dans certaines circonstances, à condition d’apporter au patient une réponse pertinente sans pour autant être obligé d’exposer ses convictions intimes, sans prosélytisme, et en l’informant “sans délai” des possibilités qui s’offrent à lui dans la requête qu’il a entreprise. » Aujourd’hui, le droit en vigueur en matière d’interruption médicale de grossesse renvoie donc aux dispositions applicables en matière de clause de conscience. L’absence de clause de conscience spécifique pour l’IMG n’a donc jamais empêché un médecin de refuser de pratiquer une IMG, le praticien pouvant se fonder sur la clause de conscience générale. Par ailleurs, au début de l’examen de ce texte, une clause de conscience spécifique avait également été proposée pour les médecins réalisant des actes de procréation médicalement assistée. Pour les mêmes raisons, notre assemblée avait décidé de repousser cette clause de conscience spécifique. Enfin, j’ajoute que la multiplication des clauses de conscience spécifique, qui n’a aucune portée en droit et n’aurait aucun intérêt, risquerait même in fine d’affaiblir la clause de conscience générale.
L’avis est donc défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
Mme Frédérique Vidal, ministre. L’avis du Gouvernement sur cet amendement est favorable.
En effet, l’article 21 du projet de loi présenté par le Gouvernement a pour but de supprimer le jeu de renvoi qui existe actuellement dans le code de la santé publique en matière de clause de conscience et de consentement des mineurs, car ce renvoi crée des confusions. Par exemple, les équipes des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal, confrontées à des interruptions de grossesses chez les mineures souhaitant garder le secret à l’égard de leurs parents, se sont interrogées à plusieurs reprises sur la position à adopter et les textes à appliquer. Par un effet de parallélisme, nous avons donc souhaité que cet article ne crée pas une nouvelle clause de conscience, mais que la clause de conscience applicable à l’IMG reste la même que celle applicable actuellement à l’IVG. Il s’agit ainsi d’éviter toute confusion.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Je m’apprêtais à dire à M. Chevrollier que le groupe socialiste ne voterait pas son amendement, ce dont il se doutait… Notre collègue rapporteur Bernard Jomier a très bien répondu sur le caractère superfétatoire de la clause de conscience. Mais, d’un certain point de vue, je reconnais à M. Chevrollier une cohérence dans les amendements qu’il dépose. Il s’agit tout de même de sortir l’IVG et l’IMG des actes médicaux que pratiquent les médecins, déjà soumis à une clause de conscience contenue dans le code de déontologie, pour en faire des actes à part, dans le but à la fois de compliquer l’accès à ces actes, de culpabiliser les femmes et les familles. Tout cela renvoie à l’amendement déposé précédemment par M. Chevrollier en vue de demander un délai de réflexion supplémentaire. Comme si les personnes qui recourent à des IVG ou à des IMG n’avaient pas mûrement réfléchi à ce qu’ils font ! (Brouhaha sur les travées des groupes UC et Les Républicains.) Mais, d’un certain point de vue, le sujet n’est plus tant cet amendement que l’avis du Gouvernement… Madame la ministre, j’espère que vous n’êtes pas fière quand même d’avoir lu votre fiche depuis votre banc !(Exclamations sur les travées des groupes UC et Les Républicains.)
M. Loïc Hervé. C’est un procès d’intention !
Mme Laurence Rossignol. Vous n’êtes pas d’accord, mes chers collègues, mais vous n’êtes pas obligés de faire du bruit… Nous aussi, on sait en faire !
Mme la présidente. Mes chers collègues, poursuivons un débat apaisé !
Mme Laurence Rossignol. Si je comprends bien, madame la ministre, vous réaffirmez l’idée selon laquelle le code de déontologie ne suffirait pas à accorder à chaque soignant une clause de conscience générale, et que l’IVG et l’IMG seraient des actes médicaux à part qui heurteraient la conscience des médecins. Je note, en me référant au débat d’hier, que ces discussions sur la conscience des médecins sont à géométrie variable. On leur prête une grande conscience quand il s’agit de leur permettre de refuser de faire des IVG ou des IMG. Pourtant, hier, lorsque nous évoquions la recherche et en particulier la recherche embryonnaire, il fallait encadrer totalement l’activité des médecins et des chercheurs parce qu’on les soupçonnait de ne pas avoir suffisamment de conscience ! Cette position est extrêmement conservatrice, rétrograde, voire obscurantiste, à l’égard des sujets dont nous discutons. (Protestations sur les mêmes travées.)
Mme Françoise Gatel. Ça y est ! C’est insupportable !
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique de Legge, pour explication de vote.
Mme Laurence Rossignol. Inutile de me faire le coup de l’article 45 de la Constitution !
M. Dominique de Legge. Après avoir entendu les propos qui viennent d’être tenus, je crains de me faire taxer d’obscurantisme…
M. Loïc Hervé. Ce peut être un titre de gloire !
M. Dominique de Legge. Je ne ferai pas davantage de commentaires, car je trouve que nous avons eu, depuis une dizaine de jours, un débat serein, apaisé et digne. Je ne souhaite donc pas tomber dans une certaine forme de provocation. Je voterai l’amendement défendu par M. Chevrollier pour les raisons qu’il a invoquées et pour celles que le Gouvernement, par le truchement de Mme la ministre, a exposées. Je le voterai aussi pour une autre raison, madame Rossignol : pendant ces dix jours de débat, nous avons tous fait montre d’un grand respect des opinions des uns et des autres. J’aimerais que ce respect qui a régné dans l’hémicycle depuis le début de notre discussion puisse aussi s’appliquer aux professionnels de santé. C’est l’une des raisons, je le répète, pour lesquelles je voterai cet amendement. C’est en effet une manière de rendre hommage au travail du Sénat, et au Sénat lui-même, ledit amendement me semblant en conformité avec l’esprit qui a animé nos débats. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi. Madame la présidente, madame la ministre, je voterai cet amendement. Je me fiche du politiquement correct et je ne supporterai pas les leçons de morale de qui que ce soit.
M. Loïc Hervé. Très bien !
M. Roger Karoutchi. Les parlementaires font ce qu’ils veulent, décident librement et n’ont de leçon à recevoir de personne.
Mme Laurence Rossignol. Moi non plus !
M. Roger Karoutchi. Madame Rossignol, excusez-moi de vous le dire, mais quand vous étiez ministre vous n’auriez certainement pas accepté qu’un parlementaire vous parle sur le ton que vous avez employé à l’adresse de Mme Vidal ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que sur des travées du groupe RDSE.)
Mme Laurence Rossignol. J’en ai entendu bien d’autres !
M. Roger Karoutchi. Vous savez ce qu’est la vie publique… Moi aussi, j’en ai entendu bien d’autres ! Que se passe-t-il aujourd’hui ? Franchement, j’étais indécis sur cet amendement et sur la position de la commission spéciale. Je n’ai pas voté les amendements précédents sur le délai de sept jours, parce que j’ai entendu les explications de la commission spéciale. C’était mon droit ! En revanche, je voterai celui-là. Après avoir écouté les explications de Mme la ministre, des uns et des autres, je me rends compte qu’en réalité, même s’il existe une clause de conscience générale, il faut dans certains cas préciser les choses. Si vous voulez me qualifier d’obscurantiste, cela me fera un titre de gloire supplémentaire !
J’ai voté en faveur de l’extension de la PMA et pour un certain nombre de mesures ; mais autant je défends l’IVG, autant le fait que certains personnels du corps médical ne souhaitent pas le pratiquer ne me met pas dans un état second. Si, dans ce pays, on est incapable de respecter la liberté de conscience et la liberté de croire de chacun, l’intolérance est au bout du chemin. C’est extrêmement clair : je voterai cet amendement. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Françoise Gatel, pour explication de vote.
Mme Françoise Gatel. Je suis profondément indignée et émue par la tournure que prennent nos travaux cet après-midi. Comme de nombreux collègues, j’apprécie beaucoup la tenue de ce débat, qui est compliqué et exigeant. Chacun a fait preuve, je le crois, du plus grand respect pour les opinions développées par les uns et les autres et d’une grande humanité. Sincèrement, je ne comprends pas que l’un de nos collègues se permette d’arriver en milieu d’après-midi pour enflammer l’hémicycle en donnant des leçons de morale, de raison et d’intelligence. J’assume, comme chacun de nous, ce que je pense, tout en sachant que je ne détiens pas la vérité – je n’aurai pas cette prétention. Mais je refuse que quelqu’un nous délivre des brevets de moralité, de modernisme ou de progressisme. Comme l’a dit notre collègue Roger Karoutchi, ici nous devons être exemplaires en matière de respect des opinions et de démocratie.
M. Yvon Collin. Très bien !
Mme Françoise Gatel. Certains propos qui ont été tenus dans cet hémicycle ne sont pas dignes et ne relèvent pas du tout d’un esprit démocratique et respectueux des opinions. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Yvon Collin applaudit également.)
Mme la présidente. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.
M. Marc Laménie. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je ne souhaitais pas particulièrement intervenir, car je ne suis pas un spécialiste, contrairement à certains de nos collègues qui ont exercé professionnellement dans les métiers de la santé. Mais le tour que prennent nos discussions sur ces sujets à forte valeur éthique met en jeu les notions de respect, d’écoute et de dialogue. Sur ces sujets qui soulèvent des questions de conscience, la majorité d’entre nous dans cet hémicycle en apprend tous les jours et reste modeste. Personne n’est là pour donner des leçons, et le respect doit rester l’une de nos priorités. Je ne suis pas cosignataire de l’amendement n° 92 rectifié ter, présenté par notre collègue Guillaume Chevrollier. J’ai entendu les interventions des uns et des autres, l’avis circonstancié du rapporteur – je salue le travail réalisé par la commission spéciale – et celui de Mme la ministre. J’ai pris connaissance du contenu de cet amendement qui, comme tous les autres, présente un grand intérêt. Je le redis, nous devons faire preuve de respect pour l’ensemble des cosignataires. En toute conscience, puisque c’est largement de conscience dont il s’agit sur ces sujets particulièrement sensibles en termes d’éthique et de morale, je voterai cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Pierre de la Gontrie, pour explication de vote.
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je voudrais d’abord évacuer un point. Quand on veut tuer son chien, affirme le dicton, on dit qu’il a la rage. Je souhaiterais simplement que certains ne fassent pas mine de s’enflammer et qu’ils n’expliquent pas leur vote sur cet amendement en tirant prétexte de la qualification politique que nous lui avons donnée.
M. Loïc Hervé. C’est le risque !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je pense, mes chers collègues, que vous avez certainement eu, au cours de votre vie politique, des débats un peu plus difficiles que celui provoqué par les propos qu’a tenus à l’instant ma collègue et que, sur le fond, je partage.
Mme Françoise Gatel. Ce n’est pas un débat, c’est un jugement !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je mets aussi de côté le fait que, si j’ai bien compris, « le collègue qui vient d’arriver » auquel il a été fait allusion est Mme Rossignol : j’indique qu’elle est là « non-stop » depuis des heures et que nous sommes passés, comme certains d’entre vous, saluer un membre du Sénat qui partait à la retraite. Je ferme la parenthèse. Je ne pense pas, madame Gatel, qu’on puisse suspecter Laurence Rossignol de ne pas savoir de quoi elle parle…
Mme Françoise Gatel. Quel toupet !
Mme Marie-Pierre de la Gontrie. Je reprends le point qui nous occupe. Moi qui suis non pas une spécialiste, mais une juriste, j’ai relu l’article 21 : cette clause qu’on qualifiera, pour la simplicité du débat, de « clause de conscience » figure dans le texte de la commission spéciale ! Ce qui est demandé avec cet amendement, c’est de « renchérir » sur cette clause. Le texte de la commission spéciale – je l’indique pour ceux qui, comme moi, ne l’avaient peut-être pas encore lu il y a quelques minutes – dispose : « Un médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention. » C’est l’article 21. Il n’y a donc pas de problème ! Quel est l’objectif de l’amendement ? D’indiquer que les infirmiers, infirmières, auxiliaires médicaux ou sages-femmes peuvent refuser de concourir à une IMG. Il s’agit donc d’un ajout. Pensez-vous qu’une IMG soit pratiquée par un auxiliaire médical ou une infirmière ? Vous le savez, l’IMG comprend nécessairement une phase médicale : soit on prescrit un médicament qui provoque l’IMG, soit on pratique une intervention chirurgicale. Prétendre que cet amendement est nécessaire, comme le fait la ministre en avançant des explications, selon moi, peu convaincantes, c’est en réalité justifier que, pour faire plaisir à une partie du Sénat qui s’apprête à voter l’amendement, il soit là encore procédé, de manière affichée et inutile juridiquement – car je ne fais que du droit –, à une restriction de l’accès à l’IMG. Voilà ce qui me gêne. Vous faites de la politique, nous en faisons tous. Vous n’êtes pas en train de faire du droit, alors ne prétendez pas faire autre chose que de la politique ! (Exclamations sur les travées du groupe UC.) Vous voulez refuser aux femmes une simplification de l’accès à l’IMG, alors même que l’ajout de cet amendement au texte n’est pas nécessaire.
Mme la présidente. La parole est à Mme Michelle Meunier, pour explication de vote.
Mme Michelle Meunier. Je serai très brève puisque tout a été dit précédemment. C’est dans un souci de cohérence que je voterai contre cet amendement. Comme pour les amendements précédents, je vois dans celui-ci un rajout de peine et de difficultés dans un processus déjà très douloureux. À part si l’on a la volonté, ce qui est peut-être et même sûrement le cas, de pénaliser et déresponsabiliser les femmes, je ne vois pas l’intérêt d’inscrire dans la loi une disposition qui, comme l’a dit Mme de La Gontrie, y figure déjà.
Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.
Mme Laurence Cohen. Nous devons conserver cette préoccupation, qui a été la nôtre jusqu’à présent, d’échanger et d’écouter les propos, qui peuvent être totalement divergents, des uns et des autres. C’est important, parce que si nous nous laissons emporter par nos sentiments ou l’irritation, nous ne voterons pas sur le fond de ce qui nous est proposé. Ce qui, pour moi, montre le respect que nous avons à l’égard de tous nos collègues du Sénat, c’est justement que, depuis le début de nos travaux, nous sommes restés centrés sur le fond, tout en ayant des divergences et des désaccords. Je souhaite que l’on en revienne à ce qui a fait le fondement de notre discussion et que nous n’allions pas vers autre chose. Nous devons réfléchir ensemble à l’utilité d’ajouter une clause de conscience supplémentaire, spécifique, dans le code de la santé publique, alors que – cela a été dit – il en existe déjà et que tous les garde-fous sont prévus. Les échanges que nous venons d’avoir sur l’article précédent nous ont permis de montrer comment l’accompagnement, notamment psychologique, était assuré, s’agissant d’une IMG par toute une équipe de professionnels de manière volontaire. Pourquoi vouloir tout d’un coup, remette cela en cause, en remettant en place un garde-fou, une clause de conscience supplémentaire ? C’est totalement inutile.
Là encore – peut-être cette mesure sert-elle à se rassurer ? Je ne le sais pas et ne veux pas faire d’interprétation –, réfléchissons à ce que cela signifie pour les patients et pour les équipes. Aujourd’hui, aucun médecin qui ne souhaiterait pas pratiquer une IMG n’est obligé de le faire. Nous devons tous être attentifs au fait qu’une IMG n’est pas une IVG. Nous ne sommes pas dans la même logique : n’essayons pas de les comparer, car elles ne sont pas comparables. Je vous appelle à mener cette réflexion. Je ne voterai donc pas cet amendement au vu de l’ensemble des propos qui ont été tenus et du texte qui a été élaboré par la commission spéciale, laquelle a, comme vous pouvez le constater, mes chers collègues, pesé à chaque fois le pour et le contre.
Mme la présidente. Mes chers collègues, avant les dernières explications de vote, je voudrais vous inciter à l’apaisement. J’ai laissé chacun exprimer son point de vue sans intervenir, mais je souhaiterais maintenant que vous reveniez au sujet qui nous intéresse tous afin que notre débat puisse se terminer de façon sereine, tel qu’il s’est déroulé depuis le début de nos discussions, afin de donner une belle image du travail parlementaire. La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote. (Rires.) Mes chers collègues, je n’avais pas pour intention de viser M. Masson !
M. Jean Louis Masson. Madame la présidente, je suis partisan de la liberté d’expression, je me réjouis donc que mes collègues rient de cette situation. Je voudrais tout d’abord formuler une remarque sur la forme : il est important que tout le monde ici puisse s’exprimer comme il l’entend. Je l’ai toujours dit, et c’est vrai dans un sens comme dans l’autre : il faut aussi laisser Mme Rossignol s’exprimer avec véhémence si elle le veut. Je ne partage pas son point de vue, mais il faut la laisser s’exprimer. Vous le savez, mes chers collègues, il m’arrive souvent de réclamer dans d’autres circonstances la liberté de dire ce qu’on pense, même quand on est minoritaire, même quand on est seul. C’est la base même du Parlement que chacun de ses membres puisse s’exprimer librement, même si cela ne fait pas plaisir aux autres – j’ai l’habitude de cette situation. (Rires sur les travées du groupe UC.) C’est vrai ! Retenez cette leçon de démocratie la prochaine fois que je parlerai à la tribune. Vous dites tous que chacun doit pouvoir s’exprimer, mais il arrive que tout le monde se mette à crier quand le propos ne vous fait pas plaisir ! Voilà une bonne occasion de rappeler ce qu’est la liberté parlementaire.
Par ailleurs, sur le fond, puisqu’on parle justement de liberté, il faut respecter celle des médecins, des infirmiers, de tous les personnels hospitaliers. C’est tout de même un point très important. Peut-être certains parmi vous se sont-ils déjà fait opérer à l’hôpital : si vous avez affaire à un médecin qui ne veut vraiment pas vous opérer, je trouve qu’il n’est pas très pertinent de lui forcer la main et d’insister pour que ce soit lui qui intervienne ! (Sourires.) C’est ce que certains voudraient faire ici : forcer la main de certains personnels. (Non ! sur les travées du groupe SOCR.) Mais ce n’est pas rendre service aux personnes concernées ! Si je vais à l’hôpital et que le médecin ne veut pas m’opérer, je n’insiste pas… J’en cherche un autre ! (Rires.) On est vraiment dans le ridicule le plus total !
Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour explication de vote.
M. Guillaume Chevrollier. Je veux faire deux remarques. Premièrement, dans le débat parlementaire, chacun agit en fonction de ses convictions et vote en conscience. Je remercie Mme Rossignol d’avoir salué la constance de mes convictions. Toutes les convictions sont respectables, et je respecte les positions de ceux qui ne partagent pas les miennes. C’est ce qui fait la grandeur du débat parlementaire et qui doit aussi faire celle du débat public dans notre pays.
Deuxièmement, je voulais préciser que cet amendement prévoit une clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé. Il ne concerne pas uniquement les médecins. L’idée qui sous-tend cet amendement, et la portée qu’il doit avoir, c’est justement de protéger les auxiliaires de santé qui sont aux côtés des médecins. C’est une protection, une garantie supplémentaire, qui leur est proposée.
Je le redis, cela dépasse le seul cadre des médecins qui, eux, bénéficient d’une clause générale. On pourrait certes prévoir pour ceux-ci une clause spécifique, mais en l’occurrence il s’agit d’étendre cette possibilité aux auxiliaires de santé – c’est un point important.
Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.
Mme Annick Billon. Quelques mots pour dire que je ne voterai pas cet amendement. Les débats se sont un peu enflammés, mais il faut tout de même constater que les arguments avancés, que je ne reprendrai pas pour éviter d’alourdir ce débat, par les collègues qui siègent du côté gauche de l’hémicycle sont tout à fait étayés. Je ne voudrais pas que l’emportement auquel nous avons assisté dans l’hémicycle puisse influencer notre vote. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de prévoir une clause de conscience spécifique.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Bonne, pour explication de vote.
M. Bernard Bonne. Je voudrais, pour ma part, évoquer le cas du médecin qui serait d’accord pour pratiquer une IMG, mais dont les infirmiers ou les auxiliaires médicaux pourraient ne pas l’être. C’est là où le problème risque de se poser. La clause de conscience du médecin est, me semble-t-il, importante, et il faut absolument la respecter dans tous les cas. Mais, à partir du moment où il accepte de faire cet acte d’IMG, il faut absolument qu’il puisse être accompagné et aidé par un infirmier ou des auxiliaires médicaux. Si cela leur posait vraiment une difficulté, ceux-ci doivent pouvoir en parler au médecin. J’insiste, la clause de conscience est importante pour l’acte médical lui-même et pour le médecin qui l’exécute, mais elle ne peut pas s’appliquer à tous ceux qui ont l’obligation de l’accompagner dans la fonction qu’il exerce. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas l’amendement et suivrai l’avis de la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Henno, pour explication de vote.
M. Olivier Henno. Dans la même logique et pour dépassionner les débats, je précise qu’il n’a jamais été question au sein de notre commission spéciale de revenir sur la clause de conscience. Simplement, un constat tout simple pouvait être fait : cette clause était déjà contenue dans nos règles de droit. Il n’était donc pas utile d’ajouter une clause de conscience à une clause de conscience. C’est la raison pour laquelle je suivrai l’avis de la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.
M. Yves Daudigny. La question que nous pouvons nous poser est la suivante : un médecin qui ne souhaiterait pas pratiquer une telle intervention pourrait-il aujourd’hui être contraint de le faire ? De toute évidence, la réponse est négative. Mes collègues ont déjà à plusieurs reprises relu l’alinéa 10 de l’article 21, qui prévoit le cas du refus. Il est inutile de reprendre tous les arguments. Parmi toutes les interventions qui ont été faites, je fais complètement mienne celle de ma collègue du groupe communiste, Laurence Cohen, pour sa précision, sa mesure et sa détermination. Je ne voterai pas cet amendement, et suis en accord avec la position de la commission spéciale.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission spéciale.
M. Alain Milon, président de la commission spéciale. Je vous prie de m’excuser, mes chers collègues, si vous avez le sentiment que je me répète par moments.
Je voudrais d’abord rappeler qu’un médecin a pour mission de soigner et, si possible, de guérir, qu’il a une obligation de moyen, mais pas de résultat. Le propos de Mme la ministre m’a un peu surpris, parce que je n’avais pas complètement compris – elle vient de me l’expliquer au banc, mais je pense qu’il vaut mieux qu’elle s’adresse à l’ensemble du Sénat – le parallélisme qu’elle a fait entre l’IVG et l’IMG.
L’IVG, c’est une interruption « volontaire » de grossesse. La clause de conscience spécifique pour l’IVG a été mise en place pour les raisons que vous connaissez et sur lesquelles je ne vais pas revenir. L’IMG, c’est une interruption non pas volontaire, mais « médicale », de grossesse. La distinction est importante puisque, dans le cas d’une IMG, est en jeu la santé de la femme enceinte, ou celle de l’enfant ou peut-être même celle des deux. Il y a donc obligation, pour le corps médical dans son ensemble, de soigner. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne voterai évidemment pas l’amendement. Mais je voudrais ajouter que la clause de conscience générale existe dans le code de déontologie des médecins, ainsi que dans le code de déontologie des autres professionnels de santé qui ont un ordre, en particulier les infirmiers. Pourquoi ajouter une clause de conscience supplémentaire pour les personnels médicaux alors qu’elle existe déjà dans leurs codes de déontologie respectifs ? Pour rassurer notre collègue et ami Guillaume Chevrollier, j’ajoute que la commission spéciale a voté l’alinéa 10 de l’article 21 qui, comme l’a rappelé Mme de La Gontrie, prévoit qu’un « médecin qui refuse de pratiquer une interruption de grossesse pour motif médical doit informer sans délai l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention ». Non seulement la clause de conscience existe dans les codes de déontologie des différentes professions médicales concernées par le sujet, mais en plus elle figure aussi dans le texte puisque nous l’avons prévu à l’article 21 !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Frédérique Vidal, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 21 a pour objet de clarifier les conditions de ce qu’on appelle une IMG pour les mineures. Qu’est-ce qu’une IMG ? C’est une interruption volontaire de grossesse pratiquée pour motif médical. Actuellement, ses modalités sont précisées dans le code de la santé publique, qui renvoie aux dispositions relatives à l’interruption avant la fin de la douzième semaine de grossesse, alors que ces deux situations doivent être en fait clairement séparées. C’est pourquoi, dans le cas de mineures à qui il est proposé une interruption volontaire de grossesse pour motif médical, afin de ne pas faire simplement un renvoi vers le texte qui prévaut pour les IVG, nous avons souhaité préciser les choses dans cet article 21, pour que les équipes médicales ne se sentent pas en difficulté. Il nous paraît donc important, par souci de parallélisme, de garder la clause de conscience prévue dans les cas d’IVG à moins de douze semaines, pour les cas d’interruptions volontaires de grossesse pour raisons médicales chez les mineures. Telle est la position du Gouvernement que je défends. Ce n’est pas celle de certains d’entre vous qui vous êtes exprimés et qui allez néanmoins voter cet amendement, mais c’est peut-être celle d’autres sénateurs. Je tenais à clarifier la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite, en vertu du parallélisme des formes, conserver la rédaction de la clause de conscience qui existe pour l’IVG.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Jomier, rapporteur. Je voudrais apporter une précision à Mme la ministre. Il n’y a aucun doute, nous visons le même objectif. La situation actuelle nous conduit à convenir qu’aucun médecin en France n’est contraint de pratiquer une IMG – cela n’existe pas. Le parallélisme des formes que vous établissez entre l’IVG et l’IMG, je veux bien l’entendre. Mais, comme vous le savez, madame la ministre, la clause de conscience spécifique sur l’IVG a des racines qui sont historiques. Elle est issue d’un contexte particulier à l’époque : une ministre qui, en difficulté pour faire adopter sa loi, a fait un certain nombre de concessions symboliques – le symbole est important en politique – qui permettaient d’apaiser la situation. Cette ministre a indiqué que personne ne serait contraint de pratiquer une IVG et que s’il fallait une double clause de conscience pour en être convaincu, elle la ferait figurer dans le texte. Que nous a montré la suite de l’histoire ? Qu’effectivement aucun médecin n’a été contraint. En l’occurrence, la situation est différente. Il n’y a pas le même débat autour de la légitimité de la pratique de l’IMG : je n’ai entendu personne, sur aucune travée, remettre en cause le droit d’une femme à pratiquer une IMG, qui est une procédure particulièrement douloureuse et pénible. Le parallélisme politique des formes ne s’applique donc pas. Quant au parallélisme juridique, la clause de conscience générale permet d’assurer la protection des médecins et des professionnels de santé, auxquels leurs codes de déontologie respectifs permettent de ne pas pratiquer un acte contraire à leur conscience.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie Mercier, pour explication de vote.
Mme Marie Mercier. J’ai essayé d’y voir plus clair et quand j’ai entendu Mme la ministre tenter une explication, je me suis dit que j’allais comprendre.
Mais, madame la ministre, je n’ai pas du tout compris ce que vous avez essayé d’expliquer. Je vais parler en tant que médecin, car je ne suis pas juriste : nous avons un code de déontologie – le code de la santé publique – que nous appliquons. Nous en sommes même fiers puisque, si je prends l’exemple du secret médical, nous estimons que ce code prévaut : le secret médical protège le patient. Nous ne voulons pas ouvrir de brèche : on ne peut donc pas dire qu’on va se servir de notre code de déontologie à certains moments et pas à d’autres. Madame la ministre, je n’ai vraiment pas compris ce que vous disiez. Je pense que notre code de déontologie nous permet de ne pas effectuer cet acte si on y est opposé. Je suis vraiment de l’avis de mes confrères et je voterai contre cet amendement.