D’Olivier Bault dans Présent :
« Chaque vie est un don sacré de Dieu », a clamé en juin Donald Trump lors de son premier meeting de campagne pour la prochaine élection présidentielle en Floride, assurant, sans doute un peu abusivement, que tous les républicains sont pour le droit à la vie. A l’inverse, a accusé le président américain, quasiment tous les dirigeants démocrates soutiennent aujourd’hui « le droit à l’avortement financé par les contribuables et jusqu’au moment de la naissance, le droit d’arracher les bébés du ventre de leur mère. Les dirigeants démocrates se sont même opposés aux mesures pour empêcher l’exécution des enfants après leur naissance, comme on l’a vu en Virginie ». L’avortement s’invite donc dans la campagne électorale américaine à l’initiative d’un président sortant, considéré comme le plus pro-vie de tous les présidents américains.
Quand la Cour suprême des Etats-Unis contraignit en 1973 les Etats de la fédération à autoriser l’avortement avec le fameux jugement Roe v. Wade, elle n’y mit aucune limite, les autorisant seulement à interdire cet acte une fois que l’enfant atteint un stade de développement lui permettant de vivre en dehors du ventre de sa mère, soit quelque part entre la 22e et la 24e semaine de grossesse. Plus d’un tiers des Etats américains interdisent en réalité aujourd’hui au-delà de la 20e semaine de grossesse les avortements non motivés par le besoin de sauver la vie ou la santé physique de la femme enceinte.
Plusieurs Etats ont par ailleurs introduit des limitations plus ou moins strictes à partir de la 13e semaine de grossesse, voire de la 6e, avec notamment les lois qui interdisent la pratique d’un avortement sur un fœtus dont le battement de cœur est déjà perceptible à l’échographie, ce qui est justement le cas à partir de la 5e ou la 6e semaine de développement prénatal de l’enfant. Quatre Etats ont voté de telles « lois battements de cœur » cette année : le Kentucky, le Mississippi, l’Ohio et la Géorgie. L’Iowa et le Dakota du Nord les avaient précédés. Tous sont gouvernés par des républicains.Ces lois sont toutefois contestées devant les tribunaux qui ont jusqu’ici, en s’appuyant sur le jugement Roe v. Wadede 1973, toujours renversé ce type de législation. En mai, l’Alabama est allé encore plus loin en interdisant totalement l’avortement sauf en cas de danger pour la vie de la femme enceinte. Plus encore que les « lois battements de cœur », la loi ratifiée en mai par le gouverneur républicain de l’Alabama vise directement à contraindre la Cour suprême à se ressaisir de la question, plus d’un demi-siècle après son verdict de 1973. Dans l’espoir bien entendu que la nomination par le président Donald Trump, conformément à sa promesse électorale, de juges plus conservateurs, plus attachés à une lecture stricte de la constitution et plus sensibles au droit à la vie pourrait déboucher sur une lecture différente de la constitution de 1787 qui, on s’en doute bien, ne reconnaît aucunement un quelconque droit à l’avortement.
Plusieurs Etats gouvernés par les démocrates ont à l’inverse libéralisé ces derniers temps leur loi sur l’avortement en supprimant toute limite ou en introduisant une clause permettant l’avortement jusqu’à la naissance en cas de risque pour la santé mentale de la femme enceinte. Les Etats américains qui autorisent l’avortement jusqu’à la naissance sont l’Alaska, le Colorado, le New Hampshire, le New Jersey, le Nouveau Mexique, l’Oregon, le Vermont, l’Etat de New York, en plus de la capitale Washington D C., qui n’est pas un Etat mais un district séparé. Dans le monde, outre ces Etats américains et leur capitale fédérale, l’avortement jusqu’à la fin de la grossesse n’est à ce point libéralisé qu’au Canada, au Vietnam, en Chine et en Corée du Nord. Les démocrates de Virginie ont tenté de faire adopter une loi de ce type cette année, mais ont échoué après la polémique déclenchée quand on s’est aperçu que leur texte aurait permis l’avortement jusque pendant l’accouchement.
Dans la course à la primaire, les candidats démocrates préfèrent généralement rester vague quant à leur position sur les avortements tardifs, et c’est pourquoi le président Trump a annoncé en juillet, lors d’un rassemblement de campagne à Charlotte, en Caroline du Nord, une nouvelle initiative pour les interdire. Le président sortant a en effet tout intérêt à faire de la question de l’avortement un sujet central de la campagne, car les sondages montrent qu’une majorité d’Américains soutiennent les restrictions introduites par les Etats républicains tandis que seule une petite minorité est en faveur des lois radicales adoptées par les Etats démocrates.
Ainsi, un sondage Hill-Harris X réalisé les 10 et 11 mai montrait que face aux 45% d’Américains qui considèrent les lois interdisant les avortements après la 6e semaine comme étant trop restrictives, 34% les considèrent comme étant juste comme il faut et 21% les estiment encore trop laxistes. Comme dans d’autres sondages, on s’aperçoit qu’aux Etats-Unis les jeunes sont plus pro-vie que leurs aînés. Chez les moins de 34 ans, pas moins de 27% considèrent en effet que le délai de 6 semaines est encore trop laxiste.
Un autre sondage publié par l’organisation conservatrice Heritage Action for Americaet réalisé du 3 au 6 juin montre que 9% des Américains souhaiteraient que l’avortement soit interdit dans tous les cas et 45% voudraient qu’il soit interdit dans la plupart des cas avec certaines exceptions comme en cas de danger pour la vie de la femme enceinte ou de grossesse issue d’un viol. A l’inverse, seules 18% des personnes interrogées par les enquêteurs se sont dites favorables à ce que les avortements soient autorisés sans restriction aucune.
Un sondage de l’Institut Gallup réalisé entre le 1er et le 12 mai donnait quant à lui 25% des Américains en faveur de l’absence totale de restrictions sur l’avortement et 21% en faveur d’une interdiction totale. Entre les deux groupes, 1 % veulent que l’avortement soit légal dans la plupart des circonstances et 39% n’acceptent l’avortement légal que dans quelques circonstances. Cela donne 60% des personnes interrogées par les sondeurs hostiles aux avortements sur simple demande (contre seulement 53% un an plus tôt). Dans le sondage Gallup aussi, les tranches d’âge les plus jeunes sont les plus favorables à la limitation ou l’interdiction de l’avortement.
Ce qu’a encore montré l’étude de l’institut Gallup, c’est que 29% des Américains ne voteront que pour un candidat en accord avec leurs opinions sur la question de l’avortement.