Loup Mautin, agriculteur en Normandie, écrit dans Nouvelles de France :
"Le grand rendez-vous agrico-médiatique annuel vient de fermer ses portes au parc des expositions de Paris. A l’heure du bilan, c’est le sentiment d’une immense occasion ratée qui prédomine. Nous avons vu les banderoles et les t-shirts, nous avons entendus les sifflets et les invectives, nous avons assisté au chahut des éleveurs sur le stand du ministère de l’agriculture, nous avons attendu le commissaire Phil HOGAN à la porte de sa voiture fuyant les lieux, mais tout cela nous laisse sur notre faim.
Vitrine artificielle d’un monde pourtant bien réel, le 53e Salon International de l’Agriculture ne changera rien à la grande faillite du monde paysan. 40% des exploitations françaises connaissent des difficultés financières et nombreuses sont celles qui disparaitront avant la fin de l’année… probablement sans bruit, mais avec leurs drames et leurs souffrances.
Il s’agit là d’un monde que nous connaissons bien et que nous aimons.
Ce sont les paysans du bout des chemins, ceux qui commencent tôt et finissent tard, les pieds dans la boue, les mains gelées et qui ne sont pas allés à Paris. D’ailleurs ils ne vont jamais à la capitale et en sont fiers. Ils ont bien le temps de s’arrêter quelques instants pour boire un café ou rendre un service mais leur travail les préoccupe. Les vêlages, la traite, les travaux des champs sont la priorité. Leur labeur les passionne même s’ils savent que tout cela ne rapporte rien en ce moment. Il faut pourtant tenir comme l’ont fait avant eux leurs parents et leurs grands-parents. Ils ne sont pas dépensiers et possèdent bien quelques économies accumulées lors des bonnes années, mais cette fois la crise est sérieuse. Ils ne le savent pas, mais ils ont été sacrifiés. Alors, ils disparaîtront car leur modèle a été jugé obsolète par l’UE. La lenteur des cycles naturels repoussera l’échéance et fera traîner la fin mais elle sera inéluctable. Contraints et forcés, ils éprouveront alors la honte car ils considèreront cette liquidation comme leur échec. Ils souffriront de la publicité qui en sera faite car à la campagne tout se voit et tout se sait, mais ils ne diront rien.
Les raisons de cette faillite sont connues. Elles tiennent, surtout, à l’implosion du modèle agricole français qui a perdu toutes ses protections au profit de la concurrence libre et non faussée du grand marché mondial sans frontières, sans régulation, sans quotas, promue par la commission européenne. Son modèle? Les usines agricoles allemandes, avec main d’œuvre bulgare payée à la roumaine, dont les produits ont donné le coup de grâce à nos éleveurs à qui on avait pourtant assuré que les tarifs étaient imbattables.
Il est encore temps d’éviter cet immense gâchis car la France est auto-suffisante dans de nombreuses productions et si nous protégions le marché français, que nous distribuions dans les restaurants et les cantines les produits de nos régions, nous arriverions à revaloriser nos produits.
Protégez-nous, rendez-nous notre souveraineté !"