A propos de la nouvelle droitisation de Nicolas Sarkozy, Guillaume Bernard, docteur et maître de conférences à l'ICES (Institut Catholique d'Études Supérieures) déclare au Figarovox :
"[…] Nicolas Sarkozy peut naturellement compter sur un très réel et très fort charisme. Mais il est aussi le siège d'une sorte de dédoublement de la personnalité. Il y a, en lui, le candidat Nicolas (s'affichant de droite) et le président Sarkozy (qui a fait l'ouverture à gauche): «docteur N» et «mister S» si j'ose dire. C'est cette distorsion qui a déçu son électorat de 2007 et l'a démobilisé en 2012. Il est donc possible que, pour réparer les choses, il joue la carte de l'homme qui a mûri et réfléchi ; qu'il aille même jusqu'à reconnaître certaines erreurs dans son quinquennat pour montrer à quel point il est devenu un homme sage. Puis, dans un deuxième temps (s'il est désigné par la primaire), il va sûrement, à l'inverse, mettre en valeur le fait qu'il a déjà été président de la République afin d'essayer de coller à son adversaire vraisemblable du second tour, Marine Le Pen, une image d'inconnu et de saut dans le vide. Il y a, là, l'application à la situation actuelle de la stratégie Colé-Pilhan pour François Mitterrand: dans le premier cas, c'est 1981, dans le second c'est 1988.
En tout cas, renouveler la campagne de 2007 pour siphonner l'électorat FN ne sera pas simple. Car les rapports de force ont changé. En 2007, le FN était resté sur l'échec de 2002 et sa quasi stagnation entre les deux tours de la présidentielle. Une partie des électeurs du FN pouvaient donc voir en Nicolas Sarkozy une occasion de voir arriver au pouvoir certaines de leurs idées et revendications. Depuis, le FN a progressé non seulement en pourcentage mais aussi en nombre de voix. Même s'il est la plupart du temps confronté au «plafond de verre» (qu'il arrive à briser quelquefois), il progresse entre les deux tours d'une élection et dispose donc d'une réserve de voix. Enfin, si la droite modérée et le centre ont bénéficié ces dernières années de l'effet de balancier qui veut que l'opposition au niveau national gagne les élections locales, celui-ci n'a pas joué à plein. Par exemple, elles n'ont gagné, en métropole, que sept régions sur treize, dont deux grâce au retrait de la gauche, sur les neuf escomptées. Autrement dit, les dynamiques sont inversées par rapport à 2007. Pour parler en termes d'échec, la droite modérée, et Nicolas Sarkozy en particulier, n'ont plus les blancs: ils n'ont plus l'initiative de l'attaque et prennent le train en marche. La captation de l'électorat FN ne sera donc pas aussi facile qu'en 2007 ; l'histoire ne repasse pas les plats. Cela ne signifie évidemment pas qu'avec un autre électorat le candidat de la droite issu de la primaire n'aura pas de grandes chances (mais sans certitude) d'emporter la présidentielle. […]
Mais surtout, il semble que les hommes politiques comprennent mal le phénomène de glissement de terrain qui touche le spectre politique. Il ne s'agit pas, selon moi, d'une «simple» droitisation de l'opinion publique (même si elle est réelle) mais de ce que j'ai proposé d'appeler le «mouvement dextrogyre»: il n'y a pas qu'une radicalisation des idées (l'opinion publique de droite s'affirmant de plus en plus de droite), mais aussi (et peut-être surtout) un redéploiement des idées ontologiquement de droite (comme le retour en force de la sociabilité naturelle contre l'artificialisme contractualiste) qui repoussent vers la gauche les idées qui ont pu être positionnées à droite mais qui ne l'étaient pas idéologiquement. Le «mouvement dextrogyre», ce n'est pas un durcissement dans la modernité mais une réapparition des idées classiques et, sous leur pression, un déplacement de la modernité qui, sur le spectre politique, glisse vers gauche."