Partager cet article

L'Eglise : Vie de l'Eglise

Le Cantique Nouveau de Noël : Puer natus in Bethlehem

Le Cantique Nouveau de Noël : Puer natus in Bethlehem
D’Aurelio Porfiri, éditeur et écrivain catholique italien, pour le Salon beige:
Pendant la période de Noël, en dehors des « classiques » tels que Adeste Fideles, Silent Night, In notte placida et autres, il existe un autre chant qui, pour de nombreux chœurs, est un classique à sa manière : Puer natus in Bethlehem.
Cet hymne raconte l’histoire de la Nativité avec des accents simples mais sincères, empreints d’affection et de chaleur véritablement « populaires ».
On peut supposer que le texte, d’origine médiévale tardive, s’inspire de l’antienne d’introït liturgique Puer natus est nobis, sur laquelle Saint Jean-Paul II, dans son message Urbi et Orbi pour Noël 1979, nous offre cette méditation :
« Voici, nous nous rencontrons en ce jour de Naissance. L’Enfant naît. Le Fils naît. Il naît de la Mère. Pendant neuf mois, comme tout nouveau-né, il a été lié à son sein. Il naît de la Mère dans le temps et selon les lois du temps humain de la naissance. Du Père, il est né éternellement. Il est le Fils de Dieu. Il est le Verbe. Il porte avec lui dans le monde tout l’amour du Père pour l’homme. Il est la révélation de la divine “philanthropie”. En lui, le Père se donne lui-même à tout homme, en lui est confirmée l’héritage éternel de l’homme en Dieu. En lui est révélé, jusqu’à son accomplissement, l’avenir de l’homme. Il parle du sens et de la signification de la vie humaine, indépendamment de la souffrance ou du handicap qui pourraient peser sur cette vie dans ses dimensions terrestres. Tout cela, il l’annoncera par son Évangile. Et, en définitive, par sa Croix et sa Résurrection. Tout cela, il l’annonce déjà par sa Naissance. »
Dans sa naissance se dessine déjà son destin divin : la Mère qui rit deviendra la Mère qui pleure, les présents des Mages deviendront des baumes funéraires, le bois de la crèche deviendra le bois de la croix. Le grégorianiste Fulvio Rampi, commentant l’introït grégorien susmentionné, observait :
« C’est toujours Isaïe 9 qui fournit le texte de cet introït, là où le prophète annonce la naissance d’un “enfant” : une traduction correcte du terme puer, qui résonne immédiatement dans toute sa force mais exige d’être enrichi de sens. L’empreinte messianique de ce “puer” invite en effet à élargir sa compréhension vers une perspective bien plus vaste qu’une simple atmosphère de crèche. Le même “enfant” est d’emblée compris comme “serviteur”, appelé à accomplir le plan salvifique du Père et sur les épaules duquel – comme l’indique la deuxième phrase de l’introït – repose tout le pouvoir. »
À Noël, nous entrevoyons déjà Pâques.
En effet, notre hymne avec refrain, dès la première strophe, nous plonge dans cette histoire sacrée : un enfant est né à Bethléem, et Jérusalem en exulte. Ce qui se passe dans le petit a des répercussions dans le grand, ce qui commence à Bethléem résonnera dans la Jérusalem de l’accomplissement terrestre apparent.
Le nombre de strophes de ce texte, probablement né en région germanique, varie selon les versions. Le refrain nous prépare au mystère de l’Incarnation et à la nouveauté chrétienne : avec joie dans nos cœurs, nous adorons le Christ né avec un cantique nouveau. Cette joie qui nous est demandée n’est pas une joie superficielle, imposée dans de nombreux « petits chants » liturgiques tirant parti des effets dionysiaques de certaines harmonies, mais plutôt une joie découlant de la sérénité apollinienne de la musique liturgique, une sérénité que nous examinerons en détail en analysant ce chant.
Dans les strophes, ce lien avec le charnel est rappelé : assumpsit, concepit, processit, iacet… Comme le dit si bien Vittorio Messori dans son ouvrage Hypothèse sur Marie :
« Sans la racine de chair qu’est le corps de cette Femme, tout le mystère de l’Incarnation finit par perdre l’indispensable matérialité pour devenir un spiritualisme évanescent, un moralisme sermonneur ou, pire, une idéologie dangereuse. »
Cette observation est intéressante, car la tota pulchra, sine macula Marie est précisément Celle qui nous relie à notre destin charnel. Le risque d’un « spiritualisme évanescent », dans notre époque où le matérialisme triomphe, semble une réaction désordonnée, une pathologie présente même au sein de l’Église catholique. En réalité, notre chant invite toute la création à se rendre présente au mystère de l’Incarnation : cognovit bos et asinus quod Puer erat Dominus. Même le bœuf et l’âne, animaux qui, selon une pieuse tradition, réchauffèrent le nouveau-né dans la grotte, eux aussi se sont inclinés devant la divinité de l’enfant. Autrement dit, selon l’auteur anonyme de l’hymne, même l’instinct animal saisit les éclats de la divinité.
Il devient semblable à nous dans la chair, mais dissemblable dans le péché, poursuit le chant, et par son Incarnation, il nous a rendus semblables à Dieu. Saint Josémaria Escriva de Balaguer nous aide à comprendre ce passage :
« La vie de prière et de pénitence et la conscience de notre filiation divine nous transforment en chrétiens d’une profonde piété, semblables à des enfants devant Dieu. La piété est la vertu des fils, et pour que le fils puisse s’abandonner dans les bras de son père, il doit être et se sentir petit, ayant besoin de tout. J’ai souvent médité sur la vie d’enfance spirituelle : elle n’est pas en contradiction avec la force ; au contraire, elle exige une volonté forte, une maturité bien trempée, un caractère ferme et ouvert. Piété d’enfants, donc ; mais pas ignorants, car chacun doit s’efforcer, dans la mesure de ses capacités, d’étudier sérieusement et scientifiquement la foi : la théologie n’est rien d’autre que cela. Piété d’enfants — je le répète — et doctrine sûre des théologiens. Le désir d’acquérir la science théologique — la bonne et sûre doctrine chrétienne — est motivé, tout d’abord, par le besoin de connaître et d’aimer Dieu. En même temps, c’est aussi la conséquence du souci d’une âme fidèle de découvrir le sens profond de ce monde, œuvre du Créateur. Avec une monotonie récurrente, certains tentent de raviver une prétendue incompatibilité entre foi et science, entre intelligence humaine et Révélation divine. Cette incompatibilité se manifeste, mais seulement en apparence, lorsqu’on ne comprend pas les termes réels du problème. »
Cette filiation nous sauve donc de l’arrogance humaine qui cherche à se faire divin sans Dieu.
La mélodie évolue dans le cadre du premier mode grégorien, que nous appelons justement Protus. Il est intéressant de noter que dans les strophes, de style syllabique comme le refrain, prédominent le ré et le fa, deux degrés importants de la gamme, mais qui tendent à faire pencher le tableau modal davantage vers le deuxième que le premier mode. Une tendance à l’abaissement qui nous rappelle peut-être l’abaissement même de Dieu qui s’est fait homme. Le Protus, qui peut nous paraître comme un mode mineur, n’est pas triste mais austère. Telle est la signification de la joie chrétienne, non désordonnée et débridée, mais virile et austère. Cependant, cette austérité connaît des élans de joie, comme en témoigne le refrain aux mots in cordis iubilo, où la mélodie s’élève et s’élève encore comme si cette joie ne trouvait pas de repos. Ce repos est atteint sur le do, le degré le plus élevé atteint dans cette mélodie, affirmant maintenant pleinement le premier mode après les tendances au deuxième des strophes et proclamant, avec un bel intervalle de quinte — consonance parfaite — Christum natum adoremus cum novo cantico.
Un beau chant pour méditer profondément sur le mystère de Noël.
NB: Si vous êtes à Rome le 26 décembre, ne manquez pas le concert de Noël des Romaeterna Cantores, dirigés par le Maestro Aurelio Porfiri. Le concert, offert par Urbi et Orbi Communications, aura lieu dans la majestueuse Basilique de San Crisogono à 19h00. Entrée libre.

Partager cet article

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services