Extrait d’une tribune de Luc Ferry dans Le Figaro, sous le titre "les contradictions intellectuelles de l’homme de droite" :
"Sans en mesurer ni en comprendre la portée, le bourgeois est donc devenu bohème, «bobo». C’est lui et nul autre qui a accompli le programme de l’avant-garde : la déconstruction des valeurs traditionnelles. Comme Picasso ou Duchamp, il pratique la table rase. Au nom du benchmarking, il veut l’innovation continue. En quoi Marx avait raison : le capitalisme, c’est la révolution permanente. Dans la compétition mondiale, celui qui n’innove pas sans cesse est tout simplement voué à la mort. {…] La mondialisation libérale s’avère être ainsi le creuset d’une étrange alchimie, d’une transmutation sans pareille : en son sein, le conservateur est devenu révolutionnaire. C’est lui, et lui seul qui, au nom de la liberté, de l’individualisme démocratique, bouscule sans cesse les traditions. Il déplore donc d’un côté ce qu’il fabrique de l’autre. […].
Que faire ? […] Au niveau politique : cesser de prendre le pragmatisme pour une vertu. Il est nécessaire, bien sûr, mais totalement insuffisant. Il ne définit aucun projet de vie commune, or c’est ce dont nous avons le plus besoin. Comme j’ai tenté de le montrer dans mon livre Familles, je vous aime !, c’est à partir de l’histoire de la vie privée qu’il faudra repenser de fond en comble le collectif en l’organisant autour d’une question cruciale, qui englobe l’écologie comme la dette, la géopolitique comme le rapport au choc des civilisations : quel monde voulons-nous laisser à nos enfants ?"