Extraits de l'homélie du cardinal André Vingt-Trois lors de la messe célébrée hier pour les responsables politiques et parlementaires, en la basilique Sainte-Clotilde.
- Adresser les avertissements de Dieu, même si nous sommes minoritaires
"Dans la maison de Lazare, le
service des frères est indissociable de l’écoute de la Parole de Dieu et
de sa mise en pratique. Il serait donc vain de nous imaginer que nous
pourrions répartir les préoccupations dans une sorte de jeu de rôles.
Comme il serait tentant de réserver la vocation du disciple à quelques
cas particuliers et de garder pour le plus grand nombre le souci des
affaires de ce monde qui ne s’embarrasse pas de la confrontation à la
Parole de Dieu. De cette tentation nous avons un assez bon exemple dans
la manière de comprendre et de gérer la place des croyances et des
religions dans la société. Pour un certain nombre de nos contemporains,
elles sont considérées comme des instances chargées de rappeler des
principes moraux. Au nom de la laïcité, on accepte que [les religions] se fassent
entendre, mais sans aller jusqu’à prendre en compte leurs observations.
Elles seraient comme l’ornementation éthique de décisions qui
n’intègrent pas réellement les références éthiques. Comme si la seule
référence morale était de se modeler sur les comportements existants, y
compris avec leurs contradictions, et de les rendre licites par la loi.Je
ne sais pas si notre société peut être comparée à Ninive, la grande
ville païenne. Mais ce que l’Écriture veut nous dire, à coup sûr, c’est
que, malgré ses réticences et ses craintes, Jonas est envoyé pour
appeler cette ville à corriger ses mœurs. Le personnage de Jonas nous
est présenté comme un prophète souvent rétif devant sa mission et qui
doute tellement qu’il choisit souvent de fuir devant la difficulté.
L’épisode qui nous est relaté ici est un message d’espérance. Même une
ville aussi grande et corrompue que Ninive ne reste pas sourde aux
avertissements du prophète. Si éloignée que notre société nous paraisse
de la foi et de la Parole de Dieu, nous ne pouvons pas nous récuser en
arguant du fait que les croyants et spécialement les chrétiens ne
dominent pas la société et que nous ne serions pas écoutés. À cette
société, comme à Ninive, nous sommes invités à adresser les
avertissements que Dieu nous inspire, respectant la liberté personnelle
de chacun pour les accueillir ou pour les réfuter, pour les suivre ou
pour s’en détourner."
- 1ère priorité : la solidarité nationale
"Il est normal que des orientations politiques divergent sur les moyens à
promouvoir. Il est d’autant plus important que les objectifs de la
solidarité soient clairement exprimés et rappelés. Est-il possible de
progresser dans ce domaine sans affronter les avantages catégoriels,
sans reconnaître que la consommation ne peut pas être le seul levier du
dynamisme économique et social ? Avons-nous assez de courage pour
affronter cette réalité dans les débats électoraux ?"
- 2ème priorité : le bien supérieur de l'enfant et le respect de la dignité humaine
"Dans beaucoup des débats que nous avons connus au cours de l’année
écoulée et qui reviendront dans les mois qui viennent, on dissimule à
peine la tendance lourde qui consiste à considérer l’enfant
exclusivement du point de vue des désirs de l’adulte qu’il est supposé
satisfaire. On l’a vu dans l’exclusion du pôle paternel ou maternel lors
du vote de la loi sur l’ouverture du mariage aux personnes de même
sexe. On va le revoir dans le débat sur l’ouverture de l’assistance
médicale à la procréation. Je ne doute pas que, pour un certain nombre
de personnes, il s’agit d’affronter une souffrance réelle. Mais je doute
que l’on prenne en compte le bien supérieur de l’enfant.Dans ce
domaine, comme dans celui de la gestion de la fin de la vie, nous
souhaitons simplement répéter ce qui devrait être un repère commun dans
notre société : le respect de la dignité de toute personne humaine dont
aucune ne devrait pouvoir imaginer qu’on dispose de sa vie en fonction
de nos propres désirs, de nos sentiments ou de notre souffrance. C’est
le même attachement à la dignité de la personne qui mobilise de nombreux
chrétiens, catholiques ou non, pour l’aide aux personnes immigrées ou
réfugiées et qui nous pousse à veiller à ce que l’application de la loi
soit conduite avec discernement et humanité."
- 3ème priorité : la situation des communautés chrétiennes du Moyen-Orient
"Enfin, comment pourrions-nous oublier la situation des communautés chrétiennes du Moyen-Orient.
Le ministre des Affaires étrangères a récemment rappelé devant
l’Assemblée nationale la responsabilité particulière de la France à leur
égard, responsabilité historique et actuelle. Cette responsabilité peut
s’exercer en accueillant largement les réfugiés. Mais elle doit surtout
s’exercer par notre action diplomatique pour faire respecter les droits
dans des pays où ils vivent depuis le début de l’ère chrétienne et leur
permettre ainsi de rester paisiblement dans leur patrie. En tout cas,
cet objectif nous oblige à une grande attention dans l’aide militaire et
diplomatique que nous pourrions apporter à des groupes dont la
conviction sur ce point serait sujette à caution."