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L'Eglise : L'Eglise en France

Le cardinal Barbarin reconnait des erreurs de gouvernance

De retour de Rome, le cardinal Philippe Barbarin est interrogé dans Le Figaro. Il coupe court à toute démission et fait son mea culpa :

Images"[…] C’est l’occasion d’un examen de conscience général. Un évêque nommé dans un diocèse hérite d’une longue histoire et de nombreux choix de ses prédécesseurs. Cette démarche doit se vivre au présent : que faut-il faire aujourd’hui pour réparer les erreurs du passé et empêcher qu’elles ne se reproduisent demain ? Reste que ces actes abominables sont une profonde humiliation pour l’Église. On a utilisé parfois le terme d’omerta, mais il me semble que celui de honte serait plus approprié. C’est précisément ce que j’ai dit un jour à une journaliste qui se faisait passer pour une victime auprès de moi. Je l’ai encouragée à porter plainte : « Le plus important, c’est vous… Tant pis, si c’est une honte supplémentaire pour l’Église ! »

Il a fallu la pression médiatique pour faire bouger l’Église. Mais a-t-elle suffisamment pris conscience du choc et du drame durable représentés par ces agressions sur les victimes ?

Pas assez ! Cette prise de conscience est progressive et elle n’est pas achevée. À chaque fois que je rencontre une victime, je prends davantage conscience de l’immensité des dégâts… Un prêtre âgé de mon diocèse a tenu des propos inadmissibles devant les médias, avant une rencontre qui se tenait justement au sujet de la pédophilie. Il a reconnu qu’il n’aurait jamais dû dire cela à la sortie, car nous avions entendu le témoignage d’une des victimes du P. Preynat. Il semblait avoir pris conscience du désastre… Seule l’écoute des victimes permet cela. […]

Mais pourquoi, pour les affaires anciennes, n’avez-vous pas appliqué la « tolérance zéro » dont vous avez fait preuve quand vous avez été confrontés à des affaires nouvelles ?

Parce que justement, ces faits étaient anciens et antérieurs à mon épiscopat, ils avaient été « gérés » par mes prédécesseurs. En l’absence de plainte et d’éléments nouveaux, et parce que je n’avais pas une connaissance précise des faits, je n’ai pas reconsidéré la situation.

Avez-vous commis là une erreur ? 

Oui, et je vois aujourd’hui que c’est vraiment ici que se tient le virage de la lutte contre la pédophilie : la responsabilité que nous portons à l’égard des victimes doit désormais s’appliquer à tous les cas, aussi anciens soient-ils.

Plus de prescription donc… 

Le législateur considère que, passé un certain délai, il y a un plus grand désordre pour la société à rouvrir les vieux dossiers qu’à les refermer. L’Église ne peut pas considérer la question sous cet angle. Prenant le point de vue des familles qui veulent confier leurs enfants à « une maison sûre », elle a décidé de ne plus jamais donner de responsabilité pastorale à un prêtre pédophile et ce, quelle que soit l’ancienneté des faits, car ce sont des crimes contre l’enfance.

Avez-vous commis une erreur en n’éloignant pas du service pastoral, selon le principe de précaution, des prêtres déjà condamnés pour problèmes de mœurs qui avaient accompli leur peine ? 

Pour les prêtres pédophiles, la question de la reprise d’un ministère pastoral ne se pose plus : c’est impossible. Mais pour tous les autres (non-lieu, plainte sans suite, agressions avérées sur majeurs) il existe une telle variété de situations que l’on ne peut pas statuer en général, mais seulement au cas par cas. C’est la mission du collège d’experts dont je vous ai parlé, de m’éclairer sur les décisions à prendre.

Sur l’ensemble de ces affaires vous avez affirmé « ne jamais avoir couvert » de prêtres pédophiles et pourtant beaucoup vous accusent d’avoir couvert des affaires ?

Couvrir, c’est savoir qu’un coupable commet ces crimes et le laisser agir. Ce serait effroyable ! Précisément, quand j’ai rencontré le P. Preynat, je me suis trouvé face à un homme qui reconnaissait son passé honteux, mais qui m’assurait n’avoir plus jamais commis aucun nouvel acte de ce type depuis 1991. Mais ces actes terribles, aussi anciens soient-ils, ont généré une souffrance immense. Pour les victimes, il était inconcevable de laisser ce prêtre en fonction : je l’ai compris bien tard… et seulement quand j’ai vu leur réaction.

Regrettez-vous d’avoir agi ainsi ? 

Bien sûr. Je n’avais pas mesuré que cet acte de miséricorde à l’égard des prêtres coupables était une nouvelle souffrance pour les victimes qui y ont vu une forme de déni et qui ne se sont pas senties comprises ni même respectées. C’est une question de responsabilité vis-à-vis des victimes et de toutes les familles qui confient leurs enfants à l’Église. […]

Vous sentez-vous accusé à juste titre sur certains points ou vraiment, injustement ?

Je refais mon examen de conscience : il n’y a, à ma connaissance, pas un seul enfant qui ait eu à souffrir des décisions que j’ai prises en tant qu’évêque. Mais des erreurs de gouvernance expliquent en partie cet immense scandale dans l’opinion. De cela, je demande pardon au Seigneur et à tous. Concrètement, aujourd’hui, nous sommes nombreux, prêtres, évêques, religieux et fidèles, à avoir le sentiment de porter les fautes de tel ou tel de nos frères. Étrange expérience spirituelle, devant laquelle il ne faut surtout pas se dérober. […]"

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